Monnaie internationale : une coopération devenue nécessaire

La coopération monétaire internationale est au point mort aujourd'hui. Trois niveaux de coopération sont pourtant possibles. Par Dominique Plihon, enseignant-chercheur et économiste*. Publié en partenariat avec le printemps de l'Economie

Les monnaies internationales ont pour rôle de faciliter les échanges entre pays ainsi que l'ajustement et le financement des balances des paiements. Elles sont utilisées comme unité de compte et instrument de réserve dans les transactions internationales. Ces fonctions sont essentielles car l'économie mondiale se caractérise par un niveau élevé d'échanges internationaux et par d'importants déséquilibres de balance des paiements.

L'absence d'une véritable monnaie internationale

Au 19ème siècle, l'or a joué le rôle de monnaie internationale dans le cadre du régime de l'étalon-or. Dans le système monétaire actuel, il n'existe pas de véritable monnaie internationale, dédiée spécifiquement aux relations monétaires entre pays. Ce rôle est rempli par des monnaies nationales. Les relations monétaires internationales ont trois caractéristiques principales. Premièrement, celles-ci dominées par le dollar des Etats-Unis, première puissance économique qui a imposé le billet vert comme instrument d'échange et de réserve. Deuxièmement, les taux de change entre les monnaies se caractérisent par une forte instabilité car ceux-ci sont largement déterminés par les marchés. En troisième lieu, on constate l'absence de coopération monétaire internationale, ce qui contribue au « flottement » désordonné des monnaies et même à une « guerre des monnaies ».

L'un des principaux enjeux de la période actuelle est de construire un nouvel ordre monétaire international fondé sur la coopération entre pays. La monnaie est une construction politique, c'est un bien public mondial, ce qui a deux implications : l'émission de la monnaie internationale ne peut plus être le monopole d'un seul pays ; la régulation de cette monnaie ne peut être laissée aux seuls mécanismes de marché.

La monnaie au service d'une mondialisation plus harmonieuse

Trois niveaux de coopération monétaire internationale, plus ou moins ambitieux, pourraient être mis en oeuvre.

Le premier niveau consiste en l'institution de « zones cibles », destinées à stabiliser les taux de change dans des bandes de fluctuations étroites, avec la possibilité d'ajustements concertés entre les principales devises. Dans les années 1980, il y a eu des précédents réussis pour ce type de coopération monétaire internationale, tels que les accords du Plaza de septembre 1985 et du Louvre en 1987.

Un deuxième niveau de coopération concerne la régulation des liquidités monétaires internationales. La principale avancée pourrait consister en l'émission par le Fonds monétaire international (FMI) de droits de tirage spéciaux (DTS) dont le rôle serait élargi. Créé en 1969 pour compléter les réserves officielles de ses pays membres, les DTS pourraient préfigurer l'instrument monétaire international qui fait défaut aujourd'hui. Il pourrait remplir les fonctions d'unité de compte et d'instrument de réserve. Récemment, le rapport Stiglitz sur « La réforme du système monétaire et financier international après la crise mondiale », commandé par les Nations Unies en 2009, a recommandé de relancer les DTS jugé comme « le meilleur mécanisme de la liquidité mondiale ».

Le troisième niveau de coopération, le plus ambitieux, est la création d'une véritable monnaie internationale, qui serait émise par une institution supranationale. Cette réforme pourrait prendre appui sur le plan proposé sans succès par John Maynard Keynes à la conférence de Bretton Woods en 1944. L'alimentation en liquidité monétaire internationale est assurée par l'émission du « bancor » effectuée par l'International Clearing Union (ICU), sorte de banque centrale supra-nationale. Un système de parités fixes permet de définir la valeur des monnaies nationales par rapport au bancor. Ces parités sont ajustables pour éliminer les déséquilibres persistants de balances des paiements. L'objectif d'équilibre extérieur s'impose d'une manière symétrique à tous les pays, que ceux-ci soient excédentaires et déficitaires, ce qui n'est pas le cas dans la réalité actuelle. Dans ce nouveau système monétaire international, la stabilité monétaire est préservée, et la monnaie internationale devient un bien public géré dans l'intérêt général.

Malheureusement, la coopération monétaire internationale est au point mort aujourd'hui. Les économistes et les décideurs sous-estiment le rôle essentiel de la monnaie dans la construction d'un ordre mondial stable et équilibré.

*Dominique Plihon est diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, de l'université de l'Etat de New York (Ph.D.) et agrégé de l'université française. Il est professeur émérite en sciences économiques de l'Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité. Il est membre du Centre d'Economie de Paris - Nord (CEPN) rattaché au CNRS. Il a été chargé de mission à la Banque de France (1974 -1983) et au Commissariat général du Plan (1983 - 1991). Il a ensuite été consultant auprès de la Commission bancaire (1995 - 1998). Il a été membre du Conseil d'Analyse Economique, rattaché au Premier ministre de 2001 à 2004. Il est membre du conseil scientifique et porte-parole d'Attac, et membre du réseau des Economistes Atterrés.

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Commentaire 1
à écrit le 15/10/2018 à 16:47
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L'absence d'une monnaie internationale crée justement la possibilité d'une dévaluation de la monnaie nationale pays par pays (par exemple, les États-Unis qui avaient une dette 170% du PIB en 1932) , et de ce fait, diminue les dettes nationales qui so...

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