"Avec le MédiaClub’Elles, nous voulons rééquilibrer la représentation des femmes dans les médias", Florence Sandis

Le 4 février s'est tenue la cérémonie des premiers Trophées du MédiaClub'Elles, l'occasion de revenir avec sa fondatrice Florence Sandis sur les actions du club qui depuis sa création en 2017 oeuvre à rééquilibrer la place des femmes dans les médias. Rencontre.
Valérie Abrial
Florence Sandis, fondatrice et présidente du MédiaClub'Elles le rappelle souvent : A l'écran, les femmes ne sont que 30 % des personnes expertes qui apparaissent dans les émissions ; à la radio, elles ne représentent que 20 à 30 % des personnes invitées dans les matinales... Il est grand temps d'agir!
Florence Sandis, fondatrice et présidente du MédiaClub'Elles le rappelle souvent : "A l'écran, les femmes ne sont que 30 % des personnes expertes qui apparaissent dans les émissions ; à la radio, elles ne représentent que 20 à 30 % des personnes invitées dans les matinales..." Il est grand temps d'agir! (Crédits : Anna Camerac)

Vous êtes présidente du MediaClub'Elles fondé en novembre 2017. Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce club et ses objectifs ?

L'idée de créer le MédiaClub'Elles m'est venue face à un premier constat : le profond déséquilibre de la représentation des femmes dans les médias et aux postes de direction dans les entreprises du secteur de l'audiovisuel. Pour preuve, les femmes représentent 60% des personnes diplômées Bac+5 mais ne sont que 18 % des personnes à des postes de direction. A l'écran, elles ne sont que 30 % des personnes expertes qui apparaissent dans les émissions ; à la radio, elles ne représentent que 20 à 30 % des personnes invitées dans les matinales... Au delà des chiffres, il y a une réelle souffrance chez un grand nombre de femmes de ce secteur mais elle a toujours été tue.

Dès que j'ai annoncé la création du MédiaClub'Elles, beaucoup de femmes m'ont encouragée, cela m'a touchée. J'ai senti qu'il y avait un besoin profond d'échanger sur les difficultés que les unes et les autres pouvaient rencontrer. En fait, il s'est créé un élan immédiat de solidarité très fort au sein de notre conseil d'administration, qui a rejailli sur l'extérieur : en 2 mois, plus de 700 membres nous avaient rejointes. Des femmes majoritairement mais aussi des hommes car l'inclusion pour nous n'est pas une option. Nous sommes convaincues que c'est ensemble que nous ferons bouger les lignes.

Nos objectifs sont doubles : permettre une plus grande représentation des femmes sur les écrans et faciliter les carrières des femmes dans les médias. Par le biais notamment de rencontres, table-rondes, masterclass, ateliers et sessions de mentoring. Nous avons par exemple organisé une opération de mentoring international avec Reed Midem, lors du dernier Mipcom à Cannes, en octobre dernier, réunissant 80 femmes et une dizaine de grandes dirigeantes de l'audiovisuel. Elles continuent encore à échanger à travers les frontières.

En un peu plus d'un an d'existence, avez-vous vu des évolutions concernant la place des femmes dans les médias ? Quels premiers bilans pourriez-vous tirez ?

Sur le plan de la sensibilisation, beaucoup de personnes - des hommes en particulier - venant à nos événements, nous ont avoué prendre ainsi mieux la mesure des obstacles que les femmes rencontraient. Grâce aux baromètres de la représentation des femmes et des hommes publiés ces dernières années par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA), et l'action d'autres collectifs ou associations, la prise de conscience est également croissante. C'est un premier pas indispensable pour que les personnes décisionnaires dans les médias prennent de véritables mesures pour insuffler le changement en fixant des objectifs précis pour atteindre l'équilibre. Des progrès sont déjà visibles à l'écran, quantitativement et qualitativement. Ils sont surtout très nets sur le service public. Dans une émission comme « C'est dans l'air » sur France 5, la proportion d'expertes est passée de 25% en 2013 à 35 % en 2018, et l'émission est dorénavant animée par une femme, Caroline Roux.

Vous connaissez bien le secteur de l'audiovisuel, vous êtes journaliste, réalisatrice, productrice... et aujourd'hui spécialiste du leadership féminin. Quel a été le déclencheur dans votre carrière qui a fait de vous une féministe active ?

Je ne crois pas qu'il y ait un seul facteur, c'est un cumul de circonstances. Une maman féministe. Un début de carrière sur des chapeaux de roue. Un harcèlement sexuel à l'embauche alors que je n'avais que 25 ans et m'apprêtais à rejoindre la Rédaction d'une grande chaîne de télévision : j'ai immédiatement refusé le poste dont je rêvais mais je ne me suis rendue compte que 20 ans plus tard que cela avait constitué un trauma. Enfin une réelle passion de journaliste et de coach pour cette époque totalement historique et formidable où les femmes vont enfin pouvoir accéder aux plus hautes fonctions, et connaître peut-être pour la première fois de l'Histoire une réelle égalité avec les hommes... C'est très excitant !

Vous êtes également l'auteure de « Brisez le plafond de verre, 12 clés pour réussir au féminin » ; vous pensez qu'il est nécessaire d'apporter des outils aux femmes qui voudraient viser plus haut ?

