Perquisitions fiscales : de nouvelles armes pour un combat de plus en plus inégal

Dans le contexte budgétaire français, l'administration fiscale se montre de plus en plus implacable, constatent Allard de Waal et Laurent Ragot, avocats chez Paul Hastings (Europe) LLP. Le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2012 propose d'ailleurs de doter les services fiscaux de nouvelles armes coercitives. Pour les contribuables, et notamment les dirigeants de société, visés par des perquisitions, la situation est souvent très mal vécue. Il convient donc de s'y préparer très sérieusement...
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Depuis plusieurs années, l'administration fiscale profite des lois de finances pour renforcer son arsenal législatif en matière de contrôle fiscal (nouveau régime de la perquisition fiscale, instauration d'une « police fiscale », etc.). Cette année ne fait pas exception. Le projet de troisième (!) loi de finances rectificative pour 2012 propose d'introduire de nouvelles mesures coercitives.

 Les perquisitions fiscales peuvent être mises en ?uvre par l'administration fiscale sur autorisation du juge. Elles ont pour objet de lui permettre de recueillir des informations auprès de contribuables dont elle soupçonne qu'ils se soustraient à l'impôt au moyen de man?uvres frauduleuses (par exemple, par l'absence de déclaration d'opérations imposables en France). On rappellera que les perquisitions fiscales peuvent être diligentées en tous lieux. On pense bien évidemment au siège d'une société, mais, également, au domicile des dirigeants de cette société. C'est une situation qui est souvent très mal vécue par les contribuables et à laquelle il convient dès lors de se préparer très sérieusement.

Faciliter l'accès de l'administration aux informations présentes sur des supports informatiques

 La réforme actuellement envisagée vise à faciliter l'accès de l'administration aux informations présentes sur des supports informatiques. Le texte actuel qui réglemente la procédure de perquisition fiscale prévoit que seules les informations « détenues » dans les locaux perquisitionnés peuvent être saisies. Le projet de loi envisage de permettre à l'administration de saisir les informations « accessibles ou disponibles ». En pratique, l'administration pourrait demander à avoir accès aux informations stockées sur les serveurs informatiques distants. Un contribuable qui pensait faire échapper aux pouvoirs de saisie de l'administration fiscale certaines données qu'il ne conserve pas dans ses locaux mais sur des serveurs informatiques externes ne le pourra plus.

 Cette nouvelle disposition peut soulever certaines interrogations quant aux pièces pouvant être saisies, notamment dans les locaux français d'une entreprise appartenant à un groupe international dont les serveurs sont situés à l'étranger. L'entreprise perquisitionnée devra prendre garde que seuls les documents strictement liés aux agissements que l'administration cherche à prouver soient saisis.

Des entreprises privées de leur serveurs informatiques ?

 En outre, s'il est fait obstacle à la lecture et/ou à la saisie de certaines données stockées sur un support (par exemple en cas de refus de communiquer à l'administration fiscale un mot de passe ou une clé de décryptage), l'administration fiscale pourrait saisir le support informatique lui-même (un disque dur d'ordinateur, par exemple), procéder à une copie de ce support et au décryptage des informations. Une nouvelle profession de « hacker fiscal » verra-t-elle le jour ?

Le délai accordé à l'administration fiscale pour décrypter les informations est de quinze jours. Il est toutefois prévu que ce délai puisse être prorogé par un juge, sans qu'une durée maximale ne soit prévue. Que fera l'entreprise, pendant cette période, sans ses serveurs informatiques ou ses disques durs ? Qui l'indemnisera du préjudice causé, en particulier si les recherches de l'administration s'avèrent infructueuses ? Autant de questions qui restent à ce stade sans réponse.

Les pouvoirs de l'administration fiscale sont de plus étendus

 On notera également que le comportement du contribuable serait par ailleurs sanctionné par une nouvelle amende qui pourrait représenter jusqu'à 5% des impôts mis en recouvrement par l'administration à l'issue de son contrôle fiscal. Quel pourra être le montant de l'amende si l'obstacle rencontré par l'administration trouve sa source dans la simple ignorance des personnes présentes dans les locaux perquisitionnés ?

 On le voit, les pouvoirs de l'administration fiscale sont de plus étendus et les contrôles fiscaux se durcissent. En théorie, le juge veille au bon déroulement des procédures et sanctionne l'administration qui abuse de ses pouvoirs. C'est ainsi que certaines procédures peuvent être annulées, comme dans l'affaire des fichiers volés d'HSBC. Des documents obtenus de manière illicite (par voie d'un vol de fichier en l'espèce) ne peuvent permettre à l'administration d'obtenir l'autorisation d'un juge pour procéder à une perquisition. Certaines pièces saisies ne peuvent être utilisées par l'administration, telles que les correspondances couvertes par le secret professionnel entre un avocat et son client (même si l'on peine à croire qu'en pratique, l'administration fiscale n'est jamais tentée de prendre connaissance de tels documents...).

