Pour un "Nasdaq européen"... vite !

Pour un grand nombre de valeurs technologiques, il est urgent d'initier un segment spécifique financier à l’échelle européenne. Faute de quoi, la fuite des "pépites" tech vers l'eldorado de l'investissement américain ne sera pas endiguée. Par Jamal Labed, Président de l’AFDEL, cofondateur du groupe EasyVista côté sur Alternext.
Jamal Labed, Président de l’AFDEL.

Alors qu'Euronext reprend son indépendance vis-à-vis de NYSE, lui-même racheté par l'opérateur américain ICE, à la faveur d'une introduction en bourse en juin dernier, il nous paraît absolument indispensable de profiter de cette opportunité pour faire de l'opérateur boursier un vrai « Nasdaq européen ».

La France, l'Europe ont besoin d'une vraie place de marché pour les valeurs d'innovation et de croissance (numérique, biotech, ou encore cleantech) à un moment où les capitaux sont abondants mais s'investissent trop peu dans nos secteurs d'avenir.

Les fonds français ne sont actuellement pas en mesure de répondre aux besoins de financement de nos entreprises, qui continuent à se financer principalement par la dette. Hors cas de figure exceptionnel, leurs levées annuelles auprès des investisseurs internationaux sont seulement légèrement supérieures à 1,5 milliard d'euros. La croissance de nos entreprises, dont le besoin annuel est d'environ 11 milliards d'euros, s'en trouve directement menacée.

Nos pépites obligées à l'exil

Si l'on ne peut que se féliciter du succès mondial de Criteo, entreprise française du numérique dont l'entrée en Bourse couronne un succès largement mérité, il est à déplorer que nos pépites numériques aillent - au-delà des stratégies de conquête de marchés - chercher aux États-Unis les moyens financiers de leur réussite faute de les trouver en Europe.

Il est aujourd'hui crucial de mieux mobiliser l'épargne des Français, sauf à laisser notre économie se financer auprès de fonds anglo-saxons naturellement moins soucieux de l'emploi hexagonal ou européen. C'est pourquoi l'AFDEL appelle à la création d'une place de marché européenne dédiée à ces valeurs, à l'instar du Nasdaq. Un appel entendu par les ministres Fleur Pellerin puis Axelle Lemaire, comme en témoignent leurs déclarations. Pas de « start-up République » sans une vraie place de marché.

Sept fois plus valorisées aux Etats-Unis

Des places boursières existent certes déjà en Europe. Cependant, ne parvenant pas à atteindre la taille critique nécessaire à leur attractivité, celles-ci sont dans l'incapacité de remplir leur rôle auprès des entreprises et des investisseurs. Elles souffrent notamment d'une base d'investisseurs trop étroite, entrainant un manque de liquidité, ainsi que d'un sérieux problème de valorisation du secteur technologique.

Quelques chiffres montrent la distorsion entre les deux côtés de l'Atlantique. Dans le secteur très prometteur et stratégique du SaaS (Software As A Service) en France, les entreprises sont valorisées en bourse deux fois leur chiffre d'affaires ; aux Etats-Unis, elles le sont en moyenne quatorze fois ! En France, seule une trentaine d'éditeurs de logiciels sont côtés contre plusieurs centaines aux Etats-Unis.

Il est urgent de remédier à cette situation en établissant un segment technologique financier fort à l'échelle européenne. Ce dispositif aurait pour objectif de créer et de promouvoir des indices spécifiques au secteur, tout en élargissant la base d'investisseurs. Mais l'idée d'un Nasdaq européen implique également de réaliser un véritable travail de marketing et de pédagogie auprès des entreprises ayant vocation à entrer en bourse et de la communauté financière européenne sur le sujet des valeurs technologiques. A terme, c'est tout un écosystème financier spécialisé dans les valeurs technologiques qui est à mettre en place.

Un champion européen du financement

Offrant des perspectives de long terme aux entreprises technologiques, le « Nasdaq européen » redynamiserait tous les échelons du financement, en particulier le capital-risque en leur donnant des perspectives de sortie sur le marché. Cet élan général, conféré aux secteurs technologiques, placerait l'Europe en position de force pour attirer les talents du monde entier et lui permettrait de redevenir maître de son avenir numérique. La souveraineté technologique, appelée de leurs vœux par nombre de décideurs politiques, passe par un « Nasdaq européen ».

Le moment est propice à une initiative européenne. L'Allemagne et la Grande-Bretagne connaissent des difficultés de financement semblables, alors même que les capitaux étrangers se réinvestissent massivement en Europe. En France, les dispositifs de fléchage de l'épargne vers les PME permettent de penser que de nouvelles sources de financement vont être de nouveau accessibles aux sociétés innovantes. L'opérateur Euronext, groupement de marchés financiers, serait en mesure de jouer un rôle moteur dans le projet. Après son entrée en bourse et le désengagement d'ICE, Euronext pourrait en effet retrouver sa vocation européenne et prendre toute sa place dans la construction d'une place de marché européenne.

Sans mésestimer les difficultés d'un tel projet, il est temps d'affirmer une nouvelle ambition pour l'Europe, en favorisant l'émergence d'un champion du financement européen au service de la croissance de nos entreprises innovantes. Les professionnels du numérique attendent désormais la démonstration d'une volonté politique forte sur le sujet.

Gageons que les Assises du financement de l'économie, réunies par le Président de la République le 15 septembre prochain pourront marquer des avancées significatives.

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Commentaires 2
à écrit le 13/09/2014 à 20:51
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A l'heure de la taxe tobin, ce monsieur est un blagueur. Les politiciens ont choisi de faire placer les économies des français dans la dette de l'état via l'assurance vie plutôt que dans les entreprises ... pendant que les US ont fait l'inverse . Alo...

à écrit le 13/09/2014 à 12:35
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Pour faire un marché boursier, il faut de la recherche. Or personne ne veut payer pour çà.

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