Comment le gouvernement compte lutter contre le harcèlement et la haine en ligne

Par François Manens  |   |  672  mots
Mounir Mahjoubi a publié jeudi 14 février le plan d'action du gouvernement contre les contenus haineux en ligne. (Crédits : Reuters)
Mounir Mahjoubi a détaillé un plan d'action en dix points pour lutter contre les contenus haineux en ligne, inspiré en partie du rapport Avia remis en septembre dernier. Certaines pistes devraient figurer dans le projet de loi qui sera présenté au printemps.

"2018 était l'année de la mobilisation, 2019 sera celle de l'action", scande Mounir Majhoubi. Le secrétaire d'Etat au Numérique a présenté, jeudi 14 février, le plan d'action du gouvernement contre les contenus haineux en ligne. Décliné sur 10 points, le texte confirme une volonté ferme de s'immiscer dans les politiques de modération des plateformes, et prendra la forme de plusieurs initiatives, dont un projet de loi présenté au printemps.

Facebook, Twitter, YouTube et jeuxvideo.com en première ligne

Accompagné par Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes et à la lutte contre les discriminations, Mounir Mahjoubi a également insisté sur la nécessité d'encadrer le harcèlement, de sa prévention à la gestion de ses conséquences. Une manière d'apporter une réponse politique à la révélation du scandale de la "Ligue du Lol", qui implique des journalistes ayant harcelé leurs consoeurs, ainsi que certains de leurs confrères, notamment sur Twitter au début des années 2010.

Élaboré dans le cadre des Etats Généraux des nouvelles régulations numérique, le plan d'action concernera toutes les plateformes sociales, notamment Facebook, Twitter et Youtube, ainsi que d'autres sites populaires comme jeuxvideo.com. Il vient conclure un travail de réflexion de plusieurs mois, entre gouvernement, associations et acteurs de la société civile. La député Laeticia Avia avait déjà remis en septembre 2018 un rapport de lutte contre le racisme et l'antisémitisme sur Internet, et le Premier Ministre avait annoncé le 13 février qu'un texte de loi serait prêt pour l'été.

Modérer rapidement, puis offrir une possibilité d'appel

Le gouvernement a surtout dévoilé une méthode plutôt que des actions concrètes. Il souhaite que la société civile, associations comme pouvoirs publics, contribue à fixer des règles de modération plus claires et transparentes. Parmi les pistes évoquées, un régulateur pourrait effectuer un audit annuel, et le rapport ainsi produit permettrait à la fois de s'assurer que la modération est correctement effectuée, et que les règles répondent aux risques. Le secrétaire d'Etat ne donne pas de piste sur la nomination de ce régulateur, mais la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL), qui contrôle le respect de la vie privée en ligne, paraît un candidat logique.

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Le plan d'action reprend aussi des mesures déjà suggéré par le rapport Avia, avec pour objectifs que le harcèlement ou la discrimination ne puisse pas devenir viral. Pour cela, les contenus haineux signalés serait immédiatement mis en quarantaine, puis les plateformes auraient 24 heures pour les traiter. Si le contenu est supprimé, son auteur aurait la possibilité d'enclencher une procédure d'appel, comme en justice.

Le plan d'action imagine même une action préventive, orchestrée par "les instruments d'intelligence artificielle" des plateformes. A l'image de Facebook, qui affirme éliminer ainsi les contenus terroristes en amont.

Une loi prévue au printemps

"Des mesures seront prises dès le premier trimestre 2019", promet Mounir Mahjoubi. Le plan d'action du gouvernement oscille entre des mesures préventives (accompagnement des victimes, éducation et sensibilisation à l'usage des plateformes), et de contrôle (mise en place d'un régulateur, transparence des processus de modération). Le secrétaire d'Etat n'exclut donc pas de proposer ces mesures via différents véhicules législatifs, notamment une loi, dont le contenu exact sera dévoilé au printemps, mais qui obligera les plateformes à agir rapidement pour retirer du contenu illicite.

Le gouvernement réfléchit aussi à des sanctions en cas de non-retrait des contenus haineux. Mounir Mahjoubi a déjà rencontré le ministre de la justice allemand Gerd Billen, qui promeut une loi sur la même thématique outre-Rhin. Les deux hommes espèrent fédérer l'Europe dans leur bataille contre les contenus haineux, afin d'opposer une force suffisante aux plateformes.