Les groupes de luxe peuvent-ils gérer le turn over des créateurs ?

Depuis plus d'un an, les Maisons de Mode perdent une à une leur directeur artistique, dans la sérénité et sans fracas. Quelles sont les raisons de ces départs et comment remédier à la perte engendrée ? Par Victoria Pell, fondatrice d'Unatti

Depuis plus d'un an, les Maisons de Mode perdent une à une leur directeur artistique, dans la sérénité et sans fracas. Le monde du luxe est en pleine mutation comme le souligne l'article « Le fashion crash a t-il eu lieu ?» paru dans Fashion United .
Quelles sont les raisons de ces départs et comment remédier à la perte engendrée ?
Raf Simons chez Dior puis Alber Elbaz chez Lanvin ont quitté leur Maison en 2015. Puis en 2016, ce sont les créateurs de mode masculine de Brioni (Kering) et Berluti (LVMH) qui démissionnent, dans un calme toujours aussi olympien. Ces départs ont été suivis de la résignation de Stéphano Pilati, le directeur artistique de Zegna.

Selon Hervé Dewintre, le rédacteur de l'article, "ces couturiers, devenus designers puis directeurs artistiques, puis générateurs de likes sur Instagram, ont compris la leçon. Puisqu'ils ne sont plus indispensables, ils savent désormais que leur bien le plus précieux n'est plus leur fidélité jusqu'au-boutiste à la maison qui les emploie, mais leur liberté qui est la seule garante de leur véritable créativité."

Besoin d'autonomie

Ce qui est manifeste c'est le départ volontaire et répété des têtes de pont de ces Maisons, non pas pour burn-out ou dépression comme les premiers départs annoncés de Christophe Decarnin chez Balmain et de John Galliano, mais par besoin d'autonomie, de zen et de liberté pour créer.

Les francs-tireurs de ces Maisons de Luxe sont d'après nous révélateurs du monde professionnel qui se transforme sous nous yeux. On parle très souvent de la "GenY "qui est infidèle à l'entreprise car elle a compris, à force d'entendre parler des restructurations régulières, qu'elle était remplaçable à tout moment. Elle peut prendre et jeter comme certaines entreprises la prenne puis la jette.

Des départs coûteux

Or dans cet article sur les directeurs artistiques des Maisons de Mode les plus réputées au monde, il s'agit de GenX et non de GenY, et non des moindres car ce sont les icones de ces Maisons, qui quittent le navire amiral.
Ces départs sont la preuve d'une autonomie naissante de certains GenX dirigeants et des GenY souvent juniors en entreprise, qui considèrent l'entreprise autrement que leurs parents. Cependant ces départs coûtent chers à l'entreprise, au moins une année de salaire perdue et beaucoup plus pour les dirigeants.

Le rôle des ressources humaines

ll semble donc que les Ressources Humaines ont un rôle à jouer essentiel, celui d'accompagner ce balancier et de se saisir de l'opportunité de cette réalité de deux manières qui sont liées :
1) Décider que la mobilité des collaborateurs de son groupe vers un autre est utile à l'entreprise, car seules les entreprises qui s'inspirent de l'externe se régénèrent. C'est d'ailleurs aussi le propos du fondateur de LinkedIn, Reid Hoffman, dans son livre « The alliance: managing talent in the networked age »
2) En parler dès l'intégration et envisager un parcours professionnel et un accompagnement qui forment et stimulent le ou la nouvelle collaborateur/collaboratrice en fonction de ses désirs professionnels et des besoins de l'entreprise. Il s'agira de s'adresser à l'ensemble des collaborateurs et pas seulement aux fameux hauts potentiels ou stars qui ne pourront pas à eux seuls assumer tous les changements de l'entreprise actuelle.

Il est prouvé qu'un collaborateur aujourd'hui et demain aura plus de carrières qu'un collaborateur du XXème siècle et que de plus de nombreux métiers n'existent pas encore et verront le jour avec la fusion des technologies actuelles (robotisations, objets connectés etc...).

Participer au développement de l'entreprise

Le transfert d'expertise, de connaissance et de posture (dont l'esprit collaboratif) sont essentiels pour adoucir les changements souvent brutaux et rapides qui s'opèrent ou devront s'opérer au sein des groupes, dans cette 4ème révolution industrielle que nous vivons ).

Plus que jamais c'est l'ensemble des collaborateurs qui doit participer à la mission de l'entreprise et il est désormais primordial que les Directions des Ressources Humaines se mobilisent pour tous les collaborateurs, afin qu'ils deviennent plus agiles (et non juste présents dans l'entreprise) et surtout qu'ils participent à l'unisson à la construction et au développement des entreprises du XXIème siècle.

Humaniser les rapports professionnels et intergénérationnels et permettre à chacun d'apprendre de ceux qui connaissent (alias le mentoring dont l'objectif est de transmettre des expériences légitimes et crédibles bénévolement, en binôme, quelque soit son âge), est évidemment au cœur de la solution face aux changements qui s'opèrent.

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