French Tech : Macron annonce 5 milliards d'euros pour les startups en hyper-croissance

Par Sylvain Rolland  |   |  861  mots
Emmanuel Macron s'attaque au "trou" du financement des derniers tours de table des startups, ceux qui leur permettent de devenir des licornes. (Crédits : Reuters)
Le président de la République a annoncé, mardi soir à l'Elysée, 5 milliards d'euros de financements nouveaux, sur trois ans, pour aider les startups de la French Tech à lever en France des tickets supérieurs à 50 millions d'euros. Ces fonds ne viendront pas de l'Etat mais d'investisseurs institutionnels. Explications.

"Il faut que dans deux ans, la French Tech ait 25 licornes". Emmanuel Macron veut faire passer la French Tech à la vitesse supérieure. Dans un discours à l'Elysée mardi soir -veille du lancement de l'édition 2019 du grand raout de la tech, le France Digitale Day- le président de la République a annoncé un dispositif inédit pour aider les startups françaises en hyper-croissance à devenir des leaders mondiaux de leur secteur. Dans le sillage des recommandations du récent rapport Tibi, le chef de l'Etat a dévoilé une stratégie qui s'appuie sur deux piliers : le financement, avec la mobilisation des investisseurs institutionnels pour investir dans les fonds spécialisés dans la technologie ; et un accompagnement sur-mesure des scale-up dans la jungle réglementaire et administrative, pour faciliter leur passage à l'échelle.

2 milliards d'euros dans des fonds de capital-risque spécialisés dans le late-stage

Depuis plusieurs mois, l'exécutif sollicite les principaux investisseurs institutionnels français, notamment les assureurs mais aussi les bancassureurs, mutualistes ou encore fonds de retraite, pour les encourager à investir davantage dans la tech. Le président de la République a ainsi obtenu un engagement de 5 milliards d'euros sur trois ans de leur part, sous deux formes. Tout d'abord, ils investiront 2 milliards d'euros dans les fonds de capital-risque spécialisés dans le late-stage (les levées de plus de 50 millions d'euros), afin de leur permettre d'atteindre la taille critique d'au moins un milliard d'euros de fonds gérés. Cette mesure se situe dans la lignée du rapport de l'économiste Philippe Tibi, qui indiquait que les fonds de late-stage devaient être dotés d'au moins 800 millions d'euros pour pourvoir contribuer aux tours de table de plus de 50 ou 100 millions d'euros.

"Ces 2 milliards d'euros seront investis soit directement par les investisseurs institutionnels dans les fonds cibles, soit par l'intermédiaire d'un fonds de fonds géré par Bpifrance", indique l'Elysée.

Concrètement, cet argent permettra de gonfler le nombre de fonds capables de financer des gros tours de table. En plus de Large Ventures (Bpifrance), ils se comptent en France sur les doigts de la main : Partech Growth, Idinvest, Alven, Eurazeo Growth, Ardian ou encore Iris. D'après le rapport Tibi, les plus grands d'entre eux gèrent entre 200 et 400 millions d'euros, ce qui leur permet rarement de financer des tickets supérieurs à 30 millions d'euros. Par conséquent, la France est en retard sur le "growth" vis-à-vis de ses voisins anglais et allemands, même si la marge se réduit. Au premier semestre 2019, la France a compté 13 levées de plus de 50 millions d'euros, contre 8 en 2018 et 7 en 2017. Mais des fonds étrangers sont souvent à la manœuvre.

"Les startups créées depuis 2013 arrivent désormais au stade de la troisième ou quatrième levée de fonds (Série C ou D), mais le privé en France est peu capable de mettre 50 ou 100 millions d'euros. Il faut donc que l'écosystème puisse répondre à leurs besoins de financement pour que ces pépites deviennent des leaders mondiaux, des licornes ou entrent en Bourse", se réjouit Paul-François Fournier, le directeur exécutif de l'innovation chez Bpifrance.

Du côté institutionnel, les principaux assureurs et bancassureurs participent au dispositif, d'après l'Elysée. Crédit Mutuel Alliance Fédérale a déjà annoncé, dans un communiqué de presse, qu'il mobilisera une enveloppe de 200 millions d'euros dédiée au financement de la French Tech. Dans le détail, 125 millions d'euros seront investis par sa filiale de capital-investissement, et 75 millions d'euros seront également investis par les Assurances du Crédit Mutuel (ACM).

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3 milliards d'euros pour l'investissement coté dans la tech

Enfin, 3 milliards d'euros seront investis dans des fonds gérés par des gestionnaires d'actifs, basés en France, et spécialisés dans l'investissement coté dans le secteur technologique. L'objectif : soutenir l'introduction en bourse des futurs champions français de la tech. "Ces montants seront investis à travers des mandats institutionnels attribués directement à des gestionnaires d'actifs, et des fonds de place", d'après l'Elysée. Philippe Tibi sera missionné afin de coordonner la mise en oeuvre de ces engagements, notamment par le lancement d'appels d'offres.

Favoriser l'émergence d'un futur Nasdaq européen, c'est-à-dire un marché boursier spécialisé dans les valeurs technologiques, est aussi une recommandation du rapport Tibi. Emmanuel Macron s'est d'ailleurs transformé en VRP de la France lors du "Scale-up Tour", qui s'est tenu ce mardi et se poursuit ce mercredi, en marge du France Digitale Day. Avec l'appui du Trésor, de la Mission French Tech, de Bpifrance et de Business France, le chef de l'Etat a reçu une vingtaine de fonds de capital-risque mondiaux (dont Accel Partners, General Catalyst...) et une vingtaine d'investisseurs institutionnels. "Le but est que les premiers investissent davantage dans les startups française en late-stage, et que les seconds investissent dans les fonds de capital-risque français"; indique l'Elysée.

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