« Si Vivendi discute avec Bouygues, Numericable demandera des milliards en dommages »

Par Delphine Cuny  |   |  429  mots
Vivendi est tenu juridiquement par les trois semaines de négociations exclusives engagées vendredi dernier avec Altice.
Au lendemain de la surenchère de Bouygues sur SFR, le camp du câblo-opérateur se déclare serein et ne fait pas de commentaire. Les négociations exclusives entamées vendredi pour trois semaines lient légalement Vivendi qui ne peut les interrompre sans s’exposer à des poursuites. Mais après le 4 avril la poste se rouvrira pour Bouygues.

Au lendemain de la nouvelle offre de rachat déposée par Bouygues sur SFR auprès de Vivendi, le camp d'Altice, la maison-mère de Numericable, entrée en négociations exclusives depuis une semaine, reste serein et ne fait officiellement aucun commentaire. Bouygues a pourtant relevé de 1,8 milliard d'euros la partie en cash de son offre, creusant un écart de 1,4 milliard avec celle d'Altice. « Le conseil de Vivendi ne peut pas raisonnablement, vis-à-vis de ses actionnaires, ne pas examiner cette offre » affirme-t-on dans le camp de Bouygues, qui espère avoir court-circuité le processus. Le point de vue est évidemment tout autre dans l'entourage de Patrick Drahi, le premier actionnaire d'Altice, où l'ouverture de négociations exclusives le laisse dans une situation privilégiée. Sur le plan juridique, l'offre de Bouygues arrive en effet un peu tard. Dans un communiqué de deux phrases publié jeudi soir, Vivendi a confirmé avoir reçu une nouvelle offre de Bouygues mais tout en rappelant que « le Conseil de surveillance a décidé le 14 mars dernier d'entrer en négociations exclusives avec Altice pour une période de trois semaines. »

 Une source bien au fait du dossier tient à rappeler le droit :

« Le conseil de Vivendi ne peut pas regarder cette offre de Bouygues sans s'exposer au risque de procès, de recours pour rupture de l'exclusivité. On ne parle pas ici d'indemnité de rupture, de « break-up fee » à l'anglo-saxonne : c'est une clause pénale à la discrétion du juge, qui pourrait se chiffrer en milliards d'euros de préjudice. »

Coup de force ou incitation à la surenchère ?

Ce que confirme une source proche de Vivendi, qui a consulté ses avocats, et dont la marge de manœuvre est limitée à court terme : « la logique serait de poursuivre les négociations avec Altice jusqu'au 4 avril puis de réexaminer la situation, éventuellement d'entrer en discussions avec Bouygues. Dans l'intérêt social de l'entreprise, on est obligé de regarder l'offre de Bouygues : signer avec Patrick Drahi tout de suite serait un coup de force incroyable. Bouygues a réussi à bloquer le processus. » Vincent Bolloré, le premier actionnaire de Vivendi, avait d'ailleurs pris soin de préciser ce week-end que trois semaines de « priorité » avaient été accordées à l'actionnaire de Numericable. Un discours qui met la pression sur Altice pour l'inciter à surenchérir : « il n'est pas exclu que Numericable modifie son offre. S'il ne bouge pas, il prend un risque considérable » relève cette source proche de Vivendi. Le camp du câblo-opérateur n'écarterait à ce stade aucune hypothèse.