Subprimes : les banques européennes anticipent les condamnations américaines

Le Department of Justice (DoJ) américain a confirmé être parvenu à un accord signé avec la Deutsche Bank et le Crédit Suisse qui acceptent une condamnation. Les banques ont préféré ne pas attendre l'arrivée de l'administration Trump. Par Hervé Guyader, Avocat au Barreau de Paris

Le Department of Justice (DoJ) américain a confirmé être parvenu à un accord signé avec la Deutsche Bank (le 17 janvier) et le Crédit Suisse (le 18 janvier) qui acceptent une condamnation à 7.2 milliards de dollars pour la première et à 5.28 milliards de dollars pour le second pour solder la crise des subprimes.

 Ces accords viennent clore les dossiers ouverts dans l'affaire des titres adossés à des créances hypothécaires résidentielles (RMBS), un des produits financiers ayant mené à la crise des « subprimes » en 2008.

La crise des subprimes soldée par des accords financiers

Selon le Département de la justice américain, des graves fautes pesaient sur les établissements bancaires.

Plus précisément, la Deutsche Bank est tenue pour responsable de « conduite illégale et de pratiques irresponsables en matière de prêts, qui ont causé un dommage grave et durable aux investisseurs et au grand public ». Quant au Crédit Suisse, il a fait de « fausses et irresponsables » déclarations sur les créances hypothécaires résidentielles qui ont causé des milliards de pertes et ont eu de lourdes répercussions sur la vie de citoyens américains.

 « L'accord conclu (avec le Crédit suisse) est la preuve que le département de la justice veillera à ce que les institutions responsables de la crise financière de 2008 assument leurs responsabilités » a commenté Loretta Lynch, ministre de la justice sortante.

4,1 milliards de dollars de l'amende infligée à la banque allemande seront versés aux ménages américains lésés, notamment sous la forme de révision des conditions de prêt. Les autorités américaines avaient annoncé en septembre 2016 qu'elles réclamaient 14 milliards de dollars à la Deutsche Bank, accusée d'avoir vendu en toute connaissance de cause entre 2006 et 2008 des crédit immobiliers toxiques convertis en produits financiers.

 Seule Barclays conteste

Pour ce qui concerne la banque suisse, elle devra s'acquitter d'une amende de 2,48 milliards de dollars plus un dédommagement aux clients de 2,8 milliards étalé sur une période de cinq ans. La convention libère Crédit Suisse d'une éventuelle procédure civile intentée par le DoJ suite à la titrisation, la souscription et l'émission de RMBS, une activité menée par la banque principalement entre 2005 et 2007.

Dans la même affaire de la vente de titres adossés à des emprunts hypothécaires, quatre grandes banques américaines, JPMorgan Chase, Citigroup, Morgan Stanley et Bank of America ont accepté de payer un montant cumulé de 40 milliards de dollars pour solder les poursuites.

Seule la banque britannique Barclays a choisi de contester les accusations du DoJ devant les tribunaux. Un accord a cependant de fortes chances d'intervenir, le droit de la régulation économique étant très orienté vers la conclusion de conventions financières.

L'urgence d'un règlement amiable avant l'entrée en vigueur de l'administration Trump

Il peut être surprenant de voir deux grandes banques européennes parvenir à un accord aussi ambitieux avec le DoJ américain à un jour d'intervalle, et surtout à deux jours de l'entrée en fonction de Donald Trump.

S'agissant du Crédit Suisse, les choses se sont grandement accélérées au 4e trimestre 2016 où la banque a déclaré constituer une provision supplémentaire avant impôts de 2 milliards de dollars qui s'ajoute aux réserves déjà prévues de 550 millions.

En clair, l'arrivée de Donald Trump a poussé les banques européennes à conclure d'urgents accords étant bien conscients que leur situation gagnait à être réglée avec l'administration Obama.

L'extraterritorialité des lois américaines qui justifie une partie des condamnations prononcées, déjà ressentie avec une certaine violence et une grande injustice par les entreprises européennes risque d'entrer dans une phase inédite de coercition.

La brutalité manifestée par Donald Trump à l'encontre de l'emblématique entreprise américaine Ford laisse imaginer ce que pourraient subir des entreprises étrangères, en particulier européennes.

Le glissement opéré entre le droit du commerce international et le droit de la régulation économique internationale va obliger à l'identification de garde-fous, à commencer par l'encadrement des obligations de compliance qui permettent aux autorités américaines de se comporter en régulateurs souvent abusifs.

Car en l'état, il n'est pas inutile de rappeler que les amendes sont prononcées sans aucun recours au juge, donc sans examen contradictoire des preuves et sans prononcé d'une décision judiciaire.

 Hervé Guyader, Avocat au Barreau de Paris, Docteur en Droit, Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International

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Commentaires 2
à écrit le 23/01/2017 à 22:51
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J'aimerais savoir ce que viennent faire les subprimes avec des banques européennes .????

à écrit le 23/01/2017 à 17:08
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Non qu'ils dérégulent le plus tôt possible, que nous assistions enfin à la mort des ces faussaires de l'économie mondiale que sont les banques. Les survivantes devraient se calmer par la suite...

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