Ce rapport Badinter qui enterre la refondation du code du travail

Les principes édictés par le rapport Badinter interdisent toute dynamisation de l'emploi. Par Bruno Serizay, avocat associé du cabinet Capstan

Le Premier Ministre a demandé à la Commission Badinter d'identifier les principes fondamentaux du droit du travail, permettant de substituer aux dispositions du Code du travail relatives à l'organisation des entreprises et des relations de travail, celles d'accords collectifs négociés au sein des entreprises.

Le résultat est très décevant ; la plupart des 61 principes essentiels identifiés par le rapport remis le 25 janvier corsètent l'accord collectif et figent les relations de travail dans une série de contraintes interdisant toute dynamisation de l'emploi.

Maintien du monopole syndical: 80% des salariés exclus de la négociation

Pour la commission, les accords collectifs ne pourraient, à l'avenir comme dans le passé, être négociés et conclus que par les organisations syndicales. Ce monopole prive plus de 80 % des salariés de la possibilité de participer à la détermination collective de leurs conditions de travail. Les victimes sont les salariés des entreprises dans lesquelles la présence syndicale est inexistante et celles dans lesquelles le dialogue social est bloqué. La réflexion du Gouvernement sur la possibilité de contourner l'absence ou le blocage syndical par la validation référendaire des accords minoritaires est bloquée.

 Un accord collectif qui ne peut être imposé

Et encore seuls les accords d'entreprise plus favorables pourraient déroger aux accords de branche, alors même que la comparaison est le plus souvent impossible. Pire, les accords ne pourraient pas contenir d'avantages dédiés à certaines catégories de personnel. Enfin, l'accord collectif, même lorsqu'il organise l'entreprise ne pourrait toujours pas être imposé aux salariés. Un accord aménageant la durée collective du travail n'a pourtant pas de sens si les salariés peuvent refuser l'organisation. Un accord « échangeant » une réduction de la rémunération ou une augmentation du temps de travail contre la préservation ou le développement de l'emploi ou l'attribution d'autres avantages n'a de portée que s'il s'impose à tous les salariés.

Le prosélytisme religieux devient possible

Pour la Commission, constitue un principe essentiel la liberté pour le salarié de manifester ses convictions y compris religieuses, sauf éventuelles restrictions apportées par l'entreprise (si elle gère une mission de service public ou si elle est de conviction). La commission ne précise pas que la liberté d'expression trouve une limite naturelle dans le respect des valeurs de la République. Toute action de prosélytisme religieux devient donc possible sans que l'entreprise puisse s'y opposer.

La commission considère que « l'employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé des salariés dans tous les domaines liés au travail ». La généralité et la radicalité de ces termes sont une outrance. Il n'est ni humainement, ni juridiquement contestable que l'entreprise ne doit pas exposer le salarié à un danger. Mais pour autant l'entreprise doit-elle, être en toutes circonstances responsable de violences faites à ses salariés, du fait d'actes terroristes ? Doit-elle assumer les faiblesses physiques ou psychologiques des salariés auxquelles elle est raisonnablement étrangère. L'expression « tous les domaines liés au travail » est source d'une extension considérable de responsabilité ; l'entreprise doit-elle être responsable d'une intolérance alimentaire au motif qu'elle fournit des tickets repas ? En l'absence de tout harcèlement est-il concevable qu'elle soit responsable des difficultés du salarié à faire face à ses contraintes professionnelles ?

Des protections nuisibles à l'emploi

Enfin pour la commission, « le principe d'égalité s'applique dans l'entreprise » et « l'employeur assure l'égalité des rémunérations entre les salariés pour un même travail ou un travail de valeur égale ». L'égalité est successivement présentée comme une valeur, un principe ou une garantie. On sait pourtant que l'égalité peut être définie soit objectivement soit subjectivement et que c'est une réalité à géométrie variable (toute l'entreprise, une catégorie).

La sensibilité du concept, de la réalité et de la mesure de l'égalité supposait soit que le rapport se limite à un renvoi à la valeur républicaine d'égalité, soit qu'une définition précise en soit donnée.

Le rapport sacralise nombre de protections nuisibles à l'emploi, que le Premier Ministre stigmatise lors du lancement du chantier ambitieux de refondation du Code du travail.



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Commentaires 21
à écrit le 18/02/2016 à 10:10
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Penser que baisser les salaires et réduire les salariés à une viande corvéable à merci va améliorer l'économie est une stupidité et un raisonnement qui conduit l'économie francaise à sa perte. La productivité des salariés s'en trouvera diminuée ,la ...

à écrit le 03/02/2016 à 19:22
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Ce rapport n'enterre rien. "Il incombait ainsi aux neuf membres du comité de procéder à une analyse des dispositions actuelles du droit du travail pour mettre en lumière les piliers sur lesquels repose l’édifice".... "Le comité a travaillé à d...

