La French Touch Conference : les clés pour accélérer à l’international

Venus d’Amérique du Nord, du Royaume Uni ou de l'Empire du Milieu, des entrepreneurs français qui y ont réussi ont rencontré leurs pairs dans l'écosystème français lors de la deuxième édition parisienne de cet événement business itinérant. Focus sur quatre marchés incontournables.
(Crédits : FrenchTouchConference)

C'est dans une ambiance intimiste, au sein de l'espace de co-working parisien Morning Coworking Trudaine, que s'est déroulée, le 29 mai dernier, l'édition de la French Touch Conference (LFTC), un événement itinérant qui cherche, depuis 2014, à renforcer les liens entre écosystèmes français et internationaux. L'objectif ? Après s'être employés à promouvoir l'image des start-up tricolores à l'étranger, les fondateurs de LFTC - Gaël Duval, le président et fondateur de Jechange.fr, et Cédric Giorgi, Directeur des projets spéciaux chez Sigfox, ont voulu connecter la diaspora entrepreneuriale tricolore avec l'écosystème français et fournir à leurs pairs quelques clés essentielles pour accélérer au-delà des frontières de l'Hexagone.

D'autant que c'est le moment. Dressant un bilan de la French Tech depuis cinq ans lors de l'événement, Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat chargé du Numérique a lancé : « Nous avons aujourd'hui un écosystème en bonne santé en ce qui concerne l'éclosion ». La priorité doit donc désormais être à la croissance de ces start-up et leur conquête de l'international. « Il faut que parmi ces 10 000 nouvelles entreprises, une bonne partie aille plus loin et plus vite », a-t-il souligné, en détaillant quelques-unes des 100 mesures en faveur des start-up annoncées à l'occasion de Viva Technology, la grand-messe de l'innovation, qui s'est tenue le 24 mai dernier à Paris.

A en juger par le nombre de participants qui ont assisté à cette journée dense en tables-rondes et en séances de réseautage, l'appel du large séduit. Ils étaient près de 300 entrepreneurs à venir s'inspirer de témoignages et de conseils prodigués par des experts, des investisseurs et des dirigeants français qui ont réussi à développer leurs pépites dans les écosystèmes les plus dynamiques de la planète.

L'irrésistible ascension de la Chine numérique

A commencer par la Chine, dont la montée en puissance dans le numérique n'est plus à démontrer. Depuis dix ans, « j'ai été témoin d'une évolution fascinante, avec un déploiement d'écosystèmes qui n'ont pas d'équivalent à l'Ouest », confirme ainsi Laure de Carayon, fondatrice de China Connect, une conférence lancée en 2010 pour jouer les passerelles entre l'écosystème numérique chinois et les grands acteurs du marketing en Occident. En plus des fameux géants BAT (Baidu, Alibaba, Tencent), qui ont la capacité de sortir de leur cœur de métier, toujours plus d'acteurs du numérique naissent dans l'Empire du Milieu. « Depuis l'année dernière, la Chine a plus d'argent en capital-risque que les Etats-Unis », rappelle de son côté Benjamin Joffe, Partner dans le fonds HAX/SOSV qui investit dans les start-up spécialisées hardware, IoT ou robotique, et en Asie depuis 18 ans.

L'Empire du Milieu est surtout bien placé dans la course à l'intelligence artificielle. Plusieurs éléments pour expliquer cette situation, selon Ludovic Bodin, Managing Partner du fonds Kalibrio Capital : une masse de données colossale, l'ambition gouvernementale de faire du pays le numéro un mondial de l'IA à l'horizon 2030, ainsi que des réformes éducatives pour aller dans ce sens. Dans ces conditions, quelle coopération possible entre la Chine et la France, elle aussi décidée, d'ailleurs, à jouer dans la cour des grands dans ce secteur ? Ludovic Bodin en a profité pour rappeler la récente mise en place de plusieurs initiatives, à l'instar d'un programme d'échanges pour 40 jeunes talents et la signature d'un protocole d'accord entre l'Inria et l'équivalent chinois du CNRS. Autre volet, « je travaille avec des partenaires chinois à la création d'un fonds d'investissement France-Chine qui s'appelle France China AI Fund », doté d'un milliard de dollars, concentré en priorité sur l'investissement dans les secteurs de la mobilité, de la santé et de l'environnement, ajoute cet ambassadeur de la French Tech à Pékin.

La Silicon Valley, sans tabous

Ce n'est pas un secret, l'internationalisation n'est pas toujours un long fleuve tranquille. Jérôme Lecat, PDG et fondateur du spécialiste du cloud Scality, qui vit aux Etats-Unis depuis dix ans, est venu en témoigner sans tabous. Premier obstacle lorsqu'on veut réussir dans la Silicon Valley, selon le dirigeant de cette pépite qui a un pied à San Francisco et l'autre à Paris : la langue. Et ce n'est pas un fort accent français qui pose problème. « Il faut être confortable dans une négociation en anglais, sans se sentir gêné par le vocabulaire, et comprendre tous les 'dialectes' », prévient le dirigeant de cette start-up en hyper-croissance.

