Bientôt un bracelet pour surveiller les employés d'Amazon ?

Par Anaïs Cherif  |   |  693  mots
Le bracelet est configuré pour vibrer afin d'orienter les gestes du salarié lors d'une préparation de commande, par exemple. (Crédits : Reuters)
Un brevet du géant de l'e-commerce établit un bracelet électronique permettant de déterminer les mouvements des mains de ses employés. Un système permettant d'augmenter la productivité, avance Amazon. Mais des soupçons de surveillance pèsent sur l'entreprise de Jeff Bezos, régulièrement critiquée pour ses conditions de travail.

Toujours plus de productivité. C'est l'argument avancé par Amazon pour justifier la création d'un bracelet électronique un peu spécial... Ce dernier permettrait de scruter les moindres gestes de ses employés, en déterminant les mouvements des mains dans ses entrepôts de stockage. Le gadget permet de "surveiller la réalisation des tâches assignées" à un salarié, comme l'inventaire ou les préparations de commandes, explique le brevet du titan de l'e-commerce. Déposé en 2016, il a été validé la semaine dernière par le bureau américain des brevets.

Dans les détails, le bracelet est configuré pour "émettre périodiquement des vibrations" afin d'orienter les gestes du salarié. Ainsi, il peut vibrer si l'employé replace au mauvais endroit un colis ou s'il ne prend pas le bon objet lors de la préparation d'une commande. D'après les schémas fournis avec le brevet, un salarié pourrait même porter un bracelet à chaque poignet. Un moyen d'éviter les erreurs et les oublis, et donc, d'améliorer la productivité, selon Amazon.

"Les méthodes existantes pour garder la trace des articles stockés peuvent exiger que le responsable du système d'inventaire effectue des tâches fastidieuses au-delà du placement de l'article dans une corbeille d'inventaire et de sa récupération en stock - par exemple, appuyer sur un bouton associé ou scanner un code-barres, détaille le brevet.

Légende : Le bracelet est configuré pour vibrer lorsque le salarié fait une erreur. Crédit : Amazon / Upsto.

Une spéculation "erronée" selon Amazon

Pour l'instant, ce projet est uniquement au stade de brevet - rien n'indique si Amazon compte effectivement produire ce bracelet. Mais il renforce l'image d'une société peu soucieuse des conditions de travail. La médiatisation de ce nouveau bracelet a provoqué un tollé, notamment en Italie. "La spéculation sur ce brevet est erronée", s'est défendu Amazon dans un communiqué auprès de The Verge.

"Chaque jour, dans le monde entier, des employés utilisent des scanners portables pour vérifier les stocks et remplir les commandes. Cette idée, si elle est mise en œuvre dans le futur, améliorerait le processus pour nos associés. En déplaçant l'équipement aux poignets des associés, nous pourrions libérer leurs mains des scanners et leurs yeux des écrans d'ordinateur."

Et de poursuivre : "Comme la plupart des entreprises, nous avons des attentes de performance pour chaque employé et nous mesurons les performances réelles par rapport à ces attentes. Elles ne sont pas conçues pour suivre les employés ou limiter leurs capacités à prendre des pauses."

Culture d'entreprise anxiogène

En effet, le titan du commerce en ligne est régulièrement critiqué pour la pression et les objectifs infligés à ses employés.

"Je dois ranger chaque article en 15 secondes ou moins, et passer en revue 250 objets par heure, sinon un gestionnaire me donnera un avertissement, racontait un salarié de 24 ans au Guardian la semaine dernière. S'éloigner de mon poste pour boire un verre d'eau peut avoir un grand impact sur ma performance."

Pour dénoncer cet environnement de travail, un mouvement de grève a été lancé en Italie et en Allemagne cette année pendant le Black Friday, journée de super-promotion en novembre. "Amazon joue avec la santé de ses employés. La pression pour faire plus en un minimum de temps, les évaluations de performance et la surveillance sont permanentes" alors que les temps de récupération sont "insuffisants", dénonçait Verdi, le principal syndicat allemand des services.

Ce n'est pas tout. Amazon est aussi pointé du doigt pour sa culture d'entreprise anxiogène. L'entreprise de Jeff Bezos a provoqué un "bad buzz" en novembre dernier, accusé d'encourager la délation. L'enseigne avait mis en place un "concours" entre tous les salariés de son entrepôt de Lille. Ces derniers étaient encouragés à signaler les manquements aux règles de sécurité de leurs collègues en remplissant un bulletin "Faux pas". En échange, ils pouvaient obtenir un bon point avec une récompense à la clé.