CNN tiraillée entre ses craintes et ses besoins vis-à-vis des télécoms

Par Pierre Manière  |   |  541  mots
Jonathan Klein, le président de CNN, a récemment appelé à ce qu'AT&T ne mette pas son nez dans l'éditorial.
Lors d'un forum sur le très haut débit mobile, Alex Wellen, un cadre de la chaîne américaine, a appelé à un resserrement des liens avec le monde des télécoms pour développer son offre digitale. Des propos qui ne manquent pas de sel alors que l'opérateur AT&T pourrait devenir son nouveau propriétaire, et que les journalistes s'interrogent sur les conséquences sur leur indépendance.

Dans l'écosystème digital, Alex Wellen n'est pas un inconnu. "Chief product officer" de CNN, c'est lui qui a porté CNN Go. Cette application, qui permet de visionner des reportages et des émissions à la demande, compte des millions de fidèles. Elle a permis a la chaîne de référence américaine de doper son audience sur la Toile. Ce jeudi, lors du forum sur le très haut mobile organisé à Tokyo par Huawei, Alex Wellen n'y est pas allé par quatre chemins. A ses yeux, CNN doit se réinventer à l'heure des smartphones et des tablettes. Pour lui, l'objectif est simple : la chaîne doit devenir un "leader mondial de l'information vidéo sur mobile".

Pour y arriver, il table sur "une importante collaboration avec les opérateurs mobiles". "Nos destins sont liés", a-t-il ajouté. Une sortie qui ne manque pas de sel, quand on sait que CNN est un des fleurons du géant des médias Time Warner, que le mastodonte américain du mobile AT&T souhaite racheter pour 85 milliards de dollars.

Quid de l'indépendance de CNN ?

Sur le papier, AT&T pourra techniquement épauler CNN pour en faire un leader sur smartphones et tablettes. L'opérateur américain pourrait aider la chaîne, comme le souhaite Alex Wellen, à augmenter la qualité des vidéos, leur réception, et globalement améliorer "l'expérience utilisateur". Mais ici, c'est un rachat et non un partenariat dont il est question. Or depuis qu'AT&T a fait son offre sur Time Warner, des inquiétudes planent sur un point crucial : l'indépendance de cette chaîne de référence.

Jonathan Klein, le président de CNN, a récemment appelé à ce qu'AT&T ne mette pas son nez dans l'éditorial. De son côté, Randall Stephenson, le patron du géant du mobile, a souhaité, dans un communiqué, donner des garanties à la rédaction : "CNN est un symbole américain du journalisme indépendant. [...]. Ma position et celle du conseil d'administration est claire : CNN restera totalement indépendante d'un point de vue éditorial."

Quand Verizon interdisait des contenus

De manière plus pragmatique, Randall Stephenson a jugé indirectement qu'il n'aurait pas intérêt à désacraliser l'indépendance de la chaîne, puisqu'une telle attitude pourrait faire fuir ses fidèles. Et par voie de conséquence, dégrader ses revenus. Il n'empêche, certains s'interrogent sur la réaction d'AT&T lorsque les journalistes de CNN s'intéresseront à ses affaires ou à son écosystème.

Le mois dernier, le New York Times a rappelé que Verizon, qui possède plusieurs médias dont le Huffington Post, s'est récemment illustré en interdisant certains contenus. En 2014, le grand rival d'AT&T a lancé un nouveau site dédié à la tech, baptisé Sugarstring. Toutefois, l'opérateur a interdit aux journalistes de parler de neutralité du Net et de l'espionnage américain, deux sujets qui le concernent directement. Aux Etats-Unis comme en France, la convergence entre les télécoms et les médias fait décidément de plus en plus jaser.

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