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Commentaires 20
à écrit le 04/12/2012 à 7:35
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Décidément la confiance règne. Entre les radars et des ministres de la spoliation, le citoyen a intérêt à marcher droit. Pourquoi ne pas faire accompagner d'un agent de police et d'un agent du fisc chaque citoyen depuis le lever jusqu'au coucher: plu...

à écrit le 03/12/2012 à 23:57
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Des indemnités non-imposables pour tout le monde. Et il n'y aura plus de fraudes. Certains l'ont compris depuis longtemps et ils sont bien tranquilles en vivant très confortablement aux dépends de ceux qui paient plein pot.

à écrit le 03/12/2012 à 22:27
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"Depuis plusieurs années, l'administration fiscale profite des lois de finances pour renforcer son arsenal législatif en matière de contrôle fiscal"... j'ai du mal à comprendre: c'est Bercy qui écrit les lois maintenant? Ou ce sont les élus? Je veux ...

à écrit le 03/12/2012 à 22:26
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vous indiquez que le secret professionnel s'impose entre les échanges entre un avocat et son client, ce qui est confirmé par la Cour de cassation, chambre commerciale, 3 mai 2012, n° 11-14008 Ainsi l'administration fiscale dans le cadre d'un L16B ne...

à écrit le 03/12/2012 à 21:55
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Il faut lutter efficacement contre la triche. Je ne comprends pas le titre qui parle de lutte "inégale" : l'administration n'utilise pas de compte dans des paradis fiscaux, ni de sociétés écrans, contrairement aux tricheurs... Il faut que chacun comp...

le 03/12/2012 à 22:21
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La triche est parfaitement justifiée dans le cas d'un état voleur, magouilleur et spoliateur des deniers de ses administrés. Et vous savez très bien que si les taux d'impositions étaient dans la moyenne européenne, la triche serait beaucoup plus faib...

le 03/12/2012 à 22:32
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Vous avez certainement raison, mais le tricheur est souvent très bien préparé et il sait ce qu'il peut négocier. En revanche celui qui est de bonne foi et qui n'a peut-être soit pas les moyens de se payer un fiscaliste digne de ce nom ou qui a mal co...

le 04/12/2012 à 1:23
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Je conseil aux services fiscaux de faire preuve de la même pugnacité avec les politicards véreux qu'avec les chefs d'entreprises. Par exemple, tout ce qui concerne les ronds points et les opérations de voirie et immobilières. Mais on peut rêver!!!

le 04/12/2012 à 6:16
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et moi je conseille aux salariés de défendre leur entreprises avec autant de pugnacité que les syndicats face à Mittal !!! car ce n'est pas de la triche (n'en déplaise à Très bien) mais ni plus ni moins que la défense de l'activité de l'entreprise !!...

le 04/12/2012 à 6:25
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@docteur Popol : vous n'avez rien compris : les services fiscaux seront de plus en plus dur pour récupérer du fric justement pour payer plus de ronds points inutiles ou d'opérations de voiries et immobilières pour aider ces chers élus : ils travaille...

le 04/12/2012 à 15:12
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Oui, il "faut lutter efficacement contre la triche", mais en démocratie "efficacement" ne veut pas dire faire n'importe quoi n'importe comment. A part les services spéciaux, je ne connais pas une administration qui soit aussi puissante et aussi "bo...

à écrit le 03/12/2012 à 20:59
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Quel perte de liberté pays communiste

à écrit le 03/12/2012 à 19:10
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Chef d'entreprises protégez-vous en utilisant des clés USB "Iron Key" D200 (32GB) chiffrées et dotées d'un logiciel d'auto effacement.

à écrit le 03/12/2012 à 18:54
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Je pense que Bastien en à assez de ce climat de m... qui se développe chez nous et il a bien raison.

le 03/12/2012 à 22:23
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"climat de m....." ? Parce qu'on essaye de lutter contre la fraude fiscale avec plus d'efficacite. Belle mentalite. Va falloir vous y faire parce que tout les etats font la meme chose. Et la crise s'agravant vous risquez d'etre surpris par certaines ...

le 04/12/2012 à 6:38
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que voulez-vous : une activité économique ou payer des impôts ?? il vous faudra faire un choix, car si c'est la 2e il vous faudra vous faire au chômage !!!!

à écrit le 03/12/2012 à 17:56
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Je suis en train d'étudier les conditions de délocalisation de ma société. Je ne voulais pas en arriver là mais, après avoir consulté mes salariés et collaborateurs directs, cela s'impose à nous comme une évidence.

le 03/12/2012 à 18:25
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vous avez quelque chose à cacher peut-être?

le 03/12/2012 à 19:26
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A Bastien : alors il faut être bien conseillé et complètement....Il ne s'agit pas d'une décision qiui doit être prise à la légère... Nous sommes à votre écoute pour cela et éviter les pièges...

le 03/12/2012 à 22:49
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holà BASTIEN délocaliser est une erreur si ton marché se trouve en France, pense à l'image, à la proximité de tes clients et de ta réactivité sur le marché sur lequel tu es présent. Par contre si tu exportes ou réalises ton CA hors france tu as intér...

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