L'enseignement, talon d'Achille de la réindustrialisation en France  ?

OPINION. Réindustrialiser la France. En ces temps de campagne électorale, le sujet est sur toutes les lèvres. Et si certains signes - émergence de nouveaux champions, investissements, recrutements ou relocalisations - invitent à un certain optimisme, d'autres nous font prendre conscience du chemin qu'il reste à parcourir. Par Gilles David (PDG d'ENERTIME) ; Thierry Masina (Professeur agrégé - IUT de Sénart-Fontainebleau) ; Yves Remond (Professeur à l'université de Strasbourg, École de Chimie, CNRS) et Laurence Grand-Clément (Directrice technique de la start-up TinHy).
(Crédits : DR)

À ce titre, l'enseignement est probablement la pierre angulaire d'une réindustrialisation réussie. En effet, depuis 30 ans, elle est sans doute la meilleure illustration de la désindustrialisation de notre société. Et si les perspectives de développement semblent extraordinaires dans certains secteurs comme la filière hydrogène - 3.500 emplois aujourd'hui et plus de 100.000 en 2030 - cela ne peut masquer les difficultés de recrutement de toutes les entreprises industrielles françaises. Selon le MEDEF, ce ne sont pas moins de 300.000 emplois qui restent ainsi non pourvus depuis 10 ans...

Une difficulté qui n'est en rien conjoncturelle, mais plutôt le résultat d'enjeux et de choix structurels passés. La France qui aime à se présenter comme un pays d'ingénieurs est aujourd'hui loin du compte. Trop peu d'ingénieurs sur le marché, un déficit criant d'ouvriers et de techniciens qualifiés. Une situation dont les grands groupes se sortent en faisant appel à la sous-traitance ou en délocalisant, mais à laquelle les PME peinent à faire face - en ayant recours à la formation ou en faisant appel à une main-d'œuvre étrangère.

Dans ces conditions, un constat s'impose. Pour réindustrialiser la France, commençons par réindustrialiser l'enseignement.

Réindustrialiser l'Éducation nationale

Au cours des quarante dernières années, la France a connu une forte désindustrialisation de son économie. Le résultat d'une mondialisation forcenée de l'économie, mais aussi d'une vision stratégique sans doute erronée.

Or, ces choix ont eu pour conséquence une désindustrialisation drastique de l'Éducation nationale. Des choix faits sous le signe de la réduction des coûts qui ont entraîné une dégradation incontestable du niveau des enseignements et des étudiants. Au niveau de l'enseignement secondaire (Bac Pro) ou de certaines filières post-bac (BTS), de nombreuses spécialités se sont vues supprimer ; la polyvalence des enseignants a primé sur une spécialisation pourtant essentielle à la qualité des enseignements ; les investissements en équipements (machines) n'ont pas suivi les besoins ; le recours à des industriels pour enseigner est resté beaucoup trop rare. Et, comme nous le rappellent certains classements internationaux (TIMSS), les filières générales ne s'en sortent pas mieux avec un niveau très insuffisant en mathématiques comme en sciences.

Changer l'image des métiers de l'industrie

Parallèlement à la désindustrialisation de notre pays et de son système éducatif, s'est progressivement imposée une image dévalorisée des métiers de l'industrie. Dans ce système qui valorise à outrance les filières générales, accessibles dorénavant à - presque - tous, les filières techniques sont souvent perçues comme des voies de garage ou, pire, comme des filières « poubelles ». Avec des effets qui ne manquent pas de se répercuter sur les BTS et DUT, avec la fuite des meilleurs éléments vers d'autres cieux plus prestigieux.

Sans doute, les enseignants du secondaire et du supérieur ont-ils un rôle majeur à jouer pour changer cette vision des métiers de l'industrie. Mais, pour ce faire, n'y a-t-il pas aussi la nécessité de faire progresser leur connaissance du secteur. Car, que ce soit au lycée ou à l'université, rares sont ceux qui peuvent se targuer d'une expérience dans le privé ou en entreprise. Indéniablement, une meilleure connaissance de l'industrie, de ses réalités et de ses enjeux permettrait de sortir de certains préjugés.

Non, le futur de la France ne passe pas exclusivement par la tertiarisation de son économie. Non la science et la technologie - et par voie de conséquence l'industrie - ne sont pas la cause, mais un possible remède contre le réchauffement climatique. À ce titre, ne laissons pas les lycées, les écoles et les universités se faire enfermer dans une vision techno-sceptique, une vision idéologique qui abandonne toute rationalité et esprit scientifique.

Réconcilier enseignement et industrie

Valoriser les métiers de l'industrie et attirer de nouveaux talents passe donc par un dialogue renouvelé et renforcé entre enseignants et industriels. Pour réindustrialiser la France, aidons l'Éducation nationale et les universités à se rapprocher de l'industrie pour mieux adapter ses formations aux besoins présents et, surtout, à venir.

Élargissons la vocation des lieux où les industriels se retrouvent (pôle de compétitivité, nouveaux écosystèmes industriels, etc..) pour qu'ils intègrent le bon niveau de représentativité de l'Éducation nationale. Aidons industriels et chercheurs à mieux se connecter en leur accordant un cadre administratif et juridique simplifié comme c'est déjà le cas chez certains de nos voisins (EPFL Lausanne, Université de Delft ou de Liège). Enfin, parce que c'est le nerf de la guerre, pensons à consacrer une partie des milliards promis aux filières industrielles d'avenir aux parcours d'enseignements technologiques et professionnalisant.

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Commentaire 1
à écrit le 22/02/2022 à 19:58
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oui, 100 fois oui. Avec un point supplémentaire: je suis effaré par le nombre de jeunes qui ne pensent qu'à faire une école de commerce après leur bac.

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