L'effet pervers de la taxe Gafa : Amazon va faire payer ses vendeurs français

Par Anaïs Cherif  |   |  644  mots
En France, plus de 10.000 PME et TPE utilisent Amazon pour vendre leurs produits, afin de toucher une nouvelle clientèle à l'heure de la révolution numérique et augmenter leur chiffre d'affaires. (Crédits : Pascal Rossignol)
Le groupe américain fera payer le coût de la taxe "Gafa" aux vendeurs français utilisant sa plateforme à compter du 1er octobre 2019. Amazon a justifié ne "pas être en mesure d'absorber une taxe supplémentaire", quand de nombreux commerçants craignent devoir répercuter cette hausse des prix sur le consommateur final.

Il n'aura pas fallu longtemps à Amazon pour contourner la fameuse taxe "Gafa" (Google, Apple, Facebook, Amazon). Définitivement adoptée le 11 juillet en France, cette taxe créée une imposition pour les grandes entreprises tech qui génèrent un chiffre d'affaires mondial de 750 millions d'euros et de 25 millions d'euros sur le territoire français.

En réponse à la taxe Gafa, la filiale française de l'ogre du e-commerce a décidé d'augmenter ses tarifs à l'égard de ses vendeurs-tiers, ceux qui proposent des produits sur sa marketplace (ndlr : place de marché mettant en relation des commerçants tiers et des consommateurs). En France, plus de 10.000 PME et TPE utilisent Amazon pour vendre leurs produits, afin de toucher une nouvelle clientèle à l'heure de la révolution numérique et augmenter leur chiffre d'affaires. Le groupe américain prélève une commission variable selon le type de produit vendu.

"A la suite de l'instauration en France d'une nouvelle taxe sur les services numériques au taux de 3%, nous souhaitons vous informer que nous serons contraints d'ajuster les taux de nos frais de vente sur Amazon.fr pour refléter ce coût supplémentaire", a informé par mail aux vendeurs hexagonaux la firme de Seattle le jeudi 01 août. "Le montant des frais de vente applicables aux ventes effectuées sur Amazon.fr augmentera de 3%" à compter du 1er octobre.

Une taxe Gafa payée par le consommateur final ?

Amazon est la première entreprise à répercuter la taxe Gafa sur le prix de ses services. Sur le forum officiel Sellercentral.Amazon, dédié aux commerçants français utilisant la plateforme, de nombreux vendeurs craignent devoir augmenter les prix à leur tour. La taxe Gafa, in fine, serait donc payée par le consommateur final.

De nombreux experts avaient alerté le gouvernement de ce possible effet pervers. "La théorie de l'incidence économique va certainement s'appliquer. Cela signifie que les géants du Net seront en capacité de répercuter le coût de la taxe directement ou indirectement sur les consommateurs", expliquait à La Tribune en mars dernier l'économiste Nicolas Marques.

"Dans le cas d'Amazon par exemple, le coût sera certainement transféré sur les vendeurs tiers, c'est-à-dire les PME et les TPE françaises qui vendent leurs produits sur sa plateforme. Celles-ci sont par ailleurs déjà imposées en France. Pour éviter que la taxe rogne leurs marges, celles-ci vont donc augmenter leur prix. En bout de chaîne, c'est le consommateur qui paiera une taxe créée au nom d'une présupposée justice fiscale, qui n'est en réalité qu'un moyen détourné de faire accepter un nouvel impôt."

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400 millions d'euros espérés pour 2019

Interrogé par l'AFP, Amazon a justifié sa décision : "Cette taxe visant directement les services de la marketplace que nous mettons à disposition des entreprises avec lesquelles nous travaillons, nous n'avons pas d'autre choix que de la leur répercuter", s'est défendu le groupe américain, avant de se dire "pas en mesure d'absorber une taxe supplémentaire assise sur le chiffre d'affaires" au regard de la concurrence dans le secteur du commerce de détail. Au cours du deuxième trimestre seulement, le groupe de Seattle a enregistré un bénéfice net mondial de 2,6 milliards de dollars (2,3 milliards d'euros) pour un chiffre d'affaires de 63,4 milliards de dollars (+19,9%).

Contrairement aux usages, cette taxe de 3% est indexée sur le chiffre d'affaires - et non le bénéfice. Selon le ministère de l'Economie, une trentaine de grands groupes devraient payer cette taxe, réatroactive à compter du début de l'année. Le gouvernement espère donc un rendement de 400 millions d'euros pour 2019.

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