Transport et émissions carbone : comment appréhender les nouvelles directives européennes

OPINION. D'après les données de la European Environment Agency, les émissions du secteur du transport routier de l'Union européenne ont augmenté de manière constante entre 2013 et 2019. Le secteur de la logistique est quant à lui responsable de 11% des émissions de CO2. L'urgence climatique actuelle fait du développement durable et la décarbonisation des priorités dans le monde du transport, et impacte les cadres législatifs à l'échelle des pays comme de l'Union Européenne. Par Stephan Sieber, CEO, Transporeon.
(Crédits : DR)

La transition vers une logistique durable ne peut se faire sans repenser l'exploitation et l'analyse des données autour des émissions.

Un cadre européen en évolution

Pour répondre à l'augmentation des émissions, l'UE a mis en place différentes mesures qui entreront en vigueur dans les années à venir. Dans le cadre du « Green Deal », un ensemble d'initiatives politiques ont été lancées dans le but d'atteindre la neutralité climat d'ici 2050. La Commission Européenne se tâche d'aligner les lois actuelles relatives au climat, à l'énergie et aux transports sur ses ambitions en matière de climat par le biais du plan « Fit for 55 » indiquant notamment que le secteur du transport ne sera plus exemptée de l'échange de certificats d'émissions carbone dès 2026. Le plan fait également appel à des changements dans le système européen d'échange de quotas d'émission (ETS) existant, exigeant que tous les secteurs inclus réduisent leurs émissions de 43% par rapport aux niveaux de 2005.

En vertu de la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) il sera en outre obligatoire dès 2023 pour celles de plus de 250 employés d'effectuer un bilan en matière de développement durable conformément aux normes européennes. Face à ce nouveau cadre législatif, les entreprises dans le secteur du transport doivent avoir les moyens de passer à l'acte rapidement.

De l'observation à l'action

Ces législations ont un impact sur les stratégies des transporteurs et expéditeurs, et sont alignées avec les nouvelles attentes des consommateurs intermédiaires et finaux. La sensibilité de ces derniers au développement durable s'est en effet considérablement accentuée ces dernières années ; éco-responsabilité, projets engagés, partenariats commerciaux responsables sont de plus en plus scrutés et attendus.

Ici, la transparence est clé. La décarbonation du transport et des chaînes d'approvisionnement doit donc s'appuyer sur une meilleure exploitation des données à disposition. Le modèle des plateformes de management des transports a ici un rôle croissant, puisqu'il permet de développer et de connecter des réseaux de transport interindustriels donnant aux entreprises l'accès aux données en temps réel.

En plus d'être en capacité d'avoir une visibilité sur les émissions, il est absolument crucial d'en opérer un suivi et de pouvoir les déclarer de manière précise. L'approche des données doit donc être repensée pour passer de l'observation à l'analyse, en appuyant la gestion des émissions sur les performances d'émissions réelles.

Sans données, point de salut

La majorité des entreprises s'appuie encore trop souvent sur la collecte de données par défaut, c'est-à-dire celle prenant en compte seulement les chiffres moyens du secteur. Résultat, avec des chiffres inexacts, susceptibles d'être supérieurs, les rapports manquent souvent de transparence. Les entreprises sont donc souvent amenées à payer davantage pour ce qui est perçu comme des émissions plus élevées, qui, en réalité, peuvent être inférieures.

Pour se dispenser de résultats inexacts, les acteurs du secteurs doivent non seulement se tourner vers une méthode de collecte de données primaires (i.e. les données en temps réel relatives aux itinéraires réellement parcourus, à la consommation de carburant ou d'énergie) mais également prioriser la qualité des données récoltées. Les outils en cours de développement par certaines plateformes digitales de gestion des transports répondent précisément à ces besoins.

Aussi qualitatives qu'elles soient, les données ne peuvent pas être efficacement exploitées et analysées sans une visibilité en temps réel. Cette dernière permet de mieux comprendre comment leurs transports sont utilisés, particulièrement à travers des chaînes d'approvisionnement multimodales. Elles offrent par conséquent la possibilité de réduire les pertes, de diminuer le kilométrage à vide et adapter plus efficacement les capacités en fonction de la demande - autant de changements opérationnels ayant in fine un impact indirect sur les émissions carbone. De plus en plus adoptée dans la logistique et le transport, la visibilité en temps réel doit devenir une partie intégrante des stratégies visant à contrôler les émissions et l'empreinte carbone.

Encourager la collaboration

La décarbonisation du secteur du transport et des chaînes d'approvisionnement ne peut être entreprise de manière isolée.  Atteindre les objectifs de développement durable à l'échelle du secteur nécessite une approche holistique, collaborative et ouverte sur le monde.

Mobiliser les transporteurs, expéditeurs, responsables supply chains, professionnels du fret et clients finaux  et absolument nécessaire à la conduite du changement, et a pour effet ricochet d'encourager une « compétition positive » à cet égard. Le partage de données via des outils de gestion spécifiques et unifié doit donc être encouragé, puisqu'il permet aux réseaux d'expéditeurs, de transporteurs et de fournisseurs de services logistiques (FSL) de s'appuyer sur les mêmes informations.

Plus tôt les entreprises instaureront des mesures pour favoriser le développement durable, plus elles pourront réduire leur impact sur l'environnement rapidement et s'adapter aux cadres législatifs en place. Pour mettre en place une telle transition, elles auront cependant besoin de temps, de moyens financiers, et d'une conduite du changement stratégique autour de l'intégration d'outils technologiques leur permettant d'accéder à l'efficacité, la transparence et la visibilité nécessaires.

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Commentaire 1
à écrit le 21/10/2022 à 18:11
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Le "ferroutage", que tous les néolibéraux voulaient supprimer, est indispensable ! Mais bien sûr, a condition qu'il soit privatisé répondant au dogme de "la concurrence libre et non faussée" ! ;-)

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