Bataille de la 4G : roulement de tambours et de mécaniques d'Orange, SFR et Bouygues (en attendant Free ? )

Par Delphine Cuny  |   |  1225  mots
Stéphane Richard, le PDG d'Orange, assure avoir le plus grand réseau mobile 4G (à ce jour.) Copyright Reuters.
Orange revendique aujourd’hui le réseau mobile à très haut débit 4G le plus étendu en attendant que Bouygues Telecom reprenne l’avantage au 1er octobre. Premier opérateur à couvrir tout Paris, il assure avoir le meilleur débit et n’exclut pas une mutualisation avec Free, mais pas tout de suite.

« C'est la campagne de France, de Paris et d'Ile-de-France ! » s'est exclamé Stéphane Richard, le PDG d'Orange, ce lundi matin, en annonçant que le réseau 4G de l'opérateur couvrait les vingt arrondissements de la capitale. « Nous, nous avons vraiment allumé nos antennes, vous pouvez vérifier » a lancé Delphine Ernotte-Cunci, la directrice exécutive d'Orange France. Car il y a dix jours, SFR avait « officialisé la disponibilité de son réseau 4G à Paris », se targuant d'avoir au 27 août « la couverture 4G parisienne la plus importante » et promettant d'atteindre l'intégralité de la capitale à la fin de l'année. Avant de se faire griller sur le poteau par Orange donc. Grandiloquence, surenchère, effets d'annonce et de manches, bienvenue dans la course à l'échalote de la 4G, acte II. L'opérateur historique se vante d'avoir aujourd'hui « le réseau numéro un en couverture » avec 37 villes d'Ile-de-France limitrophes de Paris, dont Aubervilliers, Boulogne-Billancourt, Ivry, Issy-les-Moulineaux, Levallois-Perret, Pantin, Vincennes, etc : à fin septembre, il assure qu'il aura couvert 70 agglomérations françaises, soit 500 villes. « En nombre de sites 4G réellement actifs, nous avons une part de marché écrasante, au-delà de 50% avec 2.026 sites [sur 2.958 d'après l'Agence nationale des fréquences (ANFR) au 1er septembre] » s'est félicité Stéphane Richard.

Bouygues sur la 1ère marche du podium dans 3 semaines

Qui dit mieux ? Bouygues Telecom, du moins dans trois semaines. « On aura la meilleure 4G au 1er octobre » a prévenu Olivier Roussat, le PDG du troisième opérateur mobile, lorsqu'il sera enfin autorisé à « allumer » ses antennes 4G dans les fréquences 1800 Mhz, ce qui lui permettra d'avoir d'un coup un réseau « national » couvrant environ 40% de la population et de monter sur la première marche du podium. L'ANFR le crédite ainsi de 4.144 sites autorisés en 4G (seulement 439 antennes en service), presque deux fois plus qu'Orange et trois fois plus que SFR et Free Mobile. Orange ne le rattrapera que trois mois plus tard, en fin d'année : « nous serons nettement en avance sur notre objectif de 30% de la population couverte à la fin de l'année, nous serons au moins à 40% » a indiqué Stéphane Richard, et même « à plus de 40% » a-t-il surenchéri quelques minutes plus tard. De son côté, SFR, qui avait le premier ouvert commercialement son réseau 4G au grand public à l'automne, devrait être à 35% en fin d'année. En clair, tout le monde accélère et chacun peut se déclarer à un moment leader, dans la mesure où il décide de l'instant de la photo finish. 35, 40 ou 45% : l'écart sera-t-il suffisant pour faire la différence auprès des clients intéressés par la 4G ? Le PDG d'Orange minimise ce qu'il considère comme le « léger avantage » de Bouygues qui « va vite se résorber » a-t-il prédit : « je vous donne rendez-vous au milieu de l'année prochaine, vous verrez, il n'y aura plus cet avantage. »

Le plus grand réseau ou le meilleur débit ?

