A Marseille, le "coup de gueule des territoires" contre l'«ultra-centralisation»

Par César Armand  |   |  810  mots
De gauche à droite : Dominique Bussereau (ADF), André Laignel (CFL), Hervé Morin (Régions de France), Martine Vassal (Bouches-du-Rhône, Aix-Marseille métropole), François Baroin (AMF) et Renaud Muselier (Sud-PACA) (Crédits : La Tribune)
Réunies à Marseille, Régions de France ainsi que les autres associations d'élus locaux, maires de France (AMF) et départements de France (ADF) viennent de créer une nouvelle structure, parrainée par le président du Sénat Gérard Larcher : Territoires unis. Objectif : exiger davantage de décentralisation face au gouvernement qu'ils accusent de tous les maux. Edouard Philippe doit leur répondre ce jeudi.

« Nous sommes dans un meeting politique avec des militants de la démocratie pour défendre nos territoires auxquels nous consacrons toute notre vie et plus encore. » A la tête de Régions de France, l'association qui regroupe les 13 régions et qui organise son congrès ces 26 et 27 septembre à Marseille, Hervé Morin donne le ton : davantage de décentralisation, moins de technostructure.

Avec ses confrères maires et présidents de département, avec qui il avait boycotté la dernière Conférence nationale des territoires en juillet dernier, le patron du conseil régional de Normandie lance une nouvelle association pro-collectivités qui veut rassembler toutes les sensibilités politiques : Territoires unis.

« Notre pays meurt à petit feu de son ultra-centralisation ! La France ne peut se résumer à quelques métropoles, est-il dit dans cet ''appel de Marseille'' signé par 1.200 élus locaux. La décentralisation est une chance. C'est le modèle qui permet de rapprocher les décisions et les investissements. Nous ne sommes pas des opérateurs de l'État, nous demandons un agenda partagé des réformes et une concertation sincère entre l'État et les collectivités. L'avalanche des normes et des réglementations sur les communes doit cesser. »

De la différenciation et des fonctionnaires parisiens sur le terrain

A la tribune, Hervé Morin s'adresse directement à Emmanuel Macron : Monsieur le président de la République, nous en avons ras-le-bol d'être pris pour des incompétents démagos ! » Le président du conseil régional normand veut conduire la politique de l'emploi, celle de la transition énergétique, comme il entend gérer les ports. En bref, il exige de la « différenciation » : « Il y a dans chaque territoire des problématiques particulières ! »

Son homologue de l'association des maires de France (AMF), François Baroin, s'emporte à son tour : « Les communes ne sont pas des filiales ou des succursales de l'État ! » De même, Dominique Bussereau, patron de l'association des départements de France, aimerait que l'État se déconcentre davantage en envoyant, par exemple, 20 % de ses fonctionnaires parisiens auprès des prfets.

Représentant de la chambre des territoires, le président du Sénat Gérard Larcher a, pour sa part, proposé à tous les élus présents de se retrouver très bientôt au Palais du Luxembourg, considérant que « les collectivités ne peuvent être la plus variable d'ajustement de l'État ».

Plus tôt, des représentants de la cité phocéenne ont joué les chauffeurs de salle. Le président de la région Sud-Provence Alpes Côte d'Azur, Renaud Muselier, a dénoncé « un risque d'asphyxie et de fracture » tandis que Martine Vassal, patronne du département des Bouches-du-Rhône élue récemment à la tête de la métropole Aix-Marseille, a pointé elle aussi « une recentralisation croissante ».

Écharpe, morgue et insulte

Sur scène, les représentants des trois collectivités ont toutes et tous manifesté leur mécontentement, à commencer par les maires. Agnès Le Brun, de Morlaix, a évoqué « une verticalisation » et « une injonction permanente » qui « dépouillent des prérogatives ». Le président du Comité des finances locales André Laignel a, lui, tonné que la commune était « en danger » :

« Au fur et à mesure qu'on supprime des compétences et des crédits, on a l'impression qu'il nous restera l'écharpe et les mariages ! Il y a un sentiment de morgue, de mépris. J'ai d'ailleurs dit au président de la République les yeux dans les yeux : ''Je me suis senti insulté quand vous nous avez accusés d'être clientélistes''. »

Idem dans les départements. Le patron de la Côte d'Or, François Sauvadet, a, pour sa part, parlé de « mise sous tutelle d'une brutalité sans nom » au sujet de la contractualisation via laquelle les territoires s'engagent auprès de l'État à ne pas dépasser un seuil de dépenses. Ce qui fait dire à son collègue André Viola (Aude) qu'ils sont « étranglés, garrottés ».

Un circuit court plutôt qu'un court-circuit entre les deux parties

Même discours du côté des régions. La présidente du conseil régional d'Occitanie, Carole Delga, a ainsi regretté « une idéologie qui nie les réussites » sur la réforme de l'apprentissage, assurant que le Medef local s'était opposé à la reprise en main du sujet par les branches professionnelles.

Interpellé par cet appel, le Premier ministre Edouard Philippe, lui-même ancien maire, du Havre, qui leur répondra ce jeudi 27 septembre, en venant faire à Marseille un discours au congrès de Régions de France. François Bonneau, président de la région Centre-Val-de-Loire espère qu'« un circuit court » sera rétabli entre le gouvernement et les collectivités. Le cas échéant, ce serait selon lui « un court-circuit »...