Paris : au-delà de la voiture, les ambitions du Plan climat

Par Dominique Pialot  |   |  1236  mots
C'est déjà sur les transports que les progrès les plus significatifs ont été observés lors des plans climat précédents : des émissions de CO2 en baisse de 39% entre 2004 et 2014. Par ailleurs, la pollution figure au troisième rang des causes de décès après le tabac et l'alcool.
Tendre vers des rues sans voitures à moteur thermique en 2030 n'est pas le seul objectif du Plan climat élaboré par la Ville de Paris pour la période 2030-2050, dans lequel l'énergie occupe une place de choix. Plus que les défis technologiques, son principal enjeu est de parvenir à impliquer dès aujourd'hui les Parisiens.

Déjà révisé une première fois en 2012, le Plan climat de Paris actuellement en vigueur court jusqu'en 2020. Mais celui qui est présenté ce 12 octobre aux Parisiens représente plus « l'écriture d'une nouvelle page des politiques climat », comme l'expliquait en avril à La Tribune Célia Blauel, maire adjointe chargée de l'environnement et du plan climat énergie territorial. Cette nouvelle page courant de 2020 à 2030 doit « permettre à Paris de répondre à ces enjeux dans une ère post-COP 21». Autrement dit, de se projeter vers la neutralité carbone en 2050, une ambition détaillée dans l'étude « Paris change d'ère, vers la neutralité carbone en 2050 », réalisée en mars dernier par le collectif Elioth.

Le plan annoncé aujourd'hui s'inscrit également dans le Plan climat national annoncé par Nicolas Hulot le 6 juillet dernier. Notamment en ce qui concerne la circulation automobile. En effet, Nicolas Hulot avait annoncé la fin de la mise en circulation de véhicules diesel ou essence pour 2040 à l'échelle nationale.

Anne Hidalgo, qui avait déjà fixé à 2024, date des JO à Paris, la fin des voitures diesel dans les rues de la capitale, annonce aujourd'hui celle des voitures à essence pour 2030.

Une "trajectoire" plus qu'une "interdiction" des voitures à essence

Anticipant la levée de boucliers que ne manquera pas de susciter cette mesure, la Mairie de Paris a pris soin de préciser dans un communiqué :

"Cet objectif n'est en aucun cas formulé dans le Plan climat comme une « interdiction » à horizon 2030, mais bien comme une trajectoire qui semble à la fois crédible et soutenable."

Ce qui n'empêche pas Christophe Najdovski, adjoint au maire chargé des transports, de le justifier :

"Le transport est l'un des principaux secteurs émissifs de gaz à effet de serre et, dans le cadre du Plan climat, nous avons donc planifié cette sortie des véhicules thermiques, donc des énergies fossiles, à l'horizon 2030."

Chaque année en Europe 500.000 morts imputables à la pollution

C'est déjà sur les transports que les progrès les plus significatifs ont été observés lors des périodes précédentes : des émissions de CO2 en baisse de 39% entre 2004 et 2014. Par ailleurs, d'après les dernières estimations de l'Agence européenne pour l'environnement (AEE), la pollution serait responsable chaque année de 500.000 morts prématurées en Europe.

La ville estime aussi que Paris, déjà en avance sur le sujet, se doit de précéder l'application nationale de la mesure. Depuis le 1er juillet déjà, en plus des véhicules (essence et diesel) âgés de plus de 20 ans concernés depuis le 1er janvier, ceux affichant la vignette Crit'Air 5 (diesel immatriculés avant 2001) n'ont plus le droit d'y circuler en semaine entre 8 heures et 20 heures. Cette mesure devrait être étendue aux Crit'Air4 (diesel d'avant 2006) à partir du 1er janvier 2019. Gageons qu'une fois de plus, comme pour la fermeture des voies sur berge, ce ne sont pas les habitants de Paris intra-muros, dont 60% ne possèdent plus de voiture, qui seront le plus affectés.

80% des émissions de CO2 liées aux seuls comportements

Quoi qu'il en soit, le principal enjeu du Plan climat, comme l'expliquait Celia Blauel, "est d'embarquer les habitants, responsables de 80% des émissions - la Ville ne pouvant agir que sur 20% - et pour lesquels 'le climat est loin d'être une préoccupation partagée par tous'."

