4G : les opérateurs auront du mal à augmenter leurs tarifs

Par Delphine Cuny  |   |  1125  mots
Stéphane Richard, le PDG d'Orange, comptait initialement relever les prix de la 4G au 1er janvier.
Bouygues Telecom et Orange multiplient les promotions à l’approche de Noël. La hausse prévue initialement en janvier semble compromise, d'autant que Xavier Niel promet déjà de diviser les prix par deux...

« Démocratiser la 4G » et « recréer de la valeur », deux objectifs incompatibles ? Les opérateurs mobiles hésitent sur la stratégie tarifaire à adopter pour convaincre les consommateurs de goûter au très haut débit mobile tout en s'assurant un retour sur investissement, après avoir dépensé environ un milliard d'euros chacun en fréquences - sauf Free Mobile qui en a acheté moins et n'a pas encore lancé son service commercial 4G ni annoncé de date. Xavier Niel vient d'annoncer qu'il compte diviser par deux les prix de la 4G, une promesse en l'air pour l'instant puisqu'il ne donne pas de date de rendez-vous ni de référentiel précis.

Bouygues Telecom, qui cherche à tirer parti au maximum de son avance, forcément temporaire, en matière de couverture de la population (63% contre une trentaine de pourcents chez Orange et SFR), multiplie les promotions et les coups marketing à l'approche de Noël, précisément pour démocratiser ce service (et gagner des parts de marché) : de la 4G sans engagement, un mois gratuit (et même deux sur son site Internet), un coffret « satisfait ou remboursé » incluant smartphone et forfait, résiliable sans frais dans les 30 jours, et même une carte prépayée de 35 euros pour 2 Go, la seule offre de ce genre sur le marché français.

Les promotions prolongées au-delà de Noël

Reste à voir si celle-ci trouvera son public puisque la clientèle habituelle du prépayé est plutôt peu argentée donc moins susceptible d'être équipée d'un smartphone dernier cri compatible avec cette technologie.

Bouygues Telecom a indiqué la semaine dernière avoir 500.000 clients actifs en 4G. Orange en aurait autant et SFR un peu plus de 600.000 selon les Echos. Soit un marché encore confidentiel d'environ 1,5 million sur plus de 69 millions d'abonnements mobiles en France.

Est-ce parce qu'il a du mal à recruter pour atteindre son objectif de 1 million d'abonnés à la 4G qu'Orange maintient plus longtemps que prévu ses prix d'appel ? En effet, l'opérateur, qui propose depuis cet été la 4G pour 1 euro de plus à ses abonnés, nouveaux ou actuels, à un forfait de 30 euros minimum par mois avec engagement, a décidé de prolonger son offre promotionnelle au-delà du 31 décembre, jusqu'au 5 février - peut-être parce que les jeunes notamment ont tendance à s'offrir leurs cadeaux de Noël après les fêtes (voir la fiche détaillée mise à jour au 21 novembre).

Ses prix « barrés » (par exemple 30,99 euros au lieu de 39,90 euros) affichent 5 à 10 euros de rabais, sur toute sa grille de forfaits 4G, des tarifs promotionnels valables toute la durée de l'engagement. Pour l'instant, SFR s'en tient à la date-butoir du 31 décembre pour sa remise de 4 euros par mois sur ses forfaits 4G. Rien ne l'empêche de les prolonger par la suite. Arrivera-t-il vraiment à remonter les prix ? Pas si sûr.

La promesse de Free, la menace virtuelle de Virgin

En effet, « Orange souligne que le premium [le surcoût] de la 4G reste à finaliser » rapportent les analystes d'Oddo : l'opérateur aurait confié lors de réunions avec les investisseurs ne tabler que sur une hausse médiane de 5 euros par mois du revenu moyen par abonné, contre 10 euros espérés il y a quelques mois, « en raison du manque de visibilité sur la discipline des concurrents comme Bouygues Telecom. »

Chacun s'accuse mutuellement de brader la 4G tout en jurant ne pas vouloir casser les prix. Olivier Roussat, le PDG de Bouygues Telecom, fait valoir qu'en tant que numéro trois du marché, avec 11 millions de clients mobiles soit moitié moins qu'Orange, il n'est pas en position de donner le « la » en matière de prix. Ce rôle incombera-t-il à Free Mobile ? C'est fort possible. La concurrence sur les prix viendra aussi des opérateurs virtuels : le MVNO Virgin Mobile, qui a signé un accord avec Bouygues pour accéder à son réseau 4G, a d'ores et déjà dévoilé un forfait compatible à partir de 19,99 euros par mois sans engagement (et sans téléphone), avec 5 Go mais seulement 4 heures d'appels, soit 10 à 30 euros de moins que les offres existantes.

Une arme pour aller chasser sur les terres de Free, dont une partie de la clientèle est constituée de gros consommateurs d'Internet mobile, technophiles bien équipés mais attachés au sans engagement. Mais cette 4G restera virtuelle jusqu'au printemps prochain, Bouygues s'étant réservé quelques mois d'exclusivité. Autre opérateur virtuel, Crédit Mutuel Mobile (CIC, NRJ) a déjà lancé ses offres 4G, avec Orange, mais elles sont plus ou moins en ligne avec la concurrence.

Une problématique généralisée en Europe

Cette problématique de la tarification de la 4G n'est en réalité pas uniquement franco-française, en dépit de la spécificité liée à la baisse des prix survenue depuis l'arrivée du 4e opérateur, Free Mobile, en janvier 2012. L'agence Fitch le dit sans détours dans son récent rapport sur le secteur des télécoms en Europe.

« Les opérateurs en place, désireux de conserver les clients haut de gamme ont réussi avec un certain succès à commercialiser des forfaits 4G environ 15% plus chers que les abonnements 3G. Cependant, nous pensons que les prix de la 4G vont baisser à mesure que de nouvelles offres et des fréquences seront disponibles en 2014. »

Les experts de l'agence de notation considèrent que « des marchés comme la France, l'Espagne, le Benelux et la Suisse, qui ont connu les lancements les plus agressifs de services convergents et quadruple-play » risquent de connaître une concurrence qui tirera les prix vers le bas, les empêchant de tirer profit de la croissance des données mobiles et de la 4G.

« Des marchés aux prix plus rationnels comme l'Allemagne ont une meilleure chance de stabiliser leurs chiffres d'affaires » selon Fitch. Même au Royaume-Uni, Orange n'a augmenté que faiblement (moins de 10%) son revenu moyen par abonné passant à la 4G (chez sa coentreprise avec Deutsche Telekom EE).

Inquiétante pour les opérateurs et les marchés financiers, cette perspective de baisse des prix de la 4G devrait au contraire satisfaire les associations de défense des consommateurs. Pourtant, l'UFC Que Choisir redoute un autre problème : une dégradation de la 3G, pour accélérer « une transhumance forcée des consommateurs » vers la 4G. Orange avait réagi en jugeant « absolument insensé de [lui] prêter la volonté de dégrader la qualité de son réseau quel qu'il soit », assurant qu'il mettait « tout en œuvre pour rester en tête sur la qualité de service de tous ses réseaux : 2G, 3G, 4G. »