« L’accessibilité financière et la RSE sont les enjeux d’avenir du secteur immobilier », Béatrice Lièvre-Théry (Société Générale)

Placé au cœur de la relance, l’immobilier continue de se convertir au vert. L’efficacité énergétique est cependant loin d’être la seule transformation en cours dans ce secteur, qui s’engage toujours plus avant dans la RSE, témoigne Béatrice Lièvre-Théry, Directeur des Activités Immobilières à la Société Générale.
« Pour un promoteur immobilier, avoir une démarche RSE implique d'être responsable auprès de toutes les parties prenantes, publiques comme privées.», pour Béatrice Lièvre-Théry, Directeur des Activités Immobilières à la Société Générale.
« Pour un promoteur immobilier, avoir une démarche RSE implique d'être responsable auprès de toutes les parties prenantes, publiques comme privées.», pour Béatrice Lièvre-Théry, Directeur des Activités Immobilières à la Société Générale. (Crédits : T. Mamberti)

Les efforts du secteur immobilier en matière d'efficacité énergétique ont-ils porté leurs fruits ?

L'impact énergétique des bâtiments s'est amélioré depuis 2013, grâce à la réglementation thermique RT 2012. Il devrait encore progresser avec l'entrée en vigueur de la RE 2020. Ces progrès sont toutefois insuffisants car, jusqu'ici, l'efficacité énergétique d'un immeuble est essentiellement traitée lors de sa phase de conception. Deux évolutions majeures sont à venir. L'amélioration de l'impact carbone grâce au pilotage des usages tout au long de l'exploitation des bâtiments. Il permettra de prendre les mesures correctives qui s'avéreraient nécessaires en temps réel. Il faut donc accélérer la réflexion sur l'utilisation de la biomasse, de panneaux solaires, de systèmes de ventilation naturelle...

La seconde évolution concerne l'utilisation de matériaux à impact carbone moindre. La France est la spécialiste du béton, nous devons développer d'autres alternatives comme la filière sèche, l'emploi de matériaux biosourcés ou l'économie circulaire. Chez SOGEPROM (promoteur, filiale de Société Générale), nous allons jusqu'à élargir la notion de carbone neutre à toute la vie du bâtiment, de sa conception à sa destruction.

L'écologie ne constitue qu'un pan de la RSE. Quelles sont les autres actions possibles ?

Pour un promoteur immobilier, avoir une démarche RSE implique d'être responsable auprès de toutes les parties prenantes, publiques comme privées. Cela passe par une concertation globale et des études, notamment sur l'impact du bâtiment sur le quartier et la mobilité. Nous proposons ainsi, au travers de notre startup LaVilleE+, un serious game qui s'adresse à toutes les parties prenantes - collectivités territoriales, commerçants, entreprises, citoyens... - et permet de les impliquer dans les projets. Ces initiatives sont très bien perçues. Nous ne sommes plus dans une logique d'opposition entre les collectivités et les promoteurs, comme cela a pu l'être dans le passé.

La prise en compte du S de RSE se traduit également par une réflexion sur l'accessibilité financière des logements. Le retour d'une offre de logements intermédiaires, entre les logements sociaux et la location en direct à des particuliers, nous semble une priorité. Cette offre serait gérée par des foncières de logement, qui se renforcent après avoir quasiment disparu en France. Nous travaillons aussi sur de nouveaux modèles de propriété. Enfin, il y a de réels progrès à faire sur l'agencement des appartements et nous travaillons en ce sens avec des architectes d'intérieur.

Ces évolutions doivent-elles se fonder sur les attentes des futurs occupants ?

J'estime qu'il est plutôt de la responsabilité du promoteur de faire des propositions, d'aller au-devant des attentes. Un promoteur est un chef d'orchestre qui coordonne de multiples compétences : architecte, sociologue, paysagiste, juriste, spécialistes de la mobilité, professionnels de la construction... L'objectif est d'ancrer chaque projet dans le lieu où il se situe, de le penser en fonction de son histoire. C'est ainsi que nous avons conçu le village des Médias, pour les Jeux de Paris 2024. Nous avons remporté ce projet, à Dugny (93), car nous l'avons pensé en fonction du territoire et de l'usage qui en serait ensuite fait par les habitants. Je me méfie des grands concepts, comme l'urbanisme de dalle ou la ville sans voiture, qui sont excluants.

Le confinement a mis en lumière le concept de « ville du quart d'heure », croyez-vous que cela soit l'avenir ?

Ce concept repose sur un paradoxe. Oui, il est important de trouver ce dont on a besoin au quotidien dans un rayon d'un kilomètre. Mais pourquoi aimons-nous nos villes ? Pour la grande diversité de ce qu'elles offrent. Si l'on veut tout avoir à un quart d'heure à pied, mieux vaut s'installer dans une petite ville, ce n'est pas l'objectif des grandes métropoles. Ce sont des villes monde, qui se distinguent par la mixité de leur population et leur pouvoir d'attraction sur les talents. L'enjeu est plutôt de gérer cette densité, de créer des lieux de rencontre. Une fois que la Covid sera derrière nous, je pense que nous renouerons avec tout ce qui fait que nous aimons les villes, elles retrouveront leur attractivité.

Cette crise de la Covid va-t-elle modifier la conception et l'utilisation des bâtiments ?

Le changement ne sera pas fondamental. Le côté social du bureau devrait gagner en importance, avec plus de lieux de réunion et de vie, mais je ne crois pas plus au 100 % télétravail qu'au retour du bureau individuel. Face aux prix de l'immobilier, une occupation plus optimisée des espaces à l'échelle d'un quartier est souvent évoquée, par exemple des cours de sport le soir dans des salles de réunion vides. Dans la réalité, un tel partage est complexe ; il faut trouver les nouveaux outils digitaux permettant leur gestion. Je suis avec attention les applications de quartier qui se créent. En revanche, je crois à la création de nouveaux espaces de partage dans les copropriétés : une salle de jeux, un espace de travail, une laverie... Cet esprit explique la forte demande pour les services de conciergerie, nous avons d'ailleurs créé une conciergerie dans notre projet du village des médias.

Quel rôle pour l'immobilier dans la relance économique ?

Un rôle central, car le besoin de nouveaux logements et de rénovation est colossal. La France demeure le moins bon élève de l'Europe en matière de performance énergétique des bâtiments et cela fait partie des priorités du gouvernement. L'immobilier est le cœur de la vie quotidienne de chacun, le cœur aussi de l'économie d'un pays. Il est aujourd'hui tiré par les questions de RSE, qui suscitent une dynamique forte, qui va maintenant demander à être organisée et accompagnée, en ayant en tête une nécessaire frugalité.

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