Quels outils ou aides financières pour les entreprises à l’heure du déconfinement ? Le point de vue de Me Smadja

De nombreuses entreprises ont vu leur activité économique impactée ces derniers mois en raison de la crise sanitaire mondiale. Pour répondre à un besoin de financement ponctuel et rapide, certaines d’entre elles peuvent choisir d’avoir recours à un financement privé. Toutefois, outre le financement privé, un certain nombre de mesures de soutien public ont été mises à disposition de ces entreprises impactées par la crise, tel que le prêt garanti par l’État (dit « PGE ») ou le French Tech Bridge.
Me Smadja, avocat spécialisé et associé chez DJS Avocats.
Me Smadja, avocat spécialisé et associé chez DJS Avocats. (Crédits : DR)

L'émission de BSA-AIR, un outil incitatif pour les investisseurs

Les BSA-AIR ou « bons de souscription d'actions - accord d'investissement rapide » sont des valeurs mobilières donnant accès au capital social de manière différée. Seules les sociétés par actions (SA, SAS, SCA) peuvent en émettre au profit de toute personne physique ou morale, qu'elle soit interne (salarié, actionnaire, mandataire social) ou externe à la société émettrice.

Le mécanisme consiste pour un investisseur dit « Air » à mettre des fonds à la disposition d'une société dans laquelle il souhaite investir. En contrepartie de cet investissement, la société lui attribue un BSA-AIR à un prix égal au montant de son investissement. Ce bon donne le droit à l'investisseur - lequel ne revêt pas encore la qualité d'actionnaire - de souscrire des actions de la société dont le nombre est déterminé en fonction de la valorisation de la société qui sera retenue lors de la réalisation d'un événement ultérieur. Cet événement ultérieur est déterminé en amont selon les modalités prévues dans le contrat d'émission. En pratique, il s'agit d'un événement de liquidité ou d'un nouveau tour de financement.

La particularité du BSA-AIR - et l'avantage pour la société émettrice - est le fait de pouvoir différer la fixation de sa valorisation à la survenance dudit événement ultérieur. La société reçoit les fonds directement sur son compte sans créer immédiatement de nouvelles actions. Autrement dit, elle échappe aux lourdeurs procédurales attachées aux levées de fonds traditionnelles et évite la dilution immédiate des actionnaires en place.

L'autre particularité a trait au fait que l'investisseur n'entre pas immédiatement au capital de la société. Cependant, celui-ci voit son investissement précoce récompensé par l'application d'une décote (dont le taux varie de 5% à 30% en pratique) sur la valorisation retenue lors de la survenance dudit événement ultérieur. A cela peuvent s'ajouter des valorisations dites « cap » (pour « plafond ») et « floor » (pour « plancher ») visant à protéger respectivement les investisseurs Air et les actionnaires en place. Ces valeurs sont négociées entre les parties et permettent d'encadrer la valorisation de la société par la mise en place d'un « tunnel » de valorisation. Ce tunnel de valorisation a vocation à être utilisé dans le cas où la valorisation retenue lors de la réalisation de l'événement ultérieur franchirait le cap et/ou le floor.

Enfin, le cap et le floor permettent d'appréhender, dans une certaine mesure, le nombre d'actions pouvant être souscrites par l'investisseur et la dilution de capital consécutive.

L'avance en compte courant d'associé : un financement rapide, temporaire et peu contraignant

S'agissant du financement privé, une société en difficulté dispose de la possibilité de se tourner vers ses propres actionnaires qui acceptent de lui prêter temporairement des fonds.

En effet, depuis la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite « Loi PACTE », tout associé ou actionnaire peut consentir une avance en compte courant à la société quel que soit son pourcentage de détention du capital, le seul statut d'actionnaire suffisant. Les mandataires sociaux (administrateurs, membres du directoire et du conseil de surveillance, directeurs généraux, directeurs généraux délégués, présidents de SAS et gérants, associés ou non) se voient également reconnaître cette faculté (art. L. 312-2 du Code Monétaire et Financier).

