Un rachat de Bouygues Telecom ? Orange ne serait pas contre !

Par Delphine Cuny  |   |  989  mots
Reuters
L’opérateur historique discuterait avec Bouygues du rachat de sa filiale, selon les Echos. Une telle opération, soutenue par le syndicat CFE-CGC, poserait pourtant d’importants problèmes concurrentiels.

A défaut de mariage avec SFR ou avec Free, Bouygues Telecom serait racheté par Orange ? Ce scénario jusqu'ici impensable a d'abord été évoqué ce jeudi par les représentants syndicaux de la CFE-CGC, dans une lettre ouverte au Premier ministre. L'opération permettrait selon eux « d'éviter les licenciements » chez Bouygues Telecom qui projetterait de supprimer 1.500 à 2.000 emplois sur 9.000, et de « rajeunir la pyramide des âges » de l'opérateur historique (165.000 personnes dont 102.000 en France) dont les effectifs fondent de de près de 5.000 par an du fait des départs naturels. Or selon Les Echos, l'ex-monopole, détenu à 27% par l'Etat, serait bien en discussions avec Bouygues en vue du rachat de sa filiale télécoms. Le PDG d'Orange ne dément pas : 

« On évalue nos options, mais personne ne m'a demandé du côté de l'Etat d'étudier le rachat de Bouygues Telecom», a précisé Stéphane Richard aux Echos». 

En soirée, le groupe Orange a réagi dans un communiqué laissant la porte ouverte à une éventuelle opération.

« Orange estime qu'une consolidation du marché mobile français serait positive à long terme tant pour l'investissement que pour le consommateur. Orange explore les opportunités qu'offre la recomposition en cours du paysage français des télécoms, tout en rappelant que sa position de leader lui permet une totale indépendance. Orange agira dans le seul intérêt de ses actionnaires, de ses salariés et de ses clients et sera particulièrement attentif à la création de valeur et aux risques juridiques d'une éventuelle opération. »

 

« Nous ferons trois opérateurs » a dit Montebourg

Pourtant, il y a deux mois, le même Stéphane Richard déclarait que son groupe était « trop gros » pour participer au mouvement de concentration du secteur en France. Le rachat de SFR par Numericable, l'impasse stratégique de Bouygues et la volonté déterminée du ministre de l'Economie, du Redressement productif et du Numérique, Arnaud Montebourg de voir le marché de la téléphonie mobile revenir à trois opérateurs l'ont-il fait changer d'avis ? Mardi, le ministre a en effet déclaré sans ambigüité qu'il ne démordait pas de cet objectif. 

« Nous nous sommes battus pour qu'il y ait un retour à trois opérateurs [...] et nous y arriverons, nous ferons trois opérateurs capables d'investir qui cesseront de détruire de l'emploi, s'entretuer pas seulement dans les colonnes des journaux mais également dans des batailles spéculatives, pour enfin construire avec l'Etat une stratégie de révolution numérique » a déclaré Arnaud Montebourg à un colloque sur le très haut débit organisé par l'Avicca. 

Arnaud Montebourg avait aussi publiquement invité Martin Bouygues à marier sa filiale à un autre acteur, lundi, en marge d'un déplacement en Haute-Savoie.

« Il est parfaitement possible aujourd'hui à deux opérateurs de fusionner et monsieur Bouygues est parfaitement en mesure d'imaginer des solutions avec d'autres que SFR. Je l'y invite, il le sait, je le lui ai dit » a déclaré le ministre lundi.

Réflexion stratégique en cours chez Bouygues Telecom

L'initiative en reviendrait à Martin Bouygues selon Les Echos. Pourtant, le directeur financier de groupe de BTP a déclaré jeudi soir lors de la conférence téléphonique de présentation des résultats du premier trimestre que Bouygues Telecom avait les moyens de rester indépendant, sans écarter d'autres scénarios :

 

« Bouygues reste évidemment attentif à l'évolution du secteur des télécoms en France. Cette évolution conduit tous les opérateurs du marché à réfléchir à toutes les hypothèses et opportunités. Bouygues réaffirme que sa filiale Bouygues Telecom est en mesure de poursuivre sa stratégie » stand alone » a déclaré Philippe Marien le directeur financier de Bouygues jeudi soir. 

Bouygues Telecom vient d'annoncer en comité central d'entreprise ce jeudi le lancement d'une « réflexion stratégique » sur son modèle économique et son organisation qui devrait aboutir en juin, les conséquences sociales de son plan de transformation, qui prévoit « un nouvel objectif d'économies de 300 millions d'euros par an à partir de 2016. » L'opérateur doit « se réinventer un avenir seul, en tout cas pour le moment, en simplifiant l'organisation, les offres, car nos coûts sont trop lourds » décrypte une source interne bien informée.

Cession du réseau à Free ?

« Ce sont des fuites téléguidées du cabinet de Montebourg » avance un proche du dossier. « La rumeur circule depuis dix jours. J'étais très sceptique mais des banquiers m'ont affirmé que le sujet était étudié » confie un dirigeant d'opérateur. On voit pourtant mal comment un tel rachat du numéro trois par le grand leader, créant un nouvel ensemble pesant plus de la moitié du marché mobile et 45% du marché fixe, ne serait pas bloqué par l'Autorité de la concurrence, alors que le même gendarme avait signifié à Free qu'il ne pourrait pas racheter le numéro deux, SFR, en novembre 2012. Selon Les Echos, Bouygues envisagerait alors de céder son réseau et ses fréquences à Free, pour 1,8 milliard d'euros comme il s'y était engagé en cas de rachat de SFR. Voire davantage : une partie des clients, dans le fixe notamment, peut-être aussi. « Il y aurait des remèdes, des demandes de céder des pans entiers d'activité mais ce ne serait pas pour autant impossible » assure une source du dossier.

 « Je ne veux pas engager Orange dans une aventure », a d'ailleurs indiqué Stéphane Richard aux Echos.

Plusieurs scénarios seraient en fait à l'étude, allant du rachat à la mutualisation des réseaux mobiles, en passant par un accord de gros dans le fixe. Il reste aussi la question de la valorisation. Les analystes d'UBS valorisent Bouygues Telecom à 4,4 milliards d'euros, jugeant Iliad (Free) l'acheteur le plus crédible. Les estimations des experts financiers tournent autour de 4 et 6 milliards d'euros. L'hypothèse Orange devrait rebattre les cartes.