
En février, le déploiement d'un chatbot nourri à l'intelligence artificielle générative sur Bing, le moteur de recherche de Microsoft, a pris Google de court. L'écrasant numéro un de la recherche en ligne (plus de 90% de parts de marché) était bousculé comme jamais par la vague d'innovation initiée par ChatGPT, au point de déclencher un plan d'urgence en interne. Le nouveau Bing ne faisait que concrétiser ses inquiétudes.
Microsoft a immédiatement affiché ses ambitions. « Chaque point grappillé sur le marché de la recherche en ligne représente une opportunité de 2 milliards de dollars de chiffre d'affaires supplémentaire pour notre business publicitaire », expliquait alors Philippe Ockenden, vice-président financier du groupe. Avec 3% de parts de marché, le moteur de recherche semblait avoir un potentiel de croissance plus qu'intéressant. Mais comme le souligne le Wall Street Journal, six mois plus tard, Bing a stagné malgré des progrès relatifs. Or, sa fenêtre d'opportunité semble se refermer, puisque dans le même temps Google s'apprête à lancer sa riposte.
Guerre de chiffres
Citant les analyses de StatCounter et Similarweb, le Wall Street Journal relève que la part de marché de Bing et son nombre de visiteurs mensuels par rapport à Google ont stagné entre janvier (avant le déploiement de la nouvelle version) et juillet. Microsoft estime que les chiffres récents seraient sous-estimés car ils ne prendraient pas en compte les visites directes sur la page de Bing Chat [l'agent conversationnel, ndlr]. Mais les entreprises qui produisent les chiffres affirment le contraire, tandis que Microsoft refuse de publier ses propres données
Bien que négligeables à l'échelle du marché, les progrès de Bing satisfont néanmoins Microsoft. Le moteur de recherche aurait augmenté son nombre d'utilisateurs de 10% à 98 millions depuis le lancement de sa nouvelle version d'après YipitData. Il aurait même dépassé la barre des 100 millions d'utilisateurs d'après d'autres sources, loin des plus de 1,1 milliard d'utilisateurs de Google. Au WSJ, le directeur marketing du groupe, Yusuf Mehdi, affirme même que « Bing a fait plus de progrès dans les six derniers mois que sur les deux dernières décennies. »
Pour l'instant, ces progrès ne se reflètent pas vraiment dans les résultats financiers : le chiffre d'affaires publicitaire de Microsoft, alimenté dans son écrasante majorité par Bing, n'a progressé que de 3% au dernier trimestre par rapport au même trimestre l'an dernier. Et il pèse toujours pour moins de 6% du chiffre d'affaires du groupe.
Un effet d'annonce aspiré par ChatGPT ?
Dans un autre article publié plus tôt dans le mois, le Wall Street Journal révélait qu'une partie des employés de Microsoft s'étaient étonnés de la sortie de ChatGPT dès novembre. Le chatbot d'OpenAI, dans lequel Microsoft a investi des milliards de dollars, est devenu le premier outil d'intelligence artificielle générative grand public (du moins, pour la génération de texte). Sauf que le géant de la tech travaillait déjà sur Bing, et qu'il n'a été averti que peu avant la sortie. Autrement dit, le moteur de recherche aurait pu endosser le rôle de premier démonstrateur de l'IA grand public, et potentiellement profiter de l'effet d'engouement qu'a suscité ChatGPT.
En à peine cinq jours, l'outil d'OpenAI a dépassé la barre du million d'utilisateurs, puis celle des 100 millions d'utilisateurs dès janvier, pour aujourd'hui s'approcher des 240 millions d'utilisateurs. Soit plus de deux fois plus que Bing. Mais la nouvelle version du moteur de recherche ne doit pas son échec relatif qu'à cette chronologie. En plus d'une série de bugs corrigés en urgence dans les premiers jours, Bing Chat a longtemps nécessité d'être connecté à un identifiant Microsoft, et de passer par le navigateur Microsoft Edge. Il limitait ainsi son accessibilité à une fraction des internautes, et ce n'est qu'après quelques mois qu'il s'est ouvert aux autres navigateurs, comme Google Chrome et Safari (Apple). De même, sa disponibilité dans d'autres langues que l'anglais ne s'est faite qu'en mai.
Autrement dit, Bing n'était pas dans les conditions pour capitaliser sur l'engouement autour de la sortie de sa nouvelle version. D'après Yusuf Mehdi, l'entreprise n'avait quoi qu'il en soit pas le choix quant à limiter la disponibilité de l'outil, en raison de contraintes techniques. Résultat : la fenêtre d'opportunité pourrait déjà se refermer pour l'éternel petit concurrent de Google.
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