Autre difficulté qui peut surprendre, « les Américains attendent une simplicité d'expérience utilisateur dont on n'a même pas conscience ici », a-t-il ajouté. Autrement dit, une interface utilisateur parfaitement intuitive est de rigueur. C'est sans oublier les pièges du recrutement. « L'une des forces de l'éducation américaine, c'est de donner aux élèves une grande confiance en eux et de savoir les préparer à un entretien d'embauche, au cours duquel ils seront excellents... Et c'est vrai même pour les plus mauvais ! », estime le patron de la scale-up. Seul remède, vérifier les références auprès des personnes à qui l'on peut faire confiance et avec lesquels on partage des enjeux...

Une culture managériale différente de la nôtre, une concurrence féroce, l'étendue du territoire - il faut six heures d'avion pour rejoindre New York depuis San Francisco -, des incompréhensions juridiques... la liste des embûches est longue. Last but not least, mieux vaut choisir l'une des deux cultures d'entreprise. « Plutôt que d'essayer d'être une entreprise franco-américaine, c'est mieux de s'afficher comme une entreprise française aux Etats-Unis ou bien comme une entreprise vraiment américaine », conseille-t-il aux entrepreneurs désireux de déployer leurs ailes outre-Atlantique.

Londres, un écosystème cosmopolite pour scaler plus vite

Le constat est unanime : véritable melting pot, la capitale britannique est un écosystème à l'ADN cosmopolite qui attire entrepreneurs et investisseurs du monde entier, dont de très nombreux Français. Le co-fondateur du spécialiste du mobilier design Made.com, lancée en 2010 à Londres, Julien Callède témoigne : « Cela avait beaucoup de sens de démarrer directement à Londres dans un environnement très international », que ce soit en raison d'un réseau développé dans le domaine de l'e-commerce et du mobilier ou en raison de la facilité de recrutement de talents internationaux. Un droit du travail souple et, bien sûr, un environnement anglophone, sont autant d'autres forces de l'écosystème londonien, selon le co-fondateur de cette scale-up « made in London » qui réalise aujourd'hui 140 millions d'euros de chiffres d'affaires et compte 400 collaborateurs d'une trentaine de nationalités.

« C'est un écosystème très international, créatif et dynamique », confirme de son côté Albin Serviant, coordinateur de la French Tech London et fondateur du club privé FrenchConnect London. Pour lui, il est important, lors d'une implantation au Royaume-Uni, de recruter des locaux. « Il ne faut pas rester franco-français » dans cet écosystème très international qui offre des opportunités de scaler plus vite. Mais si ses atouts sont nombreux, Londres présente également quelques faiblesses : la cherté des loyers et des bureaux, pour commencer, un taux élévé de turnover, ensuite. « Il y a beaucoup moins de loyauté. Recruter des ingénieurs et les garder à Londres est un véritable casse-tête », estime ainsi Philippe Gelis, co-fondateur et Pdg de Kantox, une fintech spécialisée dans le marché du change de devises, basée entre Londres et Barcelone. Enfin, reste l'incertitude qu'entraîne le Brexit... même si les intervenants se sont montrés plutôt rassurants sur la question.

Prochaine escale : Toronto

Quatrième ville d'Amérique du Nord, forte de ses 230 différentes nationalités et de son caractère particulièrement cosmopolite, la capitale économique canadienne n'a rien à envier à l'écosystème américain. Les quelque 5 200 jeunes pousses qui fleurissent dans le corridor industriel Toronto-Waterloo s'appuient sur un réseau d'universités telles que Ryerson, l'université de Waterloo et celle de York, qui forment un grand nombre d'ingénieurs et de data scientists, de même qu'elles profitent d'un tissu dense en incubateurs et en accélérateurs, dont le MaRS Discovery District, DMZ et Communitech. Place financière de poids, Toronto attire de plus en plus de capital-risque. Autre atout de ce pays qui a vu naître des entreprises tech comme Blackberry ou Shopify : de nombreuses aides publiques.

Sans oublier que « Toronto est la meilleure base arrière si l'on veut attaquer le marché des Etats-Unis », insiste Olivier Ou Ramdane, entrepreneur et membre du conseil d'administration de l'adtech Slimcut, basée à Toronto. Autrement dit, s'installer dans cette ville pour attaquer ensuite le marché américain est une façon moins onéreuse que de s'implanter directement à New York. Autant de raisons qui font que la capitale de l'Ontario sera la prochaine escale de la French Touch Conference, qui donne rendez-vous aux entrepreneurs dès le mois d'octobre prochain.