Une convention d'avance en compte courant fixe librement les conditions d'utilisation du compte, les modalités de remboursement et de rémunération (dont le taux d'intérêt est à définir en période de crise). Si le remboursement peut en principe être sollicité à tout moment, il est toutefois possible de prévoit le blocage du compte courant par l'insertion d'une clause de blocage.

Pour profiter d'un financement rapide, temporaire et suivant une procédure moins contraignante que celle de la levée de fonds classique, l'avance en compte courant représente une alternative intéressante.

Le prêt d'actions au service des besoins de trésorerie

Un autre moyen permettant d'obtenir un financement rapide consiste à recourir au prêt de titres ou « prêt de consommation d'actions » (art. L. 211-22 à L. 211.26 du Code Monétaire et Financier). Le prêt d'actions est le contrat par lequel un actionnaire prêteur transfère temporairement la propriété d'une quantité donnée d'actions qu'il détient à un emprunteur qui s'engage à lui restituer autant de titres de même nature à l'échéance convenue, suivant des conditions prédéfinies et le versement d'une rémunération fondée sur la valeur desdites actions.

L'emprunt revêt la qualité d'actionnaire pendant la durée du contrat lui conférant ainsi les droits politiques (droit de participer aux assemblées générales, de voter, etc.) et financiers (droit sur les dividendes, les réserves, le boni de liquidation) reconnus à tout associé.

L'intérêt du prêt de titres pour la société qui rencontrerait des difficultés est qu'une fois devenu actionnaire, l'emprunteur pourrait consentir une avance en compte courant à la société afin de lui permettre de répondre à son besoin de trésorerie comme précédemment exposé.

Les mesures de soutien public : le prêt garanti par l'Etat

Dans le contexte particulier de la crise, Monsieur Bruno Le Maire, BpiFrance et la Fédération Bancaire Française (FBF) ont lancé un dispositif inédit permettant à l'État de garantir pour 300 milliards d'euros de prêts de trésorerie octroyés par les établissements de crédit, les sociétés de financement ou les intermédiaires en financement participatif agissant pour le compte des prêteurs (cf. Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020).

Ainsi, jusqu'au 31 décembre 2020, les entreprises immatriculées en France autres que les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent solliciter auprès de leur banque un prêt garanti par l'État (art. 3 arrêté du 23 mars 2020).

Pour soutenir leur trésorerie, les entreprises de moins de 5.000 salariés et de moins de 1,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires peuvent solliciter le bénéfice de la garantie de l'État à hauteur de 90%, sans autre garantie ou sûreté. Pour les prêts de faible montant, il est prévu que tout refus de consentement d'un prêt de moins de 50 000 euros, qui répond au cahier des charges, doit être notifié par écrit à l'entreprise à l'origine de la demande de prêt.

Les entreprises disposent ainsi de nombreux outils leur permettant de subvenir à leur besoin de trésorerie, tout en s'affranchissant des contraintes liées au recours à un financement auprès des établissements bancaires et financiers.

Le French Tech Bridge : un soutien en quasi equity adapté aux start-up

Les start-up, conseillées par les avocats startup du cabinet DJS Avocats, ayant moins de 8 ans d'existence, qui réalisaient des opérations de levées de fonds ou projetaient de le faire dans les mois à venir et qui se trouvent dans l'impossibilité de le faire en raison de la crise sanitaire, peuvent solliciter un financement au titre du plan d'action « French Tech Bridge ».

Géré par Bpifrance et co-financé par le PIA (Programme d'investissement d'Avenir) et les investisseurs privés (pour un total de près de 160 millions d'euros), le French Tech Bridge permet aux start-up éligibles de pouvoir financer des bridges - à savoir des prêts à court terme entre deux levées de fonds - sous forme d'obligations convertibles donnant accès au capital social lorsqu'elles sont converties.

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