Comment briser le cercle vicieux ? Dans de nombreux pays en développement, les infrastructures, pour la production d'eau et son transport par tuyaux, sont parfois défaillantes. En outre, les opérateurs sont souvent confrontés à des impayés de la part des consommateurs. Difficile, dans ces conditions, d'améliorer le service en investissant... Face à cette situation, que Grégoire Landel a constatée à maintes reprises au cours de ses années de conseil auprès d'opérateurs d'eau dans les pays en développement, il a cherché une solution avec son équipe. Et l'a trouvée sous la forme d'un compteur permettant aux consommateurs de payer leur eau courante à l'aide de leur téléphone mobile au fur et à mesure de leur consommation. Et c'est un cercle vertueux qui s'enclenche.
Libérer les femmes
« Ce système permet aux populations urbaines dans les pays en développement d'avoir accès à l'eau courante, à domicile, mais en plus, il met en place une consommation raisonnée », explique-t-il. « En outre, le compteur étant intelligent, l'opérateur sait où va l'eau, mais du fait que la consommation est prépayée, il peut valoriser les paiements digitaux et prévisibles de ses clients auprès de banques ou d'investisseurs, afin de trouver des financements pour améliorer le service ». Une situation gagnante pour tous. Et plus encore pour les femmes. « Ce sont elles qui sont le plus souvent de corvée d'eau, et je trouve cela insupportable ! », remarque-t-il. Le compteur connecté à un réseau d'eau permettra donc de les libérer de cette corvée.
Hardware et software
Le business modèle de la jeune pousse est simple. Les opérateurs achètent le compteur et payent un abonnement SaaS pour le logiciel : les économies générées pour l'opérateur, en facturation et recouvrement mais aussi grâce à la limitation des pertes d'eau, lui assurent un retour sur investissement rapide. La mise au point du compteur intelligent l'a été beaucoup moins. Elle a requis du hardware et du software, avec d'une part, un compteur connecté et à micropaiement qui mesure la consommation d'eau, transmet les données en temps quasi-réel à un logiciel et ouvre ou ferme l'accès à l'eau en fonction du crédit de l'abonné, et de l'autre, un logiciel qui collecte les informations de paiement et les données de consommation, contrôle l'accès à l'eau et détecte les fuites.
La R&D a d'abord été facilitée par le Grand Prix que la startup a remporté au concours d'innovation i-Lab en 2016, assorti d'une enveloppe financière. Bpifrance a également soutenu la R&D. Deux levées de fonds, d'1 million d'euros en 2018 et de 2,2 millions d'euros en 2019, et environ 1 million d'euros de dons (GSMA, Verizon, Vitol Foundation) ont fait le reste pour financer en partie les premiers pilotes. Enfin, après quelques projets pilotes, notamment au Niger (avec Veolia comme partenaire opérateur), « le Public Utilities Board de Singapour, l'agence gouvernementale qui y gère l'eau, est venue nous voir, en 2018, pour déployer nos compteurs intelligents », poursuit Grégoire Landel. La startup française a noué un partenariat avec une SSII singapourienne. « Le projet avec Singapour nous permet aussi d'avoir une référence régionale pour la suite », souligne-t-il. La suite, c'est évidemment un déploiement dans les pays de la zone, de même qu'en Afrique et ailleurs. Et si pour l'heure, CityTaps a déjà vendu 15 000 de ses compteurs connectés, son fondateur ambitionne d'en avoir placé près d'un demi-million en 2025 et 4 millions à horizon 2030 et lève actuellement 1 million d'euros dans ce but.
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