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FOCUS :

Mohamed Haouache, l'entrepreneur qui a conquis les pop-up stores américains

Pour devenir l' « Airbnb de la location d'espaces commerciaux éphémères », cet entrepreneur français, New Yorkais d'adoption, avait fusionné sa start-up française avec un concurrent américain. Il est revenu sur sa success story lors de la dernière French Touch Conference à Paris.

C'est l'histoire d'un petit poucet français qui a « avalé » un gros acteur américain, pour devenir leader mondial dans la location d'espaces commerciaux éphémères. Après la crise financière, Mohamed Haouache, ancien banquier d'affaires à Wall Street, décide de rentrer en France. Le hasard fait qu'une amie américaine lui demande de lui trouver un pop-up store à Paris. A l'époque, pas de site et pas de réponse non plus de la part des brokers ni des agents immobiliers. Or la demande de pop-up stores est bien là... Une opportunité que Mohamed Haouache ne manquera pas de saisir pour co-fonder, en janvier 2014, la plateforme PopUp Immo, avec l'ambition de devenir le futur Airbnb de la location d'espaces commerciaux éphémères. Une place de marché qui affiche les espaces vacants et le met en relation avec des marques de créateurs designers.

Et de se rendre compte très rapidement que le marché est celui de villes plutôt que de pays. Des villes qui ont notamment une activité culturelle et touristique soutenue, ou un marché immobilier tendu. « Il fallait aller vite, très vite », a-t-il souligné lors de la dernière édition de la French Touch Conference, qui s'est déroulée la semaine dernière à Paris. « Il y avait une vingtaine opportunités dans le monde qu'il fallait gérer très rapidement. »

Accéléré d'abord par Numa, PopUp Immo décide alors de postuler pour Techstars, un prestigieux accélérateur new-yorkais. A sa surprise, il voit sa jeune pousse sélectionnée parmi 100 autres. « J'avais pour vision de créer un acteur global et on ne pouvait pas être leader mondial sans se positionner sur les Etats-Unis », détaille l'entrepreneur. Et de reprendre le chemin de la Grosse Pomme, sa « ville de cœur. » C'est au sein même de Techstars qu'aura lieu la fusion-acquisition de PopUp Immo avec Storefront, un acteur américain de taille, dont Mohamed Haouache gardera la marque.

Depuis, Storefront a bel et bien déployé ses ailes et ses équipes. Outre les Etats-Unis et la France, la société est aujourd'hui présente à Amsterdam et à Londres, ainsi qu'à Hong Kong. Comptant à ce jour plus de 70 collaborateurs, la pépite prévoit d'aller encore plus loin. Elle devrait prochainement se lancer au Canada et à Singapour, confie son dirigeant.

A Londres, Marine Tanguy conjugue l'art et le business

La jeune entrepreneure, intervenue lors d'une table-ronde à la dernière French Touch Conference à Paris, a fondé une agence dans la capitale britannique pour y accélérer les meilleurs artistes visuels.

A 21 ans, elle gère une galerie d'art à Londres, à 23, une autre à Los Angeles, avant de revenir un an plus tard outre-Manche pour y fonder MTArt Agency, « la première agence d'artistes visuels. » Le concept de Marine Tanguy ? Sélectionner, tous les mois, parmi 200 dossiers, les artistes qui montent dans le domaine des arts visuels pour investir sur eux et les aider financièrement, leur offrir plus de visibilité et soutenir leurs projets. En somme, accélérer les talents. Son business modèle ? A la différence d'une galerie d'art classique, la vente d'œuvres n'est qu'une des sources de revenus, le reste vient de contrats avec des marques ou des mairies. En outre, la jeune dirigeante a lancé un fonds pour acquérir les œuvres des artistes en ascension.

Londres s'imposait comme un choix logique pour y créer une telle affaire. D'une part, la Française, qui vient de l'Ile de Ré, y disposait déjà d'un réseau. D'autre part, la capitale britannique était le lieu idéal, sorte d'« entre-deux » mêlant la France et les Etats-Unis, autrement dit, les aspects culturels de l'un et commerciaux des autres.

« J'ai toujours pensé business dans mon industrie », a confié cette entrepreneure lors d'une table-ronde dévolue à l'écosystème britannique dans le cadre de la récente French Touch Conference à Paris. Celle qui a fait khâgne et hypokhâgne en a tiré notamment une forte capacité à construire un argumentaire. Son expérience à Los Angeles lui a en revanche « beaucoup appris sur le marketing, la promotion et la visibilité. » Autant d'atouts utiles dans son entreprise actuelle. A la tête aujourd'hui d'une équipe de cinq personnes à temps plein, Marine Tanguy est par ailleurs très engagée en ce qui concerne l'intégration de l'art dans l'espace urbain. L'une de ses artistes a ainsi construit une sculpture qui aspire la pollution de l'air... « C'est un exemple marquant d'utilisation de l'art pour passer des messages forts », souligne la jeune patronne.

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