Pourquoi la FFT, lobby des télécoms, est au bord de la fermeture

Par Delphine Cuny  |   |  803  mots
« La disparition de la Fédération française des télécoms, si elle devait survenir, laisserait les pouvoirs publics sans interlocuteur représentant le secteur au moment où des questions cruciales se posent, qu'il s'agisse de la sécurité du territoire ou du déploiement du très haut débit » confie à La Tribune Pierre Louette, le président de la FFT et directeur général adjoint d’Orange.
La Fédération française des télécoms se prépare à s’auto-dissoudre, après la défection de Numericable-SFR. Porte-voix du secteur sur la fiscalité et l’investissement, la FFT est aussi l’interlocuteur des pouvoirs publics pour la copie privée et les écoutes anti-terroristes.

Fusions en série et pression sur les coûts devraient signer la fin du syndicat professionnel des opérateurs des télécoms. Comment la Fédération française des télécoms pourrait-elle ne représenter qu'un seul opérateur, Orange, aussi puissant soit-il ? C'est l'impasse, existentielle et budgétaire, devant laquelle se trouve la FFT, après la défection du numéro deux du secteur. Numericable, qui vient d'avaler SFR et Virgin Mobile, a fait savoir qu'il ne renouvellerait pas l'adhésion à cette association, créée en septembre 2007, afin de faire parler d'une seule voix les acteurs du secteur, en particulier sur les questions de fiscalité ou les polémiques sur la dangerosité des ondes. C'est aussi l'interlocuteur des pouvoirs publics pour la rémunération copie privée et les écoutes anti-terroristes.

Le câblo-opérateur avait fait partie des membres fondateurs mais avait quitté la FFT au moment de sa fusion avec l'Association française des opérateurs mobiles (AFOM) fin 2010. Free aussi, mais il avait démissionné de la FFT dès 2009, avant de rejoindre quelques mois l'AFOM puis de partir lui aussi au moment de la fusion.

« La disparition de la Fédération française des télécoms, si elle devait survenir, laisserait les pouvoirs publics sans interlocuteur représentant le secteur au moment où des questions cruciales se posent, qu'il s'agisse de la sécurité du territoire ou du déploiement du très haut débit » confie à La Tribune Pierre Louette, le président de la FFT et directeur général adjoint d'Orange.

Manque de représentativité sans Free

Numericable invoque le manque de représentativité de la FFT sans Free. Chez Free, le côté institutionnel ne sied pas trop à l'agitateur Xavier Niel et la FFT est perçue comme un "lobby anti-Free" ! En cas de retrait de Numericable-SFR, Bouygues Telecom s'interrogerait aussi, à l'heure où il est sous pression pour réduire ses coûts. La cotisation annuelle, plus ou moins assise sur le chiffre d'affaires, est de l'ordre de 400 à 600.000 euros, pour les principaux opérateurs (inférieure pour les opérateurs virtuels eux aussi de moins en moins nombreux). Le budget annuel de la FFT était d'environ 3 millions d'euros et l'association, qui emploie dix personnes, s'apprête à prononcer sa dissolution, en espérant un revirement de dernière minute, sous la pression amicale du gouvernement. Le cabinet d'Emmanuel Macron a été contacté dans l'espoir de le convaincre d'exercer d'amicales pressions sur Numericable pour le faire revenir sur sa décision. Mais la FTT devrait s'auto-dissoudre la semaine prochaine.

« Plus on attend, plus consomme du budget et plus il sera difficile d'indemniser correctement les salariés dans le plan social » confie une source proche.

Dénoncer l'optimisation fiscale des GAFA

La FFT et son président Pierre Louette avaient présenté en décembre l'étude annuelle de la fédération, réalisée par le cabinet Arthur D. Litlle, qui dresse un état des lieux de la croissance, de la rentabilité et des investissements du secteur. Porte-voix des télécoms sur les questions de fiscalité notamment, la fédération a obtenu un engagement, tenu jusqu'ici par le gouvernement, sur l'absence de nouvelle taxe spécifique au secteur, ce qu'elle considère comme une victoire. Elle a su aussi donner un coup de projecteur sur les problèmes d'« asymétrie fiscale » entre opérateurs télécoms et géants américains du Web, les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), champions de l'optimisation, représentant un manque à gagner fiscal de près d'un milliard d'euros par an pour le fisc français.

Par ailleurs, la FFT était le dernier représentant des industriels du numérique à siéger à la commission pour la rémunération de la copie privée - à laquelle sont assujettis les CD, smartphones, tablettes, disques durs, Box, etc, et qui est reversée aux auteurs, interprètes, producteurs - après le départ en bloc des autres organisations professionnelles (Fevad, Simavelec, etc) il y a près de deux ans, compliquant le fonctionnement de cette commission à trois collèges (ayants droit, industriels, association de consommateurs).

Alors que la concentration du secteur télécoms n'est peut-être pas terminée, comme le prédit le PDG d'Orange, Stéphane Richard, les acteurs ont-ils encore envie de se retrouver autour d'une table tous ensemble ? Certains font valoir que l'Arcep, le gendarme des télécoms, dont le nouveau président, Sébastien Soriano, vient d'être nommé cette semaine, sait réunir tous les acteurs, tout comme Bercy si besoin. Mais il est certain qu'une fédération organisée est forcément plus efficace.

« Je suis sûr qu'une autre association naîtra » analyse, philosophe, un dirigeant d'opérateur.