"Le PS, c'est le désert de la pensée économique"

Pour l'économiste Dominique Plihon, membre du conseil scientifique d'Attac, les candidats à la primaire du PS sont plus que jamais à court d'idées économiques. Il entend proposer une véritable alternative au capitalisme en crise, fondée sur la transition énergétique et l'abandon du mythe de la croissance

Y a t il encore des idées économiques à gauche et où ?

Si l'on regarde du côté du PS, et des débats de la primaire, le renouveau des idées est, effectivement, difficilement perceptible. Valls, c'est la poursuite de la politique de l'offre, et Peillon ne s'écarte pas vraiment de ce programme de la gauche de gouvernement. Sans aucune surprise. Montebourg est plus keynésien, interventionniste, avec un penchant pour la défense de la souveraineté, mais c'est très classique, cela ne fait pas de lui un défricheur d'idées neuves. Si l'on prend un peu de recul, cette situation n'apparaît pas étonnante : le PS n'a jamais le terreau d'un débat d'idées très riche, en économie. Depuis le début des années 80, la réflexion a été limitée, c'est un peu le désert de la pensée économique.

Aujourd'hui, Hamon est peut-être plus radical, dans son approche, il cherche à proposer un autre modèle. D'où son idée de revenu universel, qui part du principe que l'emploi se raréfie, ce qu'on peut constater effectivement. Mais je ne pense pas que ce soit la bonne solution.

 Pourquoi ?

Il y a une demande de travail, c'est un besoin exprimé par la population. Le travail, c'est la participation à la société, à la cité. Et la valeur créée dans l'économie vient du travail. Le capital, pour reprendre des termes marxiens, c'est du travail mort.

Bien sûr, les conditions de travail se sont souvent dégradées. Mais ce qu'il faut faire, c'est chercher à les améliorer, repenser le travail, les relations dans l'entreprise, et non pas rejeter son principe même. Il faut le réévaluer, et non accepter la suppression des emplois pour la majorité de la population. En outre, face à la raréfaction de l'emploi, il faudrait -j'ai bien conscience que ce n'est pas à la mode d'avancer ce genre de proposition-, relancer la, réduction du temps de travail, partager le travail, pour créer des emplois.

Plutôt que le revenu universel versé à tous, la décision juste est d'instituer le droit à un revenu décent, égal à 1000 euros, ciblant les citoyens en dessous de ce seuil.

 Quelles sont les idées force des alternatifs que vous représentez, dans le domaine de l'économie ?

Nous pensons que le capitalisme connaît actuellement une crise systémique, depuis 2008 et la chute de Lehman Brothers, et qu'il faudrait savoir bifurquer vers un nouveau modèle. Ce nouveau modèle doit d'abord prendre en compte la nécessaire transition énergétique. Il en découle une organisation de l'économie très différente : production de l'énergie beaucoup plus décentralisée - ce serait la fin du nucléaire conçu selon un modèle jacobin- et plus généralement priorité au local.

 Doit-on remettre en cause la mondialisation ?

Non, nous voulons aller vers une autre mondialisation, c'est là notre pétition d'origine. Nous nous opposons aux traités internationaux tels qu'ils ont pu commencer à être négociés -Traité transatlantique, CETA-, mais nous ne sommes pas contre la négociation d'accords commerciaux entre nations, par principe. Seulement, ils devraient reposer sur des bases très différentes de celles envisagées jusqu'à maintenant. Pas question d'accorder la primauté juridique aux entreprises, qui auraient pu contester des règles étatiques devant des cours arbitrales internationales. Au contraire, ces traités devraient prendre en compte le mode de fabrication des produits (bilan écologique, social), en imposant au besoin des droits de douane élevés aux importations non conformes. L'application de ces traités devrait être contrôlée non par l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), aux mains des intérêts marchands, mais par l'ONU. Jacques Delors a émis l'idée d'un Conseil de sécurité économique et social, qui jouerait dans ces domaines le rôle que joue l'actuel conseil de sécurité en matière diplomatique. C'est une bonne idée.

