Vers des bâtiments autonomes en énergie grâce à l'hydrogène

Par César Armand  |   |  873  mots
Depuis 2017, l'immeuble Delta Green à Saint-Herblain, dans la périphérie nantaise, est le premier bâtiment mixte qui fonctionne grâce à l'hydrogène. (Crédits : Galéo)
Il est déjà techniquement possible de produire de l'hydrogène dans les immeubles avec des panneaux solaires ou des éoliennes, afin d'apporter électricité et chaleur. Passer à l'échelle de la ville est une autre affaire.

Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, a lancé, le 1er juin dernier, un « plan de déploiement de l'hydrogène pour la transition énergétique ». Il a notamment mis l'accent sur la mobilité, insistant sur deux objectifs à atteindre d'ici à 2023 : 5.000 véhicules hydrogène et 100 stations de recharge. Mais il ne faut pas oublier qu'au Japon, 250.000 logements sont équipés de pompes à chaleur à hydrogène (voir La Tribune du 30 mai 2018). Pourtant, le mot « bâtiment » n'apparaît qu'une seule fois dans le dossier de presse du ministère.

« L'hydrogène permettra de répondre au problème de l'intermittence des énergies renouvelables, notamment parce qu'il offre une solution de stockage et de flexibilité, au service des infrastructures et des besoins thermiques des bâtiments, évitant ainsi des renforcements de réseaux », est-il écrit.

L'hydrogène est déjà une réalité dans les bâtiments, mais à petite échelle. À Saint-Herblain, dans la périphérie de Nantes, l'immeuble Delta Green est le premier bâtiment mixte qui fonctionne déjà grâce à cette énergie, depuis mars 2017. Sur les toits des 8.000 m² de bureaux, logements et services se trouvent trois champs de panneaux photovoltaïques qui produisent de l'électricité. Le courant ainsi généré scinde la molécule d'eau (H20) en deux parties : l'hydrogène d'un côté, l'oxygène de l'autre, qui repart dans l'atmosphère. C'est l'électrolyse. Quant à l'hydrogène, il peut être stocké dans une pile à combustible avant d'être réutilisé comme électricité.

Lisser les pointes et les pics

« Un an et demi après, nous sommes dans les clous. Nous avons moins produit que prévu mais nous avons aussi moins consommé que prévu. Nous avons donc atteint nos objectifs », remarque Alain Raguideau, le promoteur immobilier à l'origine du projet. Même si l'autonomie du bâtiment n'est pas encore atteinte, il songe à utiliser l'hydrogène produit comme carburant pour deux véhicules en autopartage pour l'ensemble de la copropriété.

« Nous en sommes encore aux balbutiements, poursuit-il, mais je fais partie des quelques-uns qui y croient. Si nous nous projetons à dix ans, je reste persuadé que ce sera une solution hyper simple. Non seulement l'alimentation est décarbonée, mais en plus les pots d'échappement des voitures à hydrogène ne rejettent que de la vapeur d'eau. »

La startup Powidian, qui a installé la station de production d'hydrogène dans ce bâtiment de Loire-Atlantique, conseille le recours aux piles à combustible (PAC) pour stocker l'hydrogène dans les zones géographiques où il y a des grandes périodes de mauvais temps. À la différence des batteries, qui conservent l'énergie des éoliennes et des panneaux photovoltaïques à court terme, les PAC peuvent la conserver à moyen terme.

« Passé un certain seuil de stockage, produire de l'hydrogène, c'est intéressant, assure son cofondateur, Jean-Marie Bourgeais. Il peut servir d'écrêtage. Lorsque vous ne voulez pas augmenter votre consommation, vous pouvez réduire votre abonnement. Sinon, l'hydrogène peut servir à effacer les pointes et les pics de consommation. »

L'hydrogène peut en effet servir de vecteur énergétique, car une pile à combustible produit 50% de chaleur réutilisable en eau chaude sanitaire ou pour du plancher chauffant, et 50% d'électricité.

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Optimiser l'alimentation

Son homologue Sylfen a, lui aussi, cette approche multi-énergies visant à utiliser l'énergie en surplus au moment opportun.

« La solution, c'est d'associer différentes technologies pour optimiser l'alimentation d'un bâtiment à partir d'énergies locales, avance Nicolas Bardi, le président de cette jeune pousse. Nous pouvons mettre du panneau photovoltaïque, de la micro-hydraulique... des sources locales au plus proche. Dans tous les cas, le stockage n'a de sens que si nous pouvons faire du décalage de consommation. »

À l'échelle des maisons individuelles, les batteries sont efficaces la journée et permettent de couvrir la consommation des ménages le soir venu. Mais, à l'échelle d'un immeuble, c'est insuffisant. C'est pourquoi il faut dans ce cas de l'énergie solaire auto-consommée, du surplus stocké en batterie et sous forme d'hydrogène, mais aussi du gaz naturel pour produire de l'énergie additionnelle. « Le bâtiment autonome est un bâtiment adulte qui a le choix entre acheter de l'électricité, du gaz, de la chaleur... », résume Nicolas Bardi.

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Si cela fonctionne déjà à l'échelle du bâtiment, est-il possible d'aller plus loin ?

« C'est possible dans des micro-quartiers ou dans des zones pavillonnaires, mais à condition de faire de la gestion intelligente. Par exemple, il faut éviter que tout le monde lance sa machine à laver au même moment », estime Jean-Marie Bourgeais, de Powidian.

Le président de Sylfen, pour sa part, qualifie cette question de « vrai sujet politique et philosophique. »

« Nous allons vers des logiques de densification de l'habitat. Couvrir, par exemple, les toits de Paris de panneaux photovoltaïques, c'est ridicule. Il faudrait des parcs de production centralisés en périphérie. Cela ne pourrait pas fonctionner autrement ».

Comme le disent si souvent les promoteurs de cette énergie, les batteries sont comme les bagages à main et l'hydrogène, la valise en soute. Mais dans les métropoles denses, il y aura toujours davantage d'énergie consommée que d'énergie produite.