Introduction en Bourse  : quelle stratégie pour quelles opportunités  ?

OPINION. L'objectif principal d'une IPO (Initial Public Offering) ou introduction en bourse est d'effectuer une levée de capital pour permettre à l'entreprise de se développer. Toutefois, en plein ralentissement de la croissance économique mondiale, les investisseurs sont plus frileux. Comment préparer son entrée en Bourse dans ce contexte ? Par Sandy Campart (*), enseignant-chercheur.
Il y a actuellement des chimères que l'on a pris pour des licornes : WeWork est l'exemple le plus marquant.
Il y a actuellement des chimères que l'on a pris pour des licornes : WeWork est l'exemple le plus marquant. (Crédits : Reuters)

Les motivations des sociétés à entrer en Bourse sont souvent liées à la notion de financement « battre sa propre monnaie » afin de financer la croissance interne et externe, diversifier les sources de financements futures et renforcer la structure financière. Conséquences directes de la cotation, la négociabilité et la liquidité autorisent la sortie des actionnaires historiques du capital de la société, la réalisation de leurs plus-values mais aussi la valorisation d'un patrimoine qui s'avère utile lors des successions. Sur le plan stratégique, il peut s'agir pour l'entreprise de clarifier la stratégie, de recentrer son activité, de renforcer sa visibilité et sa crédibilité, se différencier et se comparer aux concurrents.

Néanmoins, l'introduction en bourse est un événement qui change significativement le mode de vie d'une entreprise. La gouvernance de l'entreprise doit se transformer, les fonctions support doivent se professionnaliser et la communication financière doit être transparente. Toutes les études montrent que, lorsqu'il y a rétention d'informations, la sanction sur le cours de bourse est plus importante que si la mauvaise nouvelle avait été annoncée.

2019 : une année mitigée

En moyenne, en 2019, les sociétés introduites ont vu le cours de leurs titres croître de près de 13%. La variabilité est cependant forte. Les éditeurs de logiciels et les sociétés de sécurité informatique affichent les meilleures performances avec une valorisation moyenne des titres de près de 40 %.

Dans le même temps, les parcours boursiers de SmileDirect (goutières d'alignement dentaire), de Peloton (vélos d'exercice, fitness) ou encore de Uber attestent d'un scepticisme accru des investisseurs pour des niveaux de rentabilité fantasmés ou exagérés. Le cours de Uber a déçu car les derniers résultats présentés ont été très en deçà des anticipations des investisseurs. Au deuxième trimestre 2019, le chiffre d'affaires était de plus de 5 % inférieur aux prévisions et le bénéfice - ou plutôt le déficit - par action était 53 % plus élevé qu'attendu. La croissance de Uber est plus lente que celle de Lyft et les frais de restructuration liés aux nombreux départs, licenciements et démissions ne semblent pas maitrisés. Le PDG, Dara Khosrowski, a, en outre, déclaré aux employés que les équipes étaient trop étoffées au regard du rythme de croissance tandis que le CTO (Directeur de l'innovation), Thuan Pham, pense qu'il faudra peut-être des décennies pour concrétiser la « vision » d'Uber, laissant suggérer une capacité plus tardive qu'espérée à réaliser des bénéfices.

Vers un meilleur millésime pour 2020 ?

Pour une entreprise désireuse de maximiser le prix d'introduction de ses titres, il existe deux stratégies : la première consiste à s'introduire au moment où la performance de l'entreprise est exceptionnelle, la seconde à attendre que le contexte boursier soit propice.

Dans un contexte de ralentissement économique mondial, les investisseurs réalisent depuis quelques mois des arbitrages vers les actifs « refuges ». Si l'on ajoute à cette situation le parcours chaotique de certaines entreprises récemment introduites et l'abondance de financements privés, il est difficile de prévoir une accélération des opérations en 2020.

Même si l'introduction de Airbnb reste d'actualité, Postmates (livraison de marchandises par coursiers) et Endeavour (agence média) ont décalé leur introduction. Il est possible qu'ils recherchent un accueil plus chaleureux de la part de capital-investisseurs et de capital-risqueurs. Palantir (Big Data), comme Stripe (paiements par internet), pourraient également chercher plutôt des fonds privés.

De l'échec de WeWork

Il y a actuellement des chimères que l'on a pris pour des licornes : WeWork est l'exemple le plus marquant. Les investisseurs doivent apprendre ou réapprendre à ne pas se laisser conter de trop belles equity stories et à ne pas se limiter au caractère innovant du concept et à la croissance rapide. Les flux de trésorerie, le niveau de dette et la gouvernance restent des facteurs clés de décision. Dans le dépôt de l'offre de WeWork, le mot « technologie » apparait plus de 120 fois. La méthode Coué est utilisée pour suggérer que les modèles classiques de valorisation ne doivent pas s'appliquer à l'entreprise. Pourtant, il ne fait guère de doute qu'il s'agit davantage d'une société foncière qui dispose d'un modèle économique novateur que d'une société de technologie.

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(*) Sandy Campart est membre d'un laboratoire de recherche CNRS (CREM), directeur de l'IUP Banque Finance Assurance de Caen (IAE Caen) et auteur du livre "Et si on osait investir en Bourse" (publié en 2018 aux éditions EMS).

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