Traqueur d'applis pirates

Entretien avec Clément Saad, cofondateur de Pradeo et lauréat du Prix La Tribune-BNP Paribas du Jeune entrepreneur 2016.
Focus sur Pradeo, start-up qui propose à ses clients une solution de détection des actions malveillantes sur les applications mobiles

Dès 2007 et l'apparition des smartphones, Clément Saad a l'intuition que les problèmes de sécurité viendront des applications plutôt que des terminaux. C'est pourquoi il cofonde Pradeo en 2010 avec son frère et un ami, une start-up qui propose une solution de détection des actions malveillantes des applis mobiles.

Clément Saad est né dans le sud, à Montpellier plus précisément. Et c'est dans cette cité très prisée des étudiants qu'il fait ses études de mathématiques puis d'informatique. Après son master, le Ministère de la Défense lui commande une thèse sur les algorithmes d'organisation pour des réseaux de capteurs. « Comme je suis quelqu'un d'impatient, je l'ai terminé en deux ans et demi à l'été 2008 » évoque le trentenaire. C'est l'année où les smartphones et les tablettes envahissent le marché de la téléphonie, et le jeune docteur en informatique comprend vite que les enjeux de sécurité vont toucher les applications mobiles plutôt que les terminaux eux-mêmes. En étudiant ces applis, il repère très vite « un trou dans la raquette » de la sécurité. « Début 2009, j'en parle à mon ami Vivien Raoul et à mon frère Stéphane, qui finissait son école de commerce, et les deux me rejoignent sur le projet » raconte Clément Saad. Enseignant à l'université de Montpellier, il en profite pour recruter les meilleurs de ses étudiants.

Au début, Clément Saad s'appuie sur son salaire de professeur, tandis que ses associés travaillent bénévolement. « Créer son entreprise est un vrai sacrifice, qui peut en décourager plus d'un. Sans le soutien de ma femme, cadre dans une société informatique, je ne sais pas si j'y serai arrivé » avoue le père de deux garçons de 5 et 9 ans. En octobre 2010, Pradeo est créée, et remporte rapidement plusieurs concours dédiés à l'innovation, récoltant ainsi plusieurs centaines de milliers d'euros. Les associés attendent 2012 pour faire leur première levée de fonds d'un million d'euros auprès de fonds d'investissement et de business angels. « Il faut lever de l'argent quand vous n'en avez pas besoin » estime Clément Saad. Quelques mois plus tard, le jeune dirigeant rembourse ces business angels et recrutent des managers, à condition qu'ils investissent dans Pradeo. « Quand on a mis son argent dans une société, on ne se bat pas de la même façon que si on reçoit quelques actions » affirme le cofondateur de la start-up.

Pas de droit au bug

Une fois la phase commerciale consolidée et les produits finalisés, la démarche industrielle débute mi 2013. À la fin de cette année, Pradeo a réalisé un chiffre d'affaires de 150 000 euros. En 2014, première année pleine de commercialisation, les ventes atteignent un million, et la société devient profitable. « Nous avons signé de gros clients comme la Poste, Sanofi, des ministères. Sur le papier, pourtant, notre échec était écrit, car le milieu de la cybersécurité est extrêmement exigeant. Si nous n'avions pas réussi à démontrer notre rigueur, nous n'aurions pas duré très longtemps. Dans ce secteur, il n'existe pas de droit au bug » analyse Clément Saad. En 2014, la start-up mandate la société américaine Gartner Group pour réaliser une étude sur ses concurrents. Le cabinet détecte deux sociétés américaines sur ce créneau de la sécurité mobile. Elle ajoute qu'aucune n'égale les performances de la solution de Pradeo qui analyse les applications mobiles et les décortiquent de manière exhaustive pour révéler leurs actions : voler les contacts, installer des virus, enregistrer les SMS, etc. « Le Magic Quadrant du Gartner est la bible pour les acteurs de l'informatique : en apparaissant en tant que « visionnaires »,  nous basculons dans une autre dimension pour devenir un acteur mondial référencé à côté d'IBM ou HP ». Très vite, des mastodontes de la tech comme Samsung, IBM et Microsoft concluent des partenariats avec la start-up montpelliéraine. « Ces géants technologiques intègrent notre solution dans leurs produits. De notre côté, nous bénéficions de leur puissance commerciale. C'est un accélérateur de croissance extraordinaire » apprécie le cofondateur de Pradeo.

Depuis ce décollage, la société connaît une croissance à deux chiffres, a ouvert une filiale à San Francisco et à Londres, et a construit un réseau de revendeurs en Asie.

Bien implanté dans le secteur du BtoB, Pradeo pourrait s'attaquer au marché des particuliers, mais uniquement via des partenariats avec des opérateurs téléphoniques. L'appli gratuite Checkmyapps sur Android permet déjà de détecter un premier niveau de malveillance : vert, c'est bon, orange, moyen et rouge dangereux.

La start-up envisage une deuxième levée de fonds pour s'implanter dans tous les pays européens et en Asie.

Les développeurs d'applis malveillantes sont prévenus : Pradeo est prêt à révéler leurs turpitudes.

SA BIO

18 octobre 1982 : naissance à Montpellier (Hérault)

2000 : bac scientifique

2003 : licence en mathématiques

2005 : master en informatique

juillet 2008 : soutenance de sa thèse en informatique réalisée pour le Ministère de la Défense

octobre 2010 : création de Pradeo

2012 : levée de fonds d'un million d'euros

2013 : commercialisation de la première version de la solution Pradeo Security

2014 : désigné entrepreneur de l'année par le cabinet Ernst & Young et lauréat des Trophées de l'International du numérique.

2014 : Le Gartner Group place Pradeo dans son Magic Quadrant

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Commentaire 1
à écrit le 04/10/2017 à 12:10
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Et ces nombreux "trous" dans la sécurité des applications mobiles sont la plupart du temps exploitées par des sociétés marchandes. J'ai installé un jeu à ma fille qui demandait d'accéder à tout son répertoire pour pouvoir y jouer, ce que j'ai fais vu...

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