Pourquoi Orange n’est pas forcément le perdant de l’accord entre Free et Bouygues

Par Delphine Cuny  |   |  683  mots
Stéphane Richard le PDG d'Orange
L’opérateur historique n’anticipe pas d’impact cette année ni l’année prochaine sur les revenus de l’itinérance qu’il perçoit de Free pour la location de son réseau, si la fusion SFR-Bouygues aboutit. Il espère aussi profiter de la désorganisation de ses concurrents.

L'opérateur historique serait le « dindon de la farce », aux yeux de certains, le plus affecté par une fusion SFR-Bouygues assortie d'une cession du réseau de Bouygues à Free, si Vivendi décide d'accepter l'offre du groupe de BTP, plutôt que celle de Numericable. Pourtant, l'action Orange gagne encore plus de 4% ce lundi, après avoir grimpé de plus de 15% la semaine dernière. Le PDG Stéphane Richard avait réagi dès jeudi dernier en jugeant que cette fusion ne serait « pas un drame pour Orange. » Mais c'était avant l'annonce de l'accord signé entre Free et Bouygues ce week-end. Interrogé ce lundi sur Europe 1, le patron a déclaré que « non » l'opérateur historique ne serait pas le dindon de la farce mais qu'il se positionnerait comme « le point stable dans un paysage incertain, on va continuer de déployer nos réseaux, on va bien s'occuper de nos clients. » Il indiquait jeudi dernier que l'opérateur « en profiterait au maximum » le temps que l'opération puisse se faire, soit « au moins un an ou 18 mois. » Free a confirmé lundi qu'il attendait au mieux une mise en œuvre effective fin 2014 ou début 2015.

Pas d'impact à court terme sur l'itinérance

L'autre point important concerne l'itinérance : Orange a conclu avec Free un accord par lequel il lui loue son réseau en 2G et en 3G là où le quatrième opérateur n'a pas encore déployé son propre réseau. En 2013, Free aurait versé 720 millions d'euros à Orange. Mais Xavier Niel lui-même a indiqué ce lundi matin lors de la présentation des résultats d'Iliad, la maison-mère de Free, qu'il n'y aurait « pas d'impact en 2014 » sur le contrat d'itinérance, un peu plus en 2015. Le contrat s'éteint officiellement début 2018 mais « il n'y a pas d'engagement de volumes » a précisé le directeur financier d'Iliad Thomas Reynaud, Free espérant que « la migration des abonnés vers le réseau de Bouygues commencera début 2015 et durera 18 mois pour s'achever fin juillet 2016. » Chez Orange non plus, on n'attend « pas d'impact sur les revenus de l'itinérance en 2014 ni même en 2015. » Les analystes d'Oddo Securities tablent sur 800 millions d'euros en 2014 et n'excluent pas un impact de l'ordre de 30% sur les 600 millions qu'ils prévoyaient pour 2015. Au-delà, la baisse était de toute façon attendue, initialement à 300 millions d'euros en 2016, à mesure que Free poursuit son déploiement propre.

Free, le loup dans la bergerie

Par ailleurs, en cas de rachat de SFR par Numericable, ce rapprochement aurait eu aussi un impact pour Orange, qui aurait perdu entre 200 et 200 millions d'euros par an de recettes issues du dégroupage. Stéphane Richard a ironisé sur ce contrat d'itinérance, présenté par ses concurrents Bouygues et SFR il y a deux ans comme une façon scandaleuse de faire « entrer le loup dans la bergerie » ou de faire la courte échelle à Free Mobile : « cela prouve que l'on n'a pas bradé l'itinérance » a-t-il relevé, alors que Free s'offre le réseau de Bouygues pour 1,8 milliard d'euros, soit un peu plus de deux ans de loyer payés à Orange ! Même s'il s'agit « quand même d'un réseau de seconde main » a fait valoir Stéphane Richard, estimant que 1 milliard concernerait les antennes et 800 millions les fréquences. « Il va falloir vider le réseau de Bouygues Telecom de ses clients en les transférant sur celui de SFR, alors qu'on leur a vendu le meilleure réseau national 4G, puis le remplir avec ceux de Free, et même peut-être changer toutes les cartes SIM » relève un cadre de chez Orange qui ajoute « il faudra aussi que Free muscle ses équipes d'ingénieurs de radiocommunications, ils n'ont qu'une centaine de personnes actuellement. » Free a en effet précisé ce lundi que 5.600 sur ses 6.800 salariés étaient affectés au service client. Malgré les engagements de Bouygues, il n'est pas impossible qu'il y ait tout de même de la main d'œuvre qualifiée disponible sur le marché dans les années qui viennent.