Les agriculteurs, nouveaux champions du numérique ?

De quoi DEMAIN sera-t-il fait ? Bpifrance s'est lancé le défi de mener une réflexion sur les sujets d'innovation qui révolutionneront notre quotidien dans les années à venir, du point de vue de notre transport, notre alimentation, notre santé, notre façon de commercer et de travailler. Pour cela, Bpifrance anime une démarche collective en mode projet, pilotée par les collaborateurs de Bpifrance et associant les acteurs des écosystèmes concernés. L’un des sujets stratégiques récemment traité est la transformation numérique de l’agriculture. Laurent Babut, investisseur au sein du pôle Ecotechnologies de Bpifrance, explique pourquoi les agriculteurs utilisent de plus en plus les outils numériques.
(Crédits : DR)

Casquette, salopette et cigarette roulée à la bouche : cette image d'Epinal du paysan n'a plus grand chose à voir avec la réalité actuelle des agriculteurs, de plus en plus équipés d'outils numériques. « On estime qu'environ 85 % des agriculteurs se connectent au moins une fois par jour à Internet, c'est plus que la moyenne des Français (1). Et que les deux tiers d'entre eux utilisent au moins un objet connecté sur leur exploitation (station météo, caméra, etc.) » estime Laurent Babut du fonds Ecotechnologies géré par Bpifrance.

Une évolution qui devrait continuer à s'accélérer, la moitié des exploitants agricoles devant partir à la retraite dans les 10 prochaines années. Les générations suivantes, elles, sont de plus en plus intéressées par la robotique, à l'image des robots maraîchers de la société Naïo, qui permet une agriculture plus respectueuse de l'environnement, ou des drones, comme ceux de la startup Chouette pour surveiller les vignes.

On peut aussi évoquer le projet Connecting Food, qui propose une solution de traçabilité basée sur la blockchain pour apporter de la transparence aux produits agroalimentaires. « En scannant un simple QR Code sur un paquet de farine, vous pouvez instantanément savoir où a été cultivé le blé, dans quelle usine il a été transformé, et à quelles normes il répond. Ces solutions peuvent permettre aux consommateurs de retrouver de la confiance dans les marques alimentaires et aux agriculteurs de percevoir une rémunération plus juste » décrit Laurent Babut.

Une transparence qui peut également permettre de contrer un agri bashing dont se plaignent régulièrement les agriculteurs. Mais parmi ces derniers, beaucoup sont endettés et se versent des salaires très modestes. Ont-ils les moyens de se payer ces outils digitaux ?

L'enjeu, c'est la collaboration pas la technologie

« Grâce à des abonnements bon marché à des dispositifs comme ceux de Sencrop, qui propose une plateforme de données agro-météo, l'exploitant a accès à des informations ultra-précises en temps réel qui lui permettent d'anticiper l'arrivée de maladies comme le mildiou, et de réaliser les traitements phytosanitaires les plus adaptés aux moments opportuns. Avec cette agriculture de précision, l'agriculteur peut aussi bien optimiser ses marges que réduire son impact environnemental » estime Laurent Babut.

Première puissance agricole européenne, la France possède un atout majeur : un écosystème agritech de pointe (troisième pays en nombre de startups agritech créées par habitant). « Nous sommes la première puissance agricole de l'UE, mais d'après un rapport du Sénat, la France pourrait constater son premier déficit agricole en 2023. Pour éviter cela, il est nécessaire de renforcer notre compétitivité, ce qui passera notamment par une plus grande digitalisation de l'ensemble de la chaîne » pense Laurent Babut.

Pour lui, l'enjeu numéro un n'est pas la technologie en elle-même mais plutôt la formation et la collaboration : « Une digitalisation à grande échelle du secteur agricole nécessitera la formation de l'ensemble des parties prenantes (agriculteurs, coopératives, conseillers, ...). Et il est crucial que les acteurs de chacune des filières travaillent ensemble sur des projets collaboratifs ambitieux pour prouver l'impact de la numérisation sur la base d'exemples bien réels ».

L'expert de Bpifrance cite Nataïs, leader européen du popcorn, et chef de file du projet 'Naturellement popcorn', qui a développé une filière de produits haut de gamme traçables avec la blockchain. « Et si on arrive à mettre en commun les données générées par l'ensemble de l'écosystème, on peut espérer transformer l'agriculture en une industrie plus maîtrisable, et plus respectueuse de l'environnement » conclut Laurent Babut.

(1) Etude Agrinautes réalisée par Hyltel-Datagri pour Terre-net Média et France Agricole

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