Pourquoi la loi El Khomri ne créera pas d'emplois

La « réforme » du droit du travail initiée par le projet de loi El Khomri ne permettra pas d'inverser la courbe du chômage tant que les entreprises restent confrontées aux incohérences de la législation actuelle. Par Guillaume Brédon, Associé, brL Avocats.

L'idée selon laquelle la complexité du droit du travail, ses incohérences et l'insécurité juridique et donc financière qu'il fait peser sur les entrepreneurs, serait un des principaux freins à l'emploi dans notre pays est partagée par un nombre important d'économistes renommés et constatée par un nombre tout aussi important d'études sérieuses.

C'est pour en partie répondre à cette problématique que le gouvernement s'est engagé dans la voie de la réforme et a présenté un projet de texte qui, tout du moins dans sa première version, esquissait un premier pas vers une plus grande sécurité pour les entreprises.

Les incohérences de la législation du travail

La sécurisation du forfait jours et le plafonnement des indemnités prud'homales susceptibles d'être ordonnées aux prud'hommes contenus dans la première version du texte constituaient les principales mesures, pour partie remises en cause de puis, allant dans ce sens.

En déduire pour autant que le texte réglait le problème de la complexité et de l'obésité du code du travail et, par la même, allait déverrouiller le marché de l'emploi, comme certains ont pu le soutenir, c'est bien mal connaître la profondeur des incohérences sur lesquelles la législation du travail s'est construite ces quarante dernières années.

Les responsables politiques, commentateurs de tous horizons et représentants syndicaux de salariés et patronaux devraient bien se garder de tout commentaire simpliste sur ce sujet car il en faudra bien plus pour vaincre la peur, parfois irrationnelle, des entrepreneurs français à l'égard de toute embauche notamment lorsqu'elle est susceptible de générer un franchissement de seuil.

Quel sens donner aux règles actuelles?

Le bon sens des entrepreneurs est en effet trop souvent heurté et depuis trop longtemps par la complexité mais surtout les incohérences de la législation actuelle qu'ils doivent au minimum respecter bêtement à défaut d'en partager le sens.

Comment comprendre en effet une législation :

-        qui oblige les employeurs à déployer des efforts importants pour solliciter l'avis de leurs représentants du personnel sur tel ou tel projet mais une fois l'avis éclairé émis par ces derniers, leur permet de ne pas en tenir compte du tout ;

-        qui, pour embaucher un salarié pour effectuer une tâche ponctuelle de quelques heures, contraint l'employeur à vérifier qu'il dispose d'un cas de recours à CDD valable, qu'il respecte bien les délais de carence entre deux contrats, que la durée du contrat ne sera pas trop longue, que le contrat qu'il lui faudra formaliser par écrit respecte scrupuleusement les mentions obligatoires ;

-        qui permet de condamner un employeur qui n'aura pas formalisé la recherche de postes de reclassements disponibles pour l'un de ses salariés déclaré « inapte à tout emploi dans l'entreprise» par le médecin du travail ;

-        qui ne reconnait pas la légitimité de l'opinion exprimée par la collectivité des salariés d'une entreprise et lui préfère celle d'un délégué syndical qui ne représente parfois pas plus de 10% des suffrages exprimés aux dernières élections ;

-        qui contraint l'employeur à payer des expertises générant des honoraires prohibitifs ordonnées par des représentants du personnel dans un nombre de cas de plus en plus fréquent et dont ces derniers ne sont pas comptables ;

-        qui donne les pouvoirs les plus élargis au corps de l'inspection du travail dont la très grande majorité des membres est syndiquée, ce qui permet de douter de leur impartialité dans l'examen des rapports sociaux qu'ils sont censés arbitrer.

Quel est le sens de l'ensemble de ces règles ? Protègent-elles réellement les droits des salariés ? Qu'il me soit permis d'en douter.

Corrections à la marge

Or, en l'état actuel des choses, le nombre de ces incohérences est infini et ce n'est pas en corrigeant à la marge telle ou telle scorie que la confiance reviendra dans l'esprit des entrepreneurs trop souvent meurtri par ces inepties.

Il convient par conséquent de changer radicalement de logiciel en s'interrogeant sur la pertinence réelle, en termes de protection des salariés, de l'ensemble des contraintes légales pesant sur les employeurs. Sans confiance retrouvée dans le sens de toutes ces règles, aucun espoir de baisse du chômage n'est permis.

Il est grand temps de passer de la défense de ces droits virtuels qui sont souvent instrumentalisés par ceux qui trouvent dans cette complexité la source de leur activité professionnelle, au rétablissement de règles simples, peu nombreuses, bien comprises, destinées à la protection des droits fondamentaux des salariés qu'il n'est pas question de remettre en cause. Revenons aux principes développés par Montesquieu selon lequel : «  Les lois doivent être simples et ne doivent pas être subtiles. Elles ne sont point un art de logique mais la raison simple d'un père de famille ».

 Guillaume Brédon

Avocat à la Cour - Docteur en droit

Cabinet brL avocats

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Commentaires 4
à écrit le 31/03/2016 à 22:44
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Millefeuilles, empilement, édredon....tous ces vocables sont justes. Notre pays accepte la non représentativité nationale de millions de salariés travaillant dans les TPE et PME. Ces salariés sont censés être représentés par des salariés de très gran...

à écrit le 31/03/2016 à 15:47
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Le niveau zéro de la pensée. Il s'agit du genre de raisonnement digne de l'Etat Islamique : idélogique et coupé des réalités. Tant que ce genre de personnes seront à des postes importants (et bien rémunérés), on comprend parfaitement pourquoi la FRAN...

le 31/03/2016 à 18:45
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En gros vous dites... Ce n'est pas parce que nous allons dans le mur qu'il faut s'arrêter de courir ! Sachant qu'un imbécile qui marche va plus loin que 2 intellectuels assis je vous prierais de commencer a vous mettre debout...

à écrit le 31/03/2016 à 11:23
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Vu ce qu'il reste du projet El Khomri initial, peu de chances effectivement de déverrouiller l'embauche...

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