
Directrice du développement chez CAFPI, société de courtage de crédits depuis plus de 50 ans, Caroline Arnould garde constamment un œil sur l'évolution des taux d'intérêt et du marché immobilier en France. Malgré les difficultés actuelles auxquelles les acheteurs immobiliers font face, il semblerait que la situation ne soit pas en voie d'amélioration et qu'investir aujourd'hui soit plus intéressant que de remettre à plus tard son projet d'achat.
Les taux de prêt poursuivent leur hausse, le seuil des 4% se rapprochant à grands pas. Aux investisseurs actuellement en recherche, conseilleriez-vous de reporter un projet d'achat immobilier à plus tard ?
Caroline Arnould : L'inflation reste très élevée en France (4,5% sur un an en juin 2023 selon l'INSEE) et la hausse des taux d'intérêt suit cette tendance. Depuis plus d'un an, ils connaissent une hausse constante d'environ 0,20% par mois. Actuellement, les taux d'emprunt pour une durée de 25 ans s'élèvent à 3,8% contre 3,6% il y a un mois... et cette hausse va malheureusement se poursuivre !
Chaque centième en plus sur un taux d'emprunt entraîne des coûts supplémentaires importants qui réduisent la capacité d'emprunt et donc la surface achetable. A titre d'exemple, un primo-accédant avec des revenus mensuels autour de 3 000€ et des mensualités à 1 023€ peut aujourd'hui emprunter 200 000€. En 2024, avec un taux à 5%, il ne pourra plus emprunter que 175 000€, soit une diminution de 12% de son pouvoir d'achat immobilier. Etant données ces prévisions, il ne semble pas opportun de remettre son projet d'achat à l'année prochaine...voire à celles d'après.
Pour quand entrevoyez-vous une météo plus favorable au temps de l'investissement immobilier ?
CA : Il faut comprendre que la période durant laquelle les taux se trouvaient autour de 1% était anormale. Il va falloir se réhabituer à des taux autour de 4% très certainement dès la fin de l'été 2023, qui dépasseront probablement les 5% en 2024.
Acheter sa résidence principale reste un investissement pertinent dans une logique patrimoniale. Il vaut donc mieux acheter maintenant (avec des taux autour de 3,8%) avec un espace peut-être plus réduit que ce que vous espériez, plutôt que d'acheter l'année prochaine quand les taux seront autour de 5%.
La tendance de hausse des taux et de perte de pouvoir d'achat immobilier est-elle géographiquement homogène ?
CA : On peut esquisser une tendance globale de hausse des taux d'intérêt et de légère baisse des prix selon les régions, variable selon l'emplacement géographique du bien. Sur l'ensemble du territoire et en l'espace d'un an, le pouvoir d'achat immobilier a baissé de 25% en moyenne, bien que cette baisse soit différente par région (-15% à Toulouse mais -27% à Marseille). La FNAIM prévoit -5% sur les prix sur tout le territoire français en 2023. Cette tendance de baisse des prix de l'immobilier devrait se poursuivre, incitée par la remontée régulière des taux.
Des annonces concernant la crise du logement étaient attendues de la part du Gouvernement. Quels pourront en être les effets sur le marché immobilier ?
CA : Plusieurs décisions ont été rendues début juin par l'Etat afin de fluidifier et relancer le marché dans ce contexte de crise du secteur immobilier.
Le Conseil National de la Refondation (CNR) sur le logement a annoncé plusieurs mesures telles que la prolongation du prêt à taux zéro (PTZ) jusqu'en 2027 et la fin du Pinel au 31 décembre 2024. Le PTZ ne sera désormais accessible que dans le cas d'achat d'un appartement neuf en zone tendue ou sous condition de travaux de rénovation. Les maisons individuelles en seront désormais exclues, alors que 84% des Français aspirent à vivre en maison plutôt qu'un appartement (sondage FFC et IFOP).
Le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) a lui aussi rendu une décision pour relancer l'investissement immobilier. Il a augmenté la part de dérogation dont bénéficient les banques afin de financer des projets locatifs ou des résidences secondaires à taux d'endettement supérieur. Cette part passe de 20 à 30% des dossiers des institutions bancaires. 70% de cette part de dérogation reste réservée aux primo-accédants. Mais cet aménagement est loin d'être suffisant dans le contexte actuel de crise du logement.
Quel serait aujourd'hui le scénario idéal d'investissement immobilier ?
CA : Les villes moyennes et les villes étudiantes offrent toujours de bonnes rentabilités. Nous observons que Lyon est LA grande ville où le pouvoir d'achat des emprunteurs a été le moins impacté entre juin 2022 et juin 2023, avec une diminution de 300€ du prix au mètre carré. Les taux proposés par les banques de la région pour les meilleurs profils sont également attractifs : 3,39% sur 20 ans et 3,58% sur 25 ans, contre 3,70% dans la quasi-totalité des régions de France.
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