 Faut-il parier sur la croissance ou y renoncer ?

-Je crois assez aux thèses sur la « stagnation séculaire ». Nous sommes face à une chute de gains de productivité et donc du potentiel de croissance, comme l'a diagnostiqué l'économiste américain Robert Gordon. Il faut prendre cela comme une donnée. Et il ne faut pas chercher à contrer cette tendance à une croissance faible, avec laquelle s'accommode très bien la transition écologique. Je ne crois pas trop à la théorie du découplage, selon laquelle il serait possible de produire beaucoup plus, tout en polluant moins. Pour émettre moins de carbone, afin de limiter le réchauffement climatique, il faut se contenter d'une croissance du PIB très faible ou proche de zéro.

 Vous êtes donc proches des partisans de la « décroissance » ?

 -Je ne crois pas nécessaire de chercher à faire décroître l'économie car il y a de nombreux besoins non satisfaits. Mais il faut apprendre à vivre avec une croissance faible ou proche de zéro, et ne pas courir après le Graal d'une expansion qui appartient au passé.

 Comment financer la protection sociale, payer des retraites à des personnes âgées toujours plus nombreuses, sans croissance ?

 -La question posée est celle de la redistribution. Il faut aller vers une fiscalité beaucoup plus redistributrice. Notre système ne l'est pas suffisamment, notamment en raison du poids élevé de la TVA, supérieur à ce qu'il est dans les autres pays. L'objectif doit être d'accroître la fiscalité directe, qui peut être plus redistributive. Nous avons besoin d'une vraie réforme fiscale, qui taxe d'avantage le capital et les rentiers, comme le préconise Thomas Piketty.

 Cette redistribution sera-t-elle suffisante pour préserver le pouvoir d'achat des retraités ?

-Il faut sans doute envisager, aussi, une certaine baisse de pouvoir d'achat pour les plus riches d'entre eux. La France est l'un des pays où les retraités disposent de l'un des meilleurs niveaux de vie, en regard de celui des actifs. Donc, ce ne serait pas illogique.

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Commentaires 7
à écrit le 19/01/2017 à 18:53
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En Pensée Fiscale, c'est tout l'opposé du désert, au Parti Socialiste français.

à écrit le 19/01/2017 à 18:39
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Beaucoup de jeunes ont clairement envie de travailler et avoir un rôle (rémunérateur ou pas) dans la société. Ils ont l'imagination pour le faire. C'est bien sûr de la croissance potentielle, petite ou grande. Qu'elles sont les règles qui empêchent c...

le 19/01/2017 à 20:36
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@Boule: assez d'accord. Il faut changer le système actuel pour permettre aux gens motives et capables de s'épanouir au lieu de vivre sous un régime confiscatoire et vassalisé aux partis politiques que l'assistanat permanent permet de contrôler !!!

à écrit le 19/01/2017 à 17:33
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La transition énergétique est un bobard politicien. Fonder une économie dessus ne peut que mener au désastre.

à écrit le 19/01/2017 à 17:16
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Le capitalisme est TOUJOURS en crise il se réinvente en permanence il renaît de ses cendres et se transforme. Avec TRUMP Nous allons avoir une démonstration de ce qu'il peux produire comme richesse aux USA. Nous serons encore à réfléchir comment le r...

le 20/01/2017 à 12:39
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Capitalisme en crise ? C'est du slogan de porteur de pancarte... Il faudrait mieux dire, socialisme de misère archi-mort ,et heureusement !!! Le capitalisme a fait reculer la pauvreté sur la planète comme jamais dans l'humanité ( voir le rapport de l...

à écrit le 19/01/2017 à 16:41
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la croissance et les sentiers d'expansion, a grand coups d'equations differentielles, c'est le prolongement de is/lm, non? c'est pierre alain muet qui fait des bouquins la dessus en france, de memoire? c'est keynesien, a ce qu'on sache! de l'ultra ...

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