Les ICO ou comment lever des fonds en cryptomonnaies

De quoi DEMAIN sera-t-il fait ? Bpifrance s'est lancé le défi de mener une réflexion sur les sujets d'innovation qui révolutionneront notre quotidien dans les années à venir, du point de vue de notre transport, notre alimentation, notre santé, notre façon de commercer et de travailler. Pour cela, Bpifrance anime une démarche collective en mode projet, pilotée par les collaborateurs Bpifrance et associant les acteurs des écosystèmes concernés. L’un des sujets stratégiques récemment traité est le développement des ICO (Initial Coin Offering), des levées de fonds en cryptomonnaies. Ivan de Lastours de Bernarde, expert Bpifrance du sujet, explique pourquoi une ICO peut aider PME et ETI à se financer, à condition de respecter certaines règles de prudence.
Ivan de Lastours de Bernarde, pilote blockchain à la direction de la transformation digitale de Bpifrance.
Ivan de Lastours de Bernarde, pilote blockchain à la direction de la transformation digitale de Bpifrance. (Crédits : DR)

En juin 2018, la blockchain EOS a levé 4 milliards de dollars en ethers, la cryptomonnaie du consortium Ethereum, lors d'une ICO (Initial Coin Offering). Un record pour ce type de levée de fonds d'un nouveau genre en cryptomonnaies, principalement en bitcoins ou ethers, les plus connues et utilisées. Une entreprise - souvent une start-up - émet des tokens (ou jetons) sur une plateforme dédiée qui permettent de recevoir une partie des bénéfices générés, comme un dividende avec une action, ou d'utiliser le service de l'entreprise. « Les choses ont beaucoup évolué depuis la création du bitcoin et des autres cryptomonnaies dont la promesse reposait sur une sécurisation de la transmission de valeurs. Internet c'est la révolution de l'information. La blockchain, c'est celle de la transmission de valeurs » décrit Ivan de Lastours de Bernarde, pilote blockchain à la direction de la transformation digitale de Bpifrance.

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La première ICO date de 2013 et cette activité a connu un pic en 2017. On peut participer à une ICO en argent classique (dollars ou euros) ou en cryptomonnaie, ce dernier cas de figure étant le plus répandu. Pourquoi se lancer dans une ICO ? « Pour financer un projet dans le domaine de la blockchain. Mais le sérieux de ces initiatives est très variable. L'ICO reste une promesse, avec un site web, un white paper (descriptif du projet) et souvent un yellow paper (spécifications techniques) » répond le pilote blockchain de Bpifrance. Au début, les ICO étaient réservées au monde de la tech et des développeurs. Plus elles ont eu du succès, plus des opportunistes s'y sont intéressés, ce qui a entraîné une qualité de ces opérations très fluctuante.

Libra inquiète les banques centrales

La loi Pacte d'avril 2019 a instauré un cadre pour ces levées de fonds par émission de jetons et apporté des mesures de protection du consommateur tout en préservant l'innovation technique et financière. Résultat : l'établissement d'un régime (optionnel) de visa décerné par l'AMF (Autorité des marchés Financiers) : « vous n'avez pas à le demander, mais c'est un gage de confiance si vous l'avez » précise Ivan de Lastours de Bernarde. Au fur et à mesure, les ICO se sont complexifiées, et les projets ont été qualifiés différemment : token utilitaire (accès au service) et token security (titre financier avec dividende ou coupon).

En France, un des plus connus est le token d'I-Exec. Dans le cas de Telegram, la messagerie sécurisée qui a essayé de lancer Gram, sa propre cryptomonnaie, en novembre dernier, la SEC (Security Exchange Comitee), le gendarme boursier américain, a interrompu l'opération pour déterminer si le token présenté comme utilitaire n'était pas plutôt financier, et donc devant répondre aux normes en vigueur. De même, le projet du consortium Libra initié par Facebook inquiète les autorités financières nationales. Le Ministre de l'Economie Bruno Le Maire a par exemple tweeté le 12 septembre 2019 : « avec le projet Libra, la souveraineté monétaire des États est en jeu. Dans ces conditions, nous ne pouvons pas autoriser le développement de Libra sur le sol européen ».

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Au niveau supra national, La Banque Centrale Européenne (BCE) évalue les avantages et les inconvénients du lancement de sa propre monnaie numérique. Pour Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE, « la prochaine étape logique serait que les banques centrales mondiales unissent leurs forces et étudient ensemble la faisabilité de monnaies numériques lancées par leurs soins ». La Chine étudie elle aussi le lancement de sa propre « stable coin » (une cryptomonnaie adossée à une devise existante, en l'occurrence le yuan).

La blockchain : une sécurité intrinsèque

En France, l'AMF travaille sur un régime adapté aux ICO. « L'aspect digitalisation peut profiter à toute l'industrie financière. Aujourd'hui, les titres ne sont pas totalement digitalisés. Or, la blockchain apporte une sécurité intrinsèque qui permet de s'assurer qu'un titre est bien un titre grâce à une signature électronique universelle » décrypte le pilote blockchain de Bpifrance.

Mais il reste encore beaucoup d'éléments techniques et réglementaires à finaliser. Cette nouvelle forme de financement a connu des abus mais son potentiel est réel pour donner accès au capital à des PME et ETI qui ont du mal à se financer. Pour rassurer ces entreprises et aussi les particuliers, des initiatives existent. La start-up Ledger a ainsi amélioré sa clé physique de sécurisation de crypto actifs Nano X et la fintech Acinq, dans laquelle Bpifrance a investi, propose un wallet (portefeuille) pour transférer plus facilement des bitcoins. Par ailleurs, un premier label AMF a été décerné à l'entreprise French-ICO et la Banque de France va lancer un appel à projets pour une monnaie digitale de banque centrale. « C'est un marché naissant et ce sont les acteurs institutionnels qui vont rassurer les entreprises et le consommateur final » conclut Ivan de Lastours de Bernarde.

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