Numériser et hybrider  : les clés de la résilience des industries françaises

OPINION. Considérer que l'avenir n'est que la répétition du passé est une illusion, comme l'explique Nassim Nicholas Taleb en 2008 dans son livre Le Cygne noir, la puissance de l'imprévisible. La crise de la COVID-19 nous l'a violemment rappelé. Par Michel Morvan, Président de l'IRT SystemX et de Cosmo Tech (*).
(Crédits : DR)

Parce qu'aucune crise de cette ampleur n'était jamais arrivée à l'échelle planétaire (le SRAS en 2003 n'étant finalement pas sorti de la zone Asie), quasiment aucun acteur économique n'avait anticipé et simulé l'impact d'une pandémie sur son activité. Beaucoup de chefs d'entreprise, même les mieux armés, ont été pris de court et ont dû, du jour au lendemain, tout mettre à l'arrêt faute d'avoir imaginé l'inimaginable.

Miser sur la simulation numérique pour parer l'incertitude

Ce qui se joue maintenant pour le « monde d'après », c'est la vie ou la mort de nos entreprises et de certaines industries. Le gouvernement l'a bien compris en lançant le 20 juillet le « pack rebond pour les territoires d'industrie ».

Ce qui est sûr, c'est que tous les secteurs sont concernés et que personne ne sait encore mesurer l'ampleur du choc. Par conséquent et plus que jamais, il faut développer non plus seulement la compétitivité mais surtout la résilience de nos industries - résilience qui doit être à la fois organisationnelle, économique, de production (pour s'ajuster à la volatilité de la demande) et d'approvisionnement (pour ne plus dépendre d'une seule géographie).

En cela, les infrastructures numériques et les outils d'intelligence artificielle (IA) et de simulation numérique ont un grand rôle à jouer dans le pilotage des entreprises et le renforcement de leur capacité d'adaptation en temps réel. Ce sont des pourvoyeurs de résilience.

En effet, la seule manière de gérer l'incertitude tout en maintenant l'efficience d'une entreprise est d'optimiser son système industriel par le numérique. Seules l'exploitation des données, la capacité à les analyser et le recours à la modélisation et à la simulation numérique - pour anticiper les impacts à venir - permettent aux entreprises de prendre des décisions efficaces, d'être réactives et robustes pour adapter leurs outils de production et systèmes à un nouveau monde où l'incertain est devenu la norme.

L'hybridation des technologies au service de la résilience

Plus encore que la maîtrise des technologies numériques et leur diffusion dans l'industrie, c'est de l'hybridation de ces technologies avec une vision système que résidera la création de valeur. L'IA et la simulation numérique, les modèles symboliques et le machine learning, l'algorithmique distribuée et les consensus, la sécurité numérique et la sûreté de fonctionnement, etc. doivent se compléter et ne plus être utilisées en silos. La clé de l'agilité et l'adaptabilité industrielles est dans le développement d'approches pluridisciplinaires qui associent et hybrident solutions technologiques et expertises humaines.

C'est en réussissant ce changement de paradigme industriel que nous prendrons le meilleur des deux mondes et serons en mesure de répondre aux défis de résilience, de durabilité et de souveraineté imposés par la crise actuelle.

Rapprocher mondes académique et industriel

La France dispose d'un atout majeur pour opérer ce changement de paradigme : l'excellence de sa recherche en mathématiques, informatique, cybersécurité ou encore en IA. Certes les Etats-Unis et la Chine sont devant nous pour le nombre de start-up créées en IA. Mais la France occupe toujours la 2ème mondiale pour les médailles Fields, compte 3 de ses universités dans le top 10 du classement de Shanghai 2020 en mathématiques et reste 3ème pour la production d'articles scientifiques sur l'IA. De plus, elle a lancé de grands programmes de recherche, des instituts IA et figure parmi les pays de prédilection des GAFAM pour leurs centres de recherche.

Les formidables avancées de nos chercheurs doivent servir et innerver la résilience de nos industries. Plus que jamais, il faut construire des ponts entre les mondes académique et industriel afin d'accélérer le transfert de savoir. Car défricher des pistes inédites et penser l'impensable permet d'élaborer des solutions qui s'affranchissent aussi bien de logiques purement économiques que d'approches purement théoriques. Là est la meilleure réponse pour construire le « monde d'après ».

Les crises ont toujours été révélatrices de faiblesses mais également d'opportunités. A compter d'aujourd'hui et pour les années à venir, le maître-mot est l'anticipation. La recherche académique et la recherche appliquée détiennent ensemble une partie de la réponse à la crise actuelle et à la préparation des équilibres économiques et industriels de demain. Multiplions les ponts public-privé et hybridons les savoirs pour donner à nos industries la capacité de se relever de la Covid-19, comme de toutes les crises qui pourraient survenir à l'avenir.

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(*) Par Michel Morvan, Président de l'IRT SystemX et de Cosmo Tech.

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