Recherche en ligne : le méga-procès historique contre les pratiques de Google débute mardi

Par latribune.fr  |   |  779  mots
Google fait face à un procès d'ampleur historique. (Crédits : ANDREW KELLY)
Alors que le monopole de Google sur le marché de la recherche en ligne semble plus que jamais intouchable, un grand procès pour pratiques anti-concurrentielles s'ouvre aux Etats-Unis. Le gouvernement accuse le géant technologique d'avoir bâti son écrasante domination sur des contrats d'exclusivité, afin de s'imposer par défauts aux consommateurs. De son côté, Google prétend que son succès n'est dû qu'à ses prouesses technologiques. En jeu : l'éventuel démantèlement d'une partie de l'entreprise.

Google doit-il le succès de son moteur de recherche à ses performances ou à des pratiques anticoncurrentielles ? C'est l'objet d'un procès qui s'ouvre mardi à Washington, dans le cadre des poursuites judiciaires les plus conséquentes jamais lancées contre le géant d'internet.

D'après le gouvernement américain, Google a bâti sa domination sur la recherche en ligne grâce à des contrats illégaux avec des entreprises telles de matériel et de services, afin que son outil soit installé par défaut sur l'écrasante majorité des smartphones et ordinateurs.

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Google, géant aux 90% de parts de marché

Le procès portera principalement sur les contrats passés entre Google et des fabricants d'appareils (comme Apple et Samsung), des opérateurs de téléphonie mobile (comme T-Mobile ou AT&T) et d'autres entreprises (comme Mozilla). D'après le gouvernement américain, ces pratiques ont laissé peu de chance à ses concurrents de rivaliser. En dehors de Yahoo à ses débuts, Google n'a jamais eu de concurrent à sa taille. Avec plus de 90% de parts sur le marché de la recherche en ligne, son outil semble désormais indétrônable. Même lorsque Microsoft a injecté un outil d'intelligence artificielle inédit dans son moteur de recherche Bing, il n'a fait qu'effleurer le mastodonte.

Pendant 10 semaines d'auditions, une centaine de témoins va se succéder à la barre, et Google va tenter de persuader un juge fédéral que les accusations du ministère américain de la justice sont infondées. « Notre succès est mérité », a affirmé Kent Walker, directeur juridique d'Alphabet, la maison mère de Google, dans une déclaration officielle. « Les gens n'utilisent pas Google parce qu'ils n'ont pas le choix mais parce qu'ils le veulent. Il est facile de changer de moteur de recherche par défaut, on n'est plus à l'époque des modems et des CD-ROM », a-t-il ajouté.

Le groupe californien rétorque que la popularité de son moteur de recherche est due à la qualité imbattable de son service. « Il s'agit d'une affaire rétrograde à une époque d'innovation sans précédent », a lancé Kent Walker, mentionnant « des percées dans l'intelligence artificielle, de nouvelles applications et de nouveaux services qui créent tous plus de concurrence et plus d'options que jamais auparavant pour le public ».

Un procès structurant pour la tech

C'est le plus important procès antitrust intenté contre une grande entreprise technologique depuis celui contre Microsoft, il y a plus de vingt ans, à propos de la domination du système d'exploitation Windows. Google était alors « la coqueluche de la Silicon Valley en tant que start-up pugnace qui proposait un moyen novateur de faire des recherches sur l'internet naissant », a déclaré le ministère dans sa plainte. « Ce Google a disparu depuis longtemps », assène-t-il. Lancées en 1998, les poursuites de Washington contre Microsoft se sont terminées par un accord en 2001, après qu'une cour d'appel a annulé une décision ordonnant la scission de l'entreprise.

« Cette affaire aura une forte incidence sur la manière dont les plateformes technologiques fonctionneront à l'avenir », prédit auprès de l'AFP John Lopatka, professeur de droit à la Penn State's School of Law. En effet, Google risque gros. Si dans quelques mois le juge Amit Mehta tranche en faveur des Etats-Unis, le groupe risque d'être forcé de se séparer de certaines activités pour l'obliger à changer ses méthodes.

En Europe, il a déjà été condamné à des amendes de plus de 8,2 milliards d'euros en cumulé, pour diverses infractions au droit de la concurrence, bien que certaines de ces décisions fassent l'objet d'un appel. Aux Etats-Unis, Alphabet fait face à d'autres accusations de monopole, concernant notamment la publicité en ligne, dont il se taille un grand morceau grâce à son moteur de recherche.

Réponse dans plusieurs mois

L'enjeu est aussi de taille pour le gouvernement de Joe Biden. Les poursuites ont été lancées en 2020 par l'administration de Donald Trump. Mais le président démocrate a mis un point d'honneur à défier les géants de la tech, en parallèle de la nomination de la spécialiste du sujet Lina Khan à la tête de la Federal Trade Commission (FTC).

Sans beaucoup d'effet jusqu'à présent. Quelle que soit l'issue du procès, « ce n'est pas fini tant qu'il n'y aura pas eu d'appel », a souligné John Lopatka. « Donc ceux qui veulent réguler la tech ne devraient pas se désespérer si jamais le gouvernement perd cette manche. Mais ce serait une défaite importante », a-t-il précisé.