Grandes écoles : pour un service civique obligatoire

Les grandes écoles devraient mettre en place des modules obligatoires, équivalents au service civique. Mais il faut réunir les conditions de la réussite d'un tel projet. Par Alexandrine Bornier et Sylvain Max, Groupe ESC Dijon-Bourgogne*

Dans une tribune publiée par Le Monde le 9 juin dernier, une centaine de diplômés de grandes écoles françaises lancent un appel pour rendre obligatoire le service civique au sein de ces institutions d'excellence qui les ont formés. Ce n'est pas la première fois que de tels appels sont lancés ces dernières années, même si s'ajoutent ici aux objectifs d'ouverture sociétale des arguments plus conjoncturels liés aux crises sociales et économiques que nous vivons.

Nous ne pouvons que souscrire à cette demande. Et pour cause ! Au sein du Groupe ESC Dijon-Bourgogne, voilà 10 ans que nous avons mis en place un module obligatoire s'apparentant au service civique.

 Il s'agit de la Pédagogie par l'Action Citoyenne (PAC). Animée par la volonté de former des managers responsables et dotés d'un esprit éthique, elle représente 40 heures intégrées au cursus de tous les étudiants de 1ère et 2e année du Master Grande École, qui sont dédiées aux actions solidaires de la société civile. Ce sont ainsi près de 25.000 heures consacrées chaque année par des centaines d'élèves aux collectivités territoriales, aux établissements publics (écoles, hôpitaux, musées) et à des associations agréées.

 Un retour réflexif nécessaire pour mieux comprendre les apports pour soi et la société

 Une telle démarche ne sera une réussite que si sa mise en œuvre répond à une méthode claire et solide, que nous avons pu éprouver à notre niveau depuis 2005. Sans imposition externe, il nous aura déjà fallu une volonté affichée et toujours renouvelée de la Direction et la décision de rendre ce module obligatoire, noté et crédité. Puis dans la pratique, ne jamais déroger à la règle mise en place.

 À la base, il est nécessaire d'établir la liste des compétences sociales et comportementales visées, puis prévoir une autoévaluation des compétences développées pour permettre aux étudiants d'analyser ce qu'ils ont vécu, et ainsi prendre conscience des apports de la mission. Un focus particulier sera demandé aux étudiants quant à la transférabilité des compétences développées en situation professionnelle. Cet exercice permet de préparer les étudiants à la façon dont ils pourront valoriser cette expérience enrichissante lors de leurs entretiens de recrutement pour un stage, un apprentissage ou un premier emploi.

Il faut aussi expliquer aux élèves l'importance de se mobiliser au service de la cité. Pour certains d'entre eux, c'est plus ou moins naturel, ou logique. Pas pour d'autres. Il est donc judicieux de prévoir une présentation limpide du module aux promotions, que chacun comprenne bien ce « paradoxe du bénévolat obligatoire », ainsi que les règles de fonctionnement du dispositif. Une journée spéciale sur le campus est une bonne formule, avec un forum des associations partenaires venant à la rencontre des étudiants pour se présenter et proposer les missions.

 Réseau d'associations locales partenaires et accompagnement des missions

 Car c'est là un autre point crucial : il est fondamental de fédérer autour de soi un réseau d'associations locales (SAMU Social, établissements scolaires et maisons de retraite des environs, Secours Catholique, Secours Populaire ou autre association de soutien scolaire aux enfants de réfugiés par exemple), qui seront bien au fait des tenants et aboutissants de la démarche. Une bonne connaissance des attentes des associations permettant d'instaurer un partenariat de confiance entre l'École et ces dernières.

Il s'agira également d'être clair sur le fait que les missions doivent être des missions d'accompagnement de personnes en difficultés - le cas échéant -, avec l'objectif de développer ses compétences comportementales, et qu'elles ne peuvent pas être des missions commerciales ou administratives. De même, elles ne doivent en aucun cas faire l'objet d'une quelconque rémunération.

Enfin, les ressources allouées au module doivent être à la hauteur. Cela entre autres pour assurer un vrai suivi des missions, afin de régler les problèmes de fonctionnement qui peuvent survenir, que ce soit du côté des étudiants (non mobilisation, non réponse aux demandes des associations, annulation des interventions au dernier moment, etc.) ou du côté des associations (non réponse aux demandes des étudiants, missions non conformes à l'esprit de la démarche, etc.).

 L'importance de l'expérience terrain

Toutes ses précautions prises, l'impact positif du dispositif sera maximal et permettra à la majorité des étudiants d'en tirer une expérience enrichissante, même s'il demeurera toujours, malgré tout, quelques réfractaires.

Il est évident que ces expériences terrain sont essentielles pour développer les compétences comportementales des élèves de grandes écoles, qui en apprennent ainsi autant sur les réalités sociales que sur eux-mêmes. Les bénéfices pour la société sont nombreux également. Alors oui, vite, généralisons ces dispositifs dans les grandes écoles ! Une fois la décision politique actée, nous saurons comment faire.

 *Alexandrine Bornier, Responsable du département DAP (Développement et Accompagnement Personnels) et de la Mission Handicap du Groupe ESC Dijon-Bourgogne

Sylvain Max, enseignant-chercheur en psychologie sociale au Groupe ESC Dijon-Bourgogne

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Commentaires 6
à écrit le 07/07/2016 à 16:59
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Un bon coup de com autour d'une pratique totalement stérile. Les élèves sont considérés comme des égoïstes qui ne peuvent prendre de bonnes décisions (aide sociale) sans une intervention de la hiérarchie. Et vous voulez faire croire que l'école for...

à écrit le 06/07/2016 à 5:09
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A citoyen blase : Que vous ont fait les chiens ? Vous devriez nommer cette engence bonne a brasser de l'air hyenes, la je vous suivrai, le meilleur ami de l'homme doit le demeurer.

à écrit le 05/07/2016 à 18:26
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Pourquoi ne pas laisser nos étudiants décider eux-mêmes? Peut-être n'avons-nous pas besoin de jeunes plein d'énergie pour créer les entreprises de demain? C'est un procès d'intention d'égoïsme qui leur est fait, tout simplement. En revanche, la forma...

à écrit le 05/07/2016 à 14:36
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Pourquoi pas mais ça ressemble surtout à un gros coup de marketing parce que de quoi une grande école est le nom actuellement ? La compétitivité à tout prix et la marge bénéficiaire comme unique objectif, tout ces dirigeants que l'on voit sortir ...

le 05/07/2016 à 17:05
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Le service civique existe déjà à l'école polytechnique où les élèves peuvent choisir entre faire leur service militaire ou civique de 8 mois dès leur entrée à l'école : ils font du soutien scolaire, travaillent dans des associations de réinsertion et...

le 06/07/2016 à 9:31
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Génial et donc maintenant qu'ils connaissent la réalité du terrain sont ils plus à même de servir l'intérêt général des citoyens plutôt que celui des plus riches ? Quand on voit la politique économique et sociale actuelle permettez moi de forteme...

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