Oui, c'est un travail dans lequel je suis totalement engagée aujourd'hui. A travers ce livre, j'ai proposé une méthode d'empowerment en 12 clés pratiques. Et le succès m'a surprise ! Vous savez ce fameux syndrome de l'imposteur... (rires). J'ai été sollicitée par de nombreuses entreprises (Orange, Christian Dior, Thales, Free...) auprès desquelles j'interviens à présent comme conférencière ou sur des programmes plus longs de leadership au féminin. En levant moi-même le voile de l'imposture, j'ai ainsi pu partager quelque chose d'authentique et efficace. On le sait, en tant que femmes, nous avons intégré inconsciemment les injonctions de notre société, machiste depuis des millénaires. Résultat, nous sommes souvent les premières à nous autolimiter. Dès qu'on s'attaque à ces barrières inconscientes, qu'on libère notre énergie et qu'on s'appuie sur notre singularité, les résultats sont incroyables ! Avec des outils puissants comme la prise de parole en public ou mes « carnets de réussite », les femmes se donnent rapidement les moyens d'oser postuler à de plus hautes responsabilités, et vous savez quoi : elles réussissent !

Le 4 février dernier, vous avez organisé les premiers Trophées MédiaClub'Elles à l'Assemblée Nationale ? C'était important d'être dans un lieu de pouvoir ?

C'est un signe fort que nous ont envoyé le Président de l'Assemblée, Richard Ferrand, et Aurore Bergé, députée de la 10ème circonscription des Yvelines et porte-parole de LREM, en accueillant avec beaucoup d'enthousiasme nos Trophées. Une cérémonie où nous avons quelque peu cassé les codes du lieu avec beaucoup de rires et d'émotions, dans une immense bienveillance. Ce soutien est une reconnaissance précieuse de notre action, un encouragement à aller plus loin et un merveilleux écrin pour mettre en lumière nos lauréats. A travers ces 5 Trophées, nous avons récompensé leur talent mais nous avons aussi abordé des thèmes souvent tabous tels les violences faites aux femmes, l'endométriose, la prison, la jouissance féminine et la représentation de la masculinité, qui va de paire, à notre sens, avec une meilleure représentation de la féminité.

L'objet qui représentait ces Trophées, un très beau bijou de la maison Olé Lynggaard pour chacun de nos lauréats, était aussi symbolique car les femmes et les hommes que nous avons récompensés pourront le porter aussi souvent qu'ils le voudront et se rappeler ainsi leur talent, leur engagement et continuer à avoir confiance dans la suite de leurs actions.

Delphine Ernotte Cunci, présidente de France Télévisions était présidente d'honneur des Trophées, elle a rappelé lors de la soirée la nécessité d'augmenter le taux d'expertes sur nos écrans jusqu'à 40%. Les actions du MediaClub'Elles peuvent-elles participer à atteindre ce taux ?

L'action de Delphine Ernotte Cunci est tout à fait remarquable et courageuse. J'espère qu'elle sera source d'inspiration pour toute la profession. Nos actions vont dans le même sens. Nous incitons, d'une part, les femmes à gagner en visibilité et à prendre la parole. Et nous oeuvrons, d'autre part, auprès des diffuseurs pour qu'ils leur donnent leur juste place. Pour ma part, j'insiste aussi beaucoup sur la sororité. Si toutes les femmes s'entraidaient, il y aurait beaucoup moins d'injustice ! Quand je suis intervenue, par exemple, dans l'émission Les Informés de France Info, j'en ai profité pour recommander au présentateur une autre membre de notre réseau que je trouve parfaite dans ce genre d'exercice, Yasmina Jaafar. Depuis, il l'a invitée sur son plateau à plusieurs reprises. Si chacune, nous nous recommandons les unes les autres, nous ferons des miracles !

Quel bilan tirez-vous de ces premiers Trophées ? Quelles sont vos perspectives 2019 pour le MediaClub'Elles ?

Une immense joie d'avoir vu la galerie des fêtes de l'Hôtel de Lassay pleine à craquer de personnalités de l'audiovisuel - diffuseurs, producteurs, scénaristes, institutionnels, acteurs - toutes réunies autour de cette belle cause. La mobilisation était sincère et active !

En 2019 nous souhaitons aller encore plus loin avec de nouvelles MasterClass, une prochaine session de mentoring au Mip TV en avril et au Mipcom en octobre, des ateliers tout au long de l'année... Le Président de l'assemblée Nationale nous a déjà donné rendez-vous pour nos prochains Trophées en 2020 !

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TROPHEES MEDIACLUB'ELLES, ET LES LAUREATS SONT :

  • La révélation de l'année : Anne-Elisabeth Le Gal, Fabienne Lesieur et Nicolas Jean pour le scénario de la mini-série « Les impatientes » sur les femmes en prison (3 x 52 mn sur France 2).
  • Le coup de coeur : Laetitia Milot pour son engagement et son documentaire « Devenir maman : notre combat contre l'endométriose » (sur TF1)
  • Le Prix d'honneur : Muriel Robin pour son rôle dans la fiction «Jacqueline Sauvage : c'était lui ou moi» (sur TF1) et son engagement personnel contre les violences faites aux femmes.
  • Le prix de l'audace : Dora Moutot, journaliste, scénariste, réalisatrice, créatrice du compte Instagram «T'as joui».
  • Le prix de l'homme féministe : Maxime Ruszniewski, auteur et coordinateur de la campagne «Tu seras un homme mon fils»  (diffusée sur  les chaines des groupes TF1 et France Télévisions), cofondateur de la Fondation des Femmes.

Valérie Abrial

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Commentaire 1
à écrit le 08/02/2019 à 11:24
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"A l'écran, les femmes ne sont que 30 % des personnes expertes qui apparaissent dans les émissions " Normal, le mensonge étant quand même masculin comme mot et du coup bien plus naturel d'utilisation pour nous. On a que très peu mauvaise conscien...

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