Déploiement de la fibre : le spectre d'un manque de main-d'oeuvre

Par Pierre Manière  |   |  552  mots
Selon Etienne Dugas, à la fin 2017, la filière comptait "12.000 équivalents temps plein". Or, "pour honorer nos engagements, nous devons monter à 28.000", a-t-il ajouté. (Crédits : DANIEL MUNOZ)
Selon Etienne Dugas, le président d'Infranum, un organisme qui regroupe des entreprises spécialisées dans l'Internet fixe à très haut débit, le manque de main-d'oeuvre pourrait entraver le déploiement de la fibre dans l'Hexagone. Pour permettre au secteur de se faire davantage connaître et de recruter plus efficacement, il milite pour la création d'un Comité stratégique de filière (CSF).

Un manque de main-d'oeuvre va-t-il plomber le déploiement de la fibre? C'est ce que redoutent de nombreux industriels engagés dans le développement de l'Internet fixe à très haut débit. Rassemblés à Laval ce jeudi, nombre de ces professionnels ont fait part, une nouvelle fois, de leur difficulté à recruter des troupes pour déployer la fibre dans les territoires. Si la situation en reste là, c'est tout le Plan France Très haut débit (PTHD), lequel vise à apporter une connexion ultra-rapide à tous les Français à l'horizon 2022, qui pourrait être menacé.

Président d'Infranum, qui rassemble des entreprises engagées dans le déploiement de la fibre - et en particulier dans les campagnes et les zones les moins peuplées -, Etienne Dugas a tiré la sonnette d'alarme. "On a un problème, a-t-il lancé. On a un mal de chien à trouver du monde pour venir travailler dans nos entreprises." Selon lui, à la fin 2017, la filière comptait "12.000 équivalents temps plein". Or, "pour honorer nos engagements, nous devons monter à 28.000", a-t-il ajouté. La tâche, il est vrai, n'a rien d'une promenade de santé. Etienne Dugas le rappelle: dans le cadre du PTHD, les industriels doivent "construire 20 millions de prises fibre en cinq ans, là où la filière n'en a produit que 10 millions ces dix dernières années".

"Un souci de communication"

Pour expliquer les difficultés à recruter, le président d'Infranum estime que la filière a "un souci de communication". "Il doit quand même y avoir moyen d'attirer des talents!", a-t-il tempêté. D'autant, juge-t-il, que le secteur ne manque pas d'atouts. "Nous travaillons sur un des plus grands chantiers de France", a-t-il rappelé. Avant de souligner que l'industrie du très haut débit dispose déjà de centres de formation opérationnels, et offre, dit-il, des perspectives professionnelles sur long terme.

Pour aider les entreprises à embaucher sans traîner la main d'oeuvre dont elles ont besoin, Etienne Dugas a appelé le gouvernement à créer un Comité stratégique de filière (CSF) dédié aux acteurs des infrastructures numériques. Cela permettrait au secteur, selon Etienne Dugas, de gagner en aura et en reconnaissance, à l'instar d'autres filières stratégiques "comme l'automobile, l'aéronautique ou l'agriculture".

"Un vrai enjeu de consolidation de la filière"

Présent à Laval, Julien Denormandie, le secrétaire d'État auprès du ministre de la Cohésion des territoires, s'est montré favorable à la création d'un CSF. "Effectivement, je pense qu'il y a un vrai enjeu de consolidation de la filière, a-t-il affirmé. Le faire dans le cadre d'un CSF, je trouve ça très bien." En parallèle de cette possibilité, il a plaidé pour la mise en place d'actions et de dispositifs plus ciblés, en lien avec la politique d'emploi que prépare le gouvernement. Son idée: créer ou renforcer les liens entre les industriels des télécoms qui veulent recruter, et certains territoires où le travail est une denrée rare. Pour illustrer ses propos, il a évoqué le dispositif des "emplois francs". Encore expérimental, ce programme a été lancé par le gouvernement au printemps dernier. Il vise à promouvoir l'embauche de demandeurs d'emploi qui résident dans des quartiers prioritaires, en offrant une aide financière à l'employeur.