Evasif sur les investissements consentis spécifiquement sur la 4G, Stéphane Richard botte en touche en affirmant que « ce n'est pas tant une question de puissance financière que de moyens techniques, de qualité d'exécution. Nous n'avons jamais déployé un réseau aussi vite, nous avons battu tous les records, cela montre la puissance de feu de ce groupe » a observé le PDG. « Nous avons plusieurs centaines de techniciens mobilisés, nous irons plus vite que les autres » assure Jean-Luc Vuillemin, le directeur technique Réseaux et services d'Orange, qui confiait déjà en avril « mettre les bouchées triples. » L'opérateur historique fait donc le pari de la blitzkrieg, de la rapidité d'action sur le terrain, dans cette bataille de la 4G pour reprendre le titre de plus grand réseau. Et il dénigre par avance la qualité du réseau des concurrents en affirmant que « c'est Orange qui aura la meilleure 4G en France car nous avons la plus grande quantité de spectre et la meilleure combinaison de fréquences, la partie s'est jouée il y a deux ans » a déclaré Stéphane Richard. Orange, qui a même créé un site quialameilleure4G.com, affirme être le seul à proposer des débits maximum théoriques de 150 Mbits/seconde. « Chez Bouygues ce sera impossible, car ses sites ne sont pas raccordés en fibre optique mais utilisent des faisceaux hertziens » persifle un des cadres de l'opérateur historique.

Objectif : passer de 250.000 à 1 million clients à la 4G en 4 mois

Orange espère conquérir 1 million d'abonnés à la 4G d'ici à la fin de l'année, ses concurrents n'ont pas avancé de pronostics. Au Royaume-Uni, sa filiale EE, co-entreprise avec Deutsche Telekom, vient d'atteindre ce cap du million de clients dix mois après l'ouverture de son réseau 4G, alors que ses concurrents viennent seulement d'ouvrir le leur. Or aujourd'hui Orange affirme avoir 250.000 clients actifs de la 4G (sur 26 millions de clients mobiles…) : il faudra donc recruter à tour de bras ces quatre prochains mois. Orange comme Bouygues pratiquent des tarifs promotionnels, « de bienvenue », sur leurs abonnements 4G avant une hausse de prix de l'ordre de 10 euros prévue en janvier pour les nouveaux clients - si le marché a décollé - tandis que SFR ne distingue pas entre 3G et 4G. Les clients des marques « low-cost », sans engagement, comme Sosh chez Orange, Red chez SFR et B&You chez Bouygues, sont pour l'instant privés de 4G, mais Bouygues Telecom propose de la tester sans engagement, si tant est qu'on soit équipé d'un smartphone compatible (y compris l'iPhone 5, exclusivement chez lui, grâce à ses fréquences 1800 Mhz).

Free Mobile, de l'attrape-couillons à la mutualisation ?

Et Free Mobile dans tout ça ? Le quatrième opérateur, aux 6,8 millions de clients, est le seul à ne pas participer - c'est un euphémisme - à ce jeu de roulement de tambours, et de mécaniques, sur la 4G : il n'a toujours communiqué aucune date de lancement, bien que l'ANFR le crédite de 1.158 sites autorisés en 4G (mais seulement 14 antennes en service), légèrement derrière SFR (1.247). Le directeur général d'Iliad (maison-mère de Free), Maxime Lombardini, a déclaré la semaine dernière que l'opérateur ne serait « pas passif sur la 4G. » Stéphane Richard s'est amusé de voir « ceux qui décrivaient la 4G comme un attrape-couillons commencer à s'en inquiéter aujourd'hui », une pique aux dirigeants de Free, qui avaient tourné en ridicule les annonces des concurrents sur la 4G. Mais pas question de lui faire la courte échelle pour l'instant : « nous avons un vrai avantage exclusif sur la 4G, que nous voulons conserver pour nos clients. Nous n'avons pas envie de partager cet effort au démarrage » a affirmé Stéphane Richard. Le PDG d'Orange a cependant constaté que « si Bouygues Telecom et SFR vont au bout de leur accord [de mutualisation partielle des réseaux mobiles], il est clair que cela ne nous laisse plus tellement de possibilités », à part Free, pour signer un tel accord, auquel Free est également favorable… Rappelant que « l'accord d'itinérance [par lequel Orange loue son réseau à Free Mobile] préfigurait un peu ces questions-là », il a plaidé en faveur de « la mutualisation des réseaux [qui] s'inscrit dans une grande logique historique. Je ne ferme aucune porte. »