Le mutualisme est-il soluble dans le capitalisme  ?

OPINION. L'imminent rapprochement entre le groupe mutualiste Covéa et le réassureur PartnerRe soulève quelques critiques éparses, faisant mine de s'offusquer des dérives « capitalistes » d'un tel projet. Pourtant, les sociétaires de l'assureur français seraient les premiers bénéficiaires de ce mouvement de consolidation et de diversification. Par Jean-Jacques Handali, directeur et administrateur de Cosmopolis Conseil (Genève).
Numéro un de l'assurance dommages en France, le groupe Covéa est sans doute mieux connu de ses quelque 11,6 millions de clients et sociétaires via les mutuelles qu'il rassemble en son sein: MAAF, MMA, GMF, Assurances mutuelles de France, etc. C'est donc un vrai poids lourd du paysage mutualiste tricolore qui s'apprête à mettre la main, moyennant 7,7 milliards d'euros, sur PartnerRe.
Numéro un de l'assurance dommages en France, le groupe Covéa est sans doute mieux connu de ses quelque 11,6 millions de clients et sociétaires via les mutuelles qu'il rassemble en son sein: MAAF, MMA, GMF, Assurances mutuelles de France, etc. C'est donc un vrai poids lourd du paysage mutualiste tricolore qui s'apprête à mettre la main, moyennant 7,7 milliards d'euros, sur PartnerRe. (Crédits : Reuters)

Peut-on se prévaloir de valeurs mutualistes tout en ne rechignant pas à une certaine recherche de profitabilité ? Aussi vieux que le mutualisme lui-même, le débat agite le Landerneau de la bancassurance française à chaque fois, ou presque, qu'un établissement semble franchir trop allègrement, selon ses détracteurs, les très franco-françaises limites d'une certaine bienséance mutualiste. Un conflit idéologique qui oppose, schématiquement, les tenants d'une vision traditionnelle - pour ne pas dire passéiste - selon laquelle les mutualistes ne devraient en aucun cas s'aventurer sur les terres capitalistes, à ceux qui estiment, au contraire, que c'est en se développant que les assurés bénéficieront d'une meilleure protection. C'est donc sans réelle surprise que la polémique s'est invitée dans le dossier du rachat par Covéa du réassureur PartnerRe.

Une bonne stratégie

Numéro un de l'assurance dommages en France, le groupe Covéa est sans doute mieux connu de ses quelque 11,6 millions de clients et sociétaires via les mutuelles qu'il rassemble en son sein: MAAF, MMA, GMF, Assurances mutuelles de France, etc. C'est donc un vrai poids lourd du paysage mutualiste tricolore qui s'apprête à mettre la main, moyennant 7,7 milliards d'euros, sur PartnerRe. PartnerRe est un groupe de réassureurs, c'est-à-dire ces acteurs financiers qui jouent, en quelque sorte, le rôle d' « assureurs des assureurs » - notamment quand ces derniers font face à un besoin important de liquidités à la suite, par exemple, d'une catastrophe naturelle. Pour Covéa, cette opération s'inscrirait, si elle était menée à son terme, dans une stratégie somme toute classique de diversification de ses activités.

Tout le monde, cependant, ne l'entend pas de cette oreille et, comme souvent en pareil moment précédant une acquisition d'importance, certains donnent de la voix pour faire entendre leurs divergences. Quitte à rejouer, de manière pas vraiment spontanée, un remake quelque peu maladroit de la lutte du petit contre le gros. Ainsi de l'homme d'affaires Didier Calmels, qui a très officiellement écrit à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour lui demander de « ne pas autoriser » l'opération. Tout récent sociétaire de MMA, Calmels clame à qui veut l'entendre que le groupe mutualiste n'a rien à faire dans le secteur de la réassurance, a fortiori sur un marché américain trop éloigné, selon lui, de nos verdoyantes contrées.

Les sociétaires, premiers bénéficiaires de la solidité du nouvel ensemble

Si le calendrier - après des années de discussion, l'acquisition de PartnerRe devrait être finalisée dans les toutes prochaines semaines - et la méthode entretiennent le doute quant aux motivations sous-jacentes de l'homme d'affaires, sa soudaine croisade semble vouée à l'échec. Elle n'en est pas moins révélatrice d'une certaine ligne de fracture au sein du monde mutualiste français : d'un côté, une partie des mutualistes semblent se recroqueviller autour d'une perception aussi étroite que désuète de leur métier, dans laquelle l'aspect mutualiste représenterait un horizon indépassable fleurant bon la nostalgie ; de l'autre, certains assument au contraire de vouloir investir et préparer l'avenir dans l'intérêt de leurs sociétaires.

Divergences idéologiques mises à part, le rapprochement entre Covéa et ParnerRe ne ferait que mettre le groupe français dans les pas de ses concurrents allemands qui, à l'image de Hannover Re et Munich Re, s'imposent comme les pionniers de la convergence assurance-réassurance. « La superficie et la stabilité capitalistiques des métiers assurance offrent une complémentarité particulièrement efficace à la cyclicité et la volatilité des métiers de la réassurance », analysent ainsi les experts du think tank Institut Choiseul. L'accord « s'inscrit parfaitement dans la stratégie de croissance et de diversification de Covéa, (...) dans sa volonté d'étendre sa couverture géographique », abonde de son côté le PDG de l'assureur français, Thierry Derez.

Le patron de Covéa relève par ailleurs que « PartnerRe a démontré (en 2021) la pertinence de sa stratégie, de sa gestion des risques et de sa résilience dans l'environnement incertain de la pandémie ». De fait, le réassureur a dégagé de solides performances sur l'année 2021, avec un bénéfice net disponible pour l'actionnaire ordinaire de 679 millions de dollars. Des résultats plus qu'alléchants, à même d'apporter une belle solidité au nouvel ensemble - une solidité dont, n'en déplaise aux mutualistes de salon, les sociétaires de Covéa seront bien évidemment les premiers bénéficiaires.

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Commentaires 2
à écrit le 02/04/2022 à 9:53
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En libéralisme oui, en néolibéralisme une escroquerie marchande de plus comme tout le reste.

à écrit le 01/04/2022 à 9:42
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"Le mutualisme est-il soluble dans le capitalisme". Cela existe déjà, mais on veut éliminer le mot "actionnaire" qui a mauvaise réputation parce que faisant travailler l'argent a sa place! ;-)

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