La jeunesse ne s'achète pas, elle s'éduque

OPINION. Le Contrat d'Engagement Jeune (CEJ) s'apprête à prendre le relais de la Garantie Jeunes proposant un accompagnement plus intensif des 16-25 ans dans leur projet professionnel ainsi qu'une allocation pouvant aller jusqu'à 500 euros. La mise en place du dispositif est louable et constitue une bonne nouvelle pour les jeunes. Mais une nouvelle fois, il s'agit d'une réponse partielle et à court terme à un problème bien plus vaste et pérenne, celui de l'insertion des jeunes dans sa globalité : le CEJ constitue de la poudre aux yeux dans un contexte électoral. Par Cédric Flavien, Président de la Mission Locale Rives de Seine.
(Crédits : Reuters)

À l'aube de l'entrée en vigueur du CEJ, il est essentiel de se poser les bonnes questions et de comprendre les enjeux autour de l'insertion professionnelle des jeunes. Ils sont l'avenir de notre société et un tel sujet ne peut être balayé par des mesures réitérant ce qui a déjà été fait et qui n'a pas fonctionné par le passé. Il est temps de traiter le problème à sa racine et de donner les outils nécessaires aux jeunes pour qu'ils aient le contrôle sur leur formation et leur vie professionnelle ; et de constituer une opportunité pour les besoins en recrutement de nos PME.

Les problèmes périphériques doivent être pris en compte dans l'insertion professionnelle

Il aurait été davantage pertinent de plus s'intéresser aux problématiques naturellement imbriquées à l'insertion professionnelle : la question du logement, de l'accès à la culture ou encore les aspects psychologiques à travailler comme la confiance en soi, un critère essentiel pour les jeunes les plus précaires.

En outre, il est clair que ce nouveau dispositif ne considère pas suffisamment les freins périphériques tels que l'accès au logement, au transport et à l'alimentation. Il oublie également certains leviers essentiels à l'insertion des jeunes. En effet, les acteurs de terrain savent ô combien le manque de confiance en soi peut influer sur l'isolement des jeunes. Elle est une donnée impossible à chiffrer et pourtant cruciale car elle est le moteur d'une certaine motivation et de prise de décision. Elle s'acquiert notamment en étant en contact direct des chefs d'entreprise, à l'aide de coachs ou encore en gagnant de l'expérience via différents types de projets.

Proposer des actions granulaires, des projets plus en immersion et au cœur des réalités de secteurs professionnels ciblés, pourrait être une manière plus adaptée de répondre à cette problématique.

Comme son nom l'indique, le Contrat d'Engagement Jeune doit se différencier de la Garantie Jeunes par l'implication du jeune dans l'accomplissement de son projet professionnel notamment par la participation de ce dernier à diverses activités à raison de 15 à 20 heures par semaine. Mais ce dispositif est-il vraiment différent de la Garantie Jeunes ? Est-ce réellement de cette façon que nous allons favoriser l'insertion professionnelle des 16-25 ans ? L'attribution d'une allocation ne serait-elle pas seulement une manière pour le Gouvernement de se donner bonne conscience ?

L'insertion professionnelle des jeunes : une opportunité pour notre économie peu ou prou exploitée

Hormis dans un contexte électoral, l'insertion professionnelle des jeunes intéresse peu. Il est très regrettable que ce sujet ne soit pas pris à bras le corps et ne soit pas perçu comme un véritable projet de société et une opportunité pour répondre à diverses problématiques économiques à l'heure où de nombreux secteurs sont en tension (médico-social, restauration, industrie, BTP entre autres). Pourquoi ne pas voir l'insertion des jeunes comme une opportunité plutôt qu'une précarité ?

Le plus souvent, le Gouvernement déploie des dispositifs nationaux et le Ministère du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion mobilise les grands groupes pour stimuler l'embauche des jeunes. C'est une stratégie qui a le mérite d'exister mais qui ne suffit pas. En effet, alors que l'écrasante majorité de la masse salariale française travaille pour des PME, il est nécessaire de se tourner vers une politique d'ancrage territorial permettant ainsi de répondre aux besoins de recrutement des entreprises et d'insérer de manière plus efficiente les jeunes.

Un dispositif qui entraine une concurrence entre les acteurs de l'insertion

À cette problématique s'ajoute celle de la concurrence entre les acteurs de l'insertion. Alors que les missions locales s'adressent aux 16-25 ans, Pôle emploi est à la conquête de cette même cible dans le cadre du CEJ. Plus encore, il contacte des jeunes déjà engagés dans des accompagnements proposés par les missions locales pour qu'ils le rejoignent. La situation est floue, Pôle emploi est financeur des missions locales, les deux sont partiellement financés par l'Etat et sont censés être partenaires, pourtant, ils se retrouvent désormais en compétition, sans règles claires à suivre quant à l'attribution des cibles.

Le manque de structure du déploiement du dispositif et, plus largement, de l'insertion des jeunes, peut avoir un véritable impact sur l'écosystème des missions locales. Depuis l'annonce du déploiement du CEJ, Pôle emploi a été particulièrement offensif et s'est rapproché des chefs d'établissements des lycées - un public qui n'est pas leur cible - et d'autres partenaires des missions locales pour pouvoir bénéficier de leurs ateliers pour les jeunes CEJ. De fait, cela alimente une réelle concurrence et réduit le champ des possibles pour les missions locales pour lesquelles se pose la question de la complémentarité entre elles et les structures jeunesse.

Le CEJ : de la poudre aux yeux des électeurs

Les motivations du Gouvernement derrière la mise en place du CEJ sont questionnables. Bien que, sur le papier, ce dispositif promet d'insérer les jeunes durablement, il s'inscrit davantage dans un contexte de campagne électorale et fait de l'ombre à des enjeux plus importants. L'ambition du CEJ est décorrélée de la réalité du terrain car il utilise, à l'instar de la Garantie Jeunes, une méthode semblable à l'abattage industriel qui sert principalement à distribuer une allocation aux jeunes, les mettant ainsi sous perfusion, sans réelle solution durable. Affirmer ce constat est chose aisée lorsque nous observons les taux de sortie positive (jeunes ayant trouvé un emploi, une formation ou une alternance) des Missions locales qui sont loin d'être proches des 100%. À titre d'exemple, la Mission Locale Rives de Seine compte 69% des jeunes qu'elle accompagne en sortie positive : comment aider et accompagner le tiers restant ? Est-ce le CEJ pourra répondre aux besoins de ces 31% restants des jeunes et améliorer les résultats sur l'insertion ?

Quoi qu'il en soit, la mise en place du CEJ démontre au moins un intérêt pour l'insertion professionnelle des jeunes, campagne électorale ou non. C'est pourquoi cela semble être le bon moment pour mettre en lumière un ensemble de problématiques plus larges qu'il convient d'adresser pour que les efforts du Gouvernement portent réellement leurs fruits.

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Commentaire 1
à écrit le 13/03/2022 à 10:24
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"Elle s'acquiert notamment en étant en contact direct des chefs d'entreprise, à l'aide de coachs ou encore en gagnant de l'expérience via différents types de projets" Non plus maintenant, car les chefs d'entreprises d'aujourd'hui sont, souvent contra...

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