Comment les médias répondent aux bloqueurs de publicité

Par Laszlo Perelstein  |   |  701  mots
Certains sites passent par des techniques plus "artisanales", comme remplacer les bannières publicitaires bloquées par des messages demandant de façon humoristique (ou non) de désactiver les "adblockers"
Yahoo Mail empêche désormais ses utilisateurs américains utilisant un "adblock" d'accéder à leur boîte mail. Une initiative déjà adoptée par plusieurs groupes de médias et qui a pour but de préserver les revenus publicitaires, fortement touchés par ces logiciels de blocage de publicité.

Face à la menace que représentent les bloqueurs de publicités pour leurs revenus, les médias ont décidé d'agir. Dernier en date : Yahoo!. Le groupe teste une fonctionnalité empêchant ses Internautes américains dont le navigateur est équipé d'un bloqueur de publicités d'accéder à leur compte Yahoo Mail,  rapporte le Financial Times dans un article (payant) publié le 20 novembre.

Si un message indique "l'impossibilité d'afficher Yahoo Mail", invitant à "désactiver le bloqueur de publicité pour continuer à utiliser" le service, il n'y a en réalité aucun problème technique, souligne le quotidien britannique. Le groupe américain cherche seulement à s'assurer que les utilisateurs de son service gratuit génèrent bien de la publicité et donc des revenus. Interrogé par le FT, Yahoo n'a pas indiqué s'il souhaitait étendre l'utilisation de son outil à ses autres produits, comme ses magazines en ligne.

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Des initiatives similaires ailleurs dans le monde

Le géant de la Silicon Valley n'est pas le premier à procéder de la sorte pour tenter de sauvegarder ses revenus publicitaires. Si certains médias ont choisi de payer pour figurer sur la liste blanche des "adblockers", d'autres ont opté pour une approche plus frontale.

En Allemagne, le groupe Axel Springer (propriétaire de titres de référence comme Bild, Die Welt, et depuis peu de Business Insider) a également appliqué ce blocage en masquant son contenu aux utilisateurs munis d'un "adblocker". Une expérience risquée mais qui a forcé deux tiers des internautes visés à désactiver leurs bloqueurs de publicité. En revanche, très peu ont opté pour un abonnement.

En France, les chaînes privées TF1, M6 et Canal+ ont trouvé plus simple et contournent directement les "adblockers", quand l'accès aux vidéos n'est pas empêché aux utilisateurs - comme c'était le cas avec TF1 pendant la Coupe du monde. Même équipé d'un "adblock", l'internaute est donc obligé de regarder la publicité d'une vidéo. Les solutions technologiques utilisées ont toutefois des failles, relevait fin 2014 le Journal du Net. Certaines empêchent de cliquer sur la publicité (et donc d'accéder aux sites qui vend le produit présenté) ou ne "traquent" pas le nombre d'utilisateurs touchés. D'autres, enfin, ont un coût élevé puisqu'elles prélèvent 30% des revenus ainsi générés.


Exemple de bannière alternative en cas de bloqueur de publicité. Crédits : b-website.

Tous les sites n'ont néanmoins pas la possibilité de développer de telles solutions et certains passent par des techniques plus "artisanales", comme remplacer les bannières publicitaires bloquées par des messages demandant de façon humoristique (ou non) de désactiver les "adblockers". Des plug-in du genre ont même été développés pour la plateforme WordPress.

22 milliards de dollars de pertes de revenus en 2015 pour les sites web

Près de 200 millions d'internautes étaient équipés d'un logiciel de blocage des publicités en août, d'après une étude réalisée par l'éditeur de logiciels américain Adobe et la société irlandaise PageFair, spécialisée dans la récupération des revenus perdus. Les deux entreprises estimaient la perte de revenus publicitaires en 2015 à 21,8 milliards de dollars en 2015 (dont 10,7 milliards de dollars pour les seuls États-Unis). En 2016, le montant global devrait presque doubler selon leurs projections pour atteindre 41 milliards de dollars.

"Alors que le blocage des publicités s'étend au mobile, il y a une grande menace