Illectronisme : l'État prévoit jusqu'à 100 millions d'euros pour former 13 millions de Français

Par Sylvain Rolland  |   |  604  mots
Le secrétaire d'État au Numérique, Mounir Mahjoubi.
Le secrétaire d'État au Numérique, Mounir Mahjoubi, a annoncé la mobilisation de 75 à 100 millions d'euros pour lutter contre l'illectronisme, qui concerne près d'un Français sur cinq.

On connaissait l'illettrisme, qui touche les personnes qui ne maîtrisent pas la lecture, l'écriture ou le calcul. Au XXIe siècle, il faut aussi compter avec sa déclinaison numérique, l'illectronisme, c'est-à-dire le dénuement face à l'informatique et aux outils électroniques en général. Le mot désigne à la fois le manque de connaissances sur comment utiliser un ordinateur, une tablette ou un smartphone (envoyer un courriel, ouvrir une pièce-jointe, télécharger une application, naviguer entre les pages d'un site web...), mais aussi les difficultés pour maîtriser le contenu, par exemple vérifier une information ou repérer une arnaque.

Ce "mal du siècle" touche 13 millions de Français, d'après le Baromètre 2017 du Numérique, réalisé par le Credoc pour l'État et l'Arcep (le régulateur des télécoms). L'illectronisme renforce la fracture numérique, dont la réduction fait partie des priorités du mandat d'Emmanuel Macron. Il touche principalement les populations les plus fragiles et isolées, c'est-à-dire les seniors, les Français les plus pauvres, les personnes éloignées de l'emploi, mais aussi les moins de 35 ans les plus socialement défavorisés.

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Un plan pour former 1,5 million de Français par an

Pour ne plus laisser sur le carreau du numérique près d'un Français sur cinq, le secrétaire d'État au Numérique, Mounir Mahjoubi, a annoncé dans les colonnes de Ouest France un plan "sur plusieurs années" doté de "75 à 100 millions d'euros". L'objectif : former 1,5 million de personnes par an aux outils numériques, pour toucher au final les 13 millions de Français concernés par l'illectronisme.

Le programme prendra la forme d'un crédit de 10 et 20 heures de formation, en fonction des profils, d'une valeur de 50 à 100 euros. Pôle Emploi, la Caisse d'allocations familiales (CAF), l'Assurance maladie, les villes, les agglomérations et les départements pourront distribuer ce crédit formation.

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L'État 100% numérique de Macron en 2022, une utopie ?

Problème : Emmanuel Macron s'est engagé à numériser 100% des démarches administratives d'ici à la fin de son mandat. Or, au rythme d'1,5 million de Français par an, ce plan ne permettra de toucher que 6 millions de personnes d'ici à la fin de l'année 2022 - s'il débute début 2019. Soit moins de la moitié des personnes souffrant l'illectronisme. D'autant plus que la formation au numérique n'est pas le seul enjeu de la réussite de cet objectif. Si le plan très haut débit prévoit en théorie d'apporter une excellente connexion Internet à tous les Français d'ici à 2022, il n'est toujours pas garanti que tous les Français aient accès, dans les zones les plus reculées, à un débit suffisant.

Mounir Mahjoubi n'a pas encore précisé comment ce plan contre l'illectronisme s'articulera avec un autre plan, annoncé au printemps par Édouard Philippe, qui vise à former deux millions de jeunes et de chômeurs aux métiers du numérique, afin de permettre aux personnes éloignées de l'emploi de postuler à des métiers, même peu qualifiés, qui demandent un minimum de compétences informatiques. Le secrétariat d'État au Numérique n'a pas non plus communiqué sur son articulation éventuelle avec les propositions du rapport sur les banlieues, remis par Jean-Louis Borloo en avril dernier, qui prévoit de créer 200 "campus numériques" destinés aux jeunes défavorisés.