à écrit le 03/02/2016 à 16:34
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il s'agit d'attendre ... 2017 !!!

le 03/02/2016 à 18:40
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Je ne pense pas que le NPA l'emporte, les médias font essentiellement de la publicité au front national vous savez...

à écrit le 03/02/2016 à 14:10
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Dans une République Exemplaire, les décisions ne sont pas rapides et les réformes Macron doivent être approuvées par des syndicats qui ont horreur du changement, les chômeurs ont de la patience , il vaut mieux.

le 18/02/2016 à 10:57
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40 milliards d'€ donnés en cadeau par la gauche aux entreprises françaises en échange de la promesse de la création d'1 million d'emplois . Résultat : o emploi créés ( Bonne nouvelle pour les actionnaires ,les entreprises ont pu recréer des marges !...

à écrit le 03/02/2016 à 13:27
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Les djihadistes n'ont plus rien a faire pour casser notre laïcité, les portes sont grandes ouvertes avec le prosélytisme religieux recommandé par la momie Badinter !

le 03/02/2016 à 18:42
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Notre laicité ?! Je ne pense pas que nous avons la même... Pour l'interdiction pure et simple de la religion dans son ensemble, j'obligerais tous les fonctionnaires à s'y plier pour ma part ainsi que l'interdiction d'appartenir à un parti politiq...

à écrit le 03/02/2016 à 11:30
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A travail égal, salaire égal. Voilà pourtant un principe qui permet de rabaisser le salaire des vieux au niveau du salaire des jeunes. Sauf que les syndicats conservateurs et non représentatifs vont s'y opposer. Blocage donc. La France connait et aim...

le 18/02/2016 à 9:45
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Commentaire d'une stupidité abyssale. Boule, vous ne devez pas bien savoir ce que c'est de travailler . Retournez sur vos occupations solitaires.

à écrit le 03/02/2016 à 10:07
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Avec des vieux, qui n'ont jamais travaillé de leur vie dans une entreprise que voulez vous qu'il en sorte? de la bouillie technocratique. La forte connivence entre les organisations syndicales et les élus apparait au grand jour. Tous cherchent à ma...

le 03/02/2016 à 10:53
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"Le referendum d'entreprise comme de localité territoriale serait un vrai progrès". Comme chez Smart ? .Bon, faut dire que les cadres favorables à ce projet (74 % des cadres, employés, techniciens et agents de maîtrise )avaient juste deux jours de ...

à écrit le 03/02/2016 à 10:05
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Le prosélytisme religieux autorisé dans les entreprises ! Bonjour l'organisation d'une part et d'autre part encore un moyen d'écorner la laïcité. Il n'est pas question que la morale religieuse rentre dans l'entreprise, imaginez que dans une entrepris...

le 03/02/2016 à 10:56
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"Le prosélytisme religieux autorisé dans les entreprises !" Je demande si nos travailleurs chretiens de la CFTC en font partie ?

à écrit le 03/02/2016 à 9:58
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Bonjour, Je ne partage pas du tout votre vision que j trouve un peu caricaturale. Tout d'abord lorsque le rapport parle de « l'employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé des salariés dans tous les domaines liés au travail », vous réagi...

le 18/02/2016 à 14:16
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Merci pour ce commentaire fouillé et argumenté. Je partage totalement votre analyse comme beaucoup de mes ex- collègues salariés , y compris cadres ( j'arrive à la retraite après 176 trimestres de cotisations et quelques centaines de suivis d'opérati...

à écrit le 03/02/2016 à 9:42
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La dynamisation de l'emploi ? Alors que l'économie actuelle met 5 millions d'actifs sur le carreau actuellement ? La politique d'assouplissement du travail comme on dit sympathiquement est initiée en france depuis une bonne dizaine d'année à savo...

à écrit le 03/02/2016 à 9:19
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Impossible de réformer sur le fond quoi que ce soit en France . A 88 ans il y a sans doute des esprits aussi brillant et déliés que Badinter mais plus au fait du monde d'aujourd'hui. Pourquoi ne pas reprendre le code du travail SUISSE. Ils ne sont pa...

le 03/02/2016 à 10:31
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Le code du travail Suisse impliquerait de prendre tout ce qui va avec donc votation directe par la population, interdiction de polluer et tout un tas de dispositions qui ruinerait la vie politique et économique de la France d'aujourd'hui. Le code ...

le 03/02/2016 à 11:00
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Pour la Suisse, on ne peut pas vraiment comparer. Il n'existe pas de code du travail comme en France. Les textes sont organisés de manière différente. En revanche on peut évaluer le nombre d'articles sur le travail à environ 200. Jean-François Besson...

le 18/02/2016 à 14:31
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Pour répondre à La Chose : en Suisse ,que je connais bien, les salaires ont au moins le mérite d'être beaucoup plus élevés qu'en France. Et puis les entreprises Suisses ont un gros avantage ,du moins dans la zone frontalière : les indemnités de choma...

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