Un peu de préhistoire dans nos investigations numériques

OPINION. Prendre le temps d'échanger avec des professionnels de la cybersécurité est toujours un moment privilégié. Si vous n'en êtes pas familier, je vous invite à l'ajouter à vos résolutions de ce début d'année. Par Nicolas Vielliard, administrateur du Clusif.
(Crédits : DR)

Tout d'abord parce que les histoires, passionnées, souvent extraordinaires, ne vous seront pas racontées : vous les vivrez. Aidée par le « think out of the box » central pour la profession, cette passion s'avère fort heureusement bien loin de la monomanie. Ainsi, vous y ferez la rencontre de femmes et d'hommes dont l'identité restera évidemment secrète (salut amical), mais qui partageront volontiers leurs savoirs allant de la voltige à l'archéologie sous-marine en passant par l'apiculture urbaine, l'œnologie, les montres anciennes, l'écriture de romans, la voile et même l'étude préhistorique avec, à chaque fois, ce même don de mettre en perspective des sujets complexes et apparemment sans lien avec le cœur de leur activité, la cybersécurité.

Effectivement, n'est-il pas judicieux de s'appuyer sur l'étude de la préhistoire pour illustrer, voire raconter, l'investigation numérique indispensable à la compréhension d'événements passés ? D'ailleurs, ne pourrait-on pas qualifier l'investigation numérique de fouilles numériques ? Comparons, modestement, le travail du préhistorien à celui de cet expert numérique. Dans les deux cas, l'initiation d'une fouille peut être légale, le fruit du travail de recherche des spécialistes, mais aussi le résultat de l'alerte d'un « utilisateur » tels les adolescents découvreurs de la grotte de Lascaux. Une fois la fouille lancée, la plus grande rigueur est de mise et l'investigation ne peut se faire seule, le préhistorien doit s'entourer d'experts de plusieurs disciplines proches : anthropologues, ethnologues, historiens, ou plus éloignées : géologues, topographes, palynologues ou experts en imagerie satellite. Il doit également s'appuyer sur les connaissances acquises, un charbon de bois n'ayant évidemment pas la même valeur depuis la datation au carbone 14. Pour les experts en investigations numériques, les noms changent, mais la démarche est comparable en s'appuyant sur la communauté, mais aussi sur d'autres expertises tels la géopolitique, l'électronique, la linguistique, le droit ou la psychologie. Le préhistorien doit déterminer la période sur laquelle se focaliser puis enregistrer, archiver et documenter ce qu'il fait et trouve, car, comme l'expert en investigation numérique, il travaille une matière volatile qu'il devra raconter. À cette difficulté s'ajoute celle de la subjectivité qui se retrouve là aussi dans les deux cas : qu'auraient été les résultats si les investigations avaient été menées par une autre personne, pendant plus de temps, avec d'autres approches ou d'autres techniques, sur un périmètre plus large ?

Finalement, la cybersécurité repose sur cette capacité de nos experts à penser au-delà du cadre, « out of the box », mais ne pourrions-nous pas aller encore plus loin et élargir le cadre lui-même en enrichissant nos processus de travail par ceux de disciplines éloignées ? Et si, pour commencer, nous mettions dans nos investigations numériques un peu du travail des préhistoriens ?

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Commentaire 1
à écrit le 06/02/2023 à 18:08
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Très bel article, j'ajouterais, que nous ne devons pas perdre de vue que nous sommes dans la "préhistoire" de la technologie numérique.

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