C'est pourquoi le plan a été conçu au fil d'un processus participatif qui s'est achevé en septembre lors d'ateliers, conférences et réunions publiques avec les habitants, les entreprises, des ONG, le Conseil parisien de la jeunesse, etc.

La stratégie de résilience élaborée avec le soutien du réseau 100 Resilient Cities et rendue publique le 25 septembre met également l'accent sur le facteur humain et les valeurs sociales. A titre d'exemple, la transformation des cours d'écoles bitumées en jardins, qui pourra à terme concerner les 561 écoles de la capitale, soit quelque 600.000 mètres carrés, doit non seulement permettre de lutter contre l'effet « îlot de chaleur urbain » et les inondations, mais aussi de créer du lien social en restant ouverts aux habitants lors des week-ends. Parmi les autres points forts de cette stratégie : le projet d'une proximité accrue avec les territoires ruraux situés autour de Paris - concrétisé par un pact pour la résilience des territoires signé avec la Métropole du Grand Paris et l'Association des maires ruraux de France - ou encore la transformation du périphérique en avenue urbaine, une façon aussi d'en gommer la fonction de ligne de démarcation avec la banlieue qu'elle symbolise aujourd'hui.

Mais ce projet emblématique se situe à une échéance de moyen ou long terme, et devra être mené avec la Métropole du Grand Paris, avec laquelle Anne Hidalgo rappelle régulièrement sa volonté de coopérer sur ces sujets. En attendant, la maire et ses adjoints doivent proposer des actions dont les résultats se fassent sentir rapidement.

Améliorer le quotidien des Parisiens

Dans l'entretien accordé à La Tribune en avril, Célia Blauel exposait le parti pris de la Ville pour ce nouveau plan climat :

« Notre objectif est de renverser les logiques de construction. Il ne s'agit pas de se fixer des objectifs à trop long terme mais d'améliorer le quotidien des Parisiens tout en diminuant collectivement nos émissions de CO2. »

Le bilan mitigé de la piétonisation des voies sur berges

Pas certain que le dernier bilan de la fermeture des voies sur berges, publié le 11 octobre, réponde totalement à cet objectif. En effet, malgré une amélioration globale de la qualité de l'air le long des quais, la piétonisation de la voie Georges-Pompidou n'a pas eu d'incidence sur la pollution de fond : « Aucun impact significatif sur l'exposition des populations n'a été mis en évidence à la hausse ou à la baisse », conclut le rapport. On a même observé une dégradation dans l'Est parisien, sur les quais hauts et les itinéraires de report.

150 millions d'euros pour Paris Fonds Vert

Si la mesure - pardon, la "trajectoire" - concernant les voitures à essence sera sans doute celle qui marquera le plus les esprits, le nouveau Plan climat comporte également des annonces concernant les objectifs de la Ville en matière d'énergie, notamment la sobriété énergétique (division par deux de sa consommation entre 2004 et 2050), le développement de ses propres filières de production d'énergie solaire et géothermique, la rénovation d'un million de logements permettant d'en réduire la consommation de 60%, une agriculture locale et raisonnée, avec l'objectif à terme d'une consommation 100% bio, etc. Le plan dans sa globalité sera débattu par le Conseil de Paris le 20 novembre prochain.

La Ville publiera fin octobre un appel à manifestation d'intérêt pour sélectionner la société de gestion chargée de gérer Paris Fonds Vert, le fonds d'investissement territorial pour la transition écologique dont elle a annoncé la création, et qui a vocation à compléter par des investissements privés les 3 milliards d'investissement publics prévus d'ici à 2020. Doté d'au moins 150 millions d'euros, soutenu par la Caisse des Dépôts, l'Ademe et Paris Europlace dans le cadre de l'initiative Finance for Tomorrow, ce fonds prendra des participations minoritaires au capital de PME innovantes à fort potentiel de croissance, proposant des solutions en faveur de la transition écologique sur le territoire parisien et potentiellement déclinables dans d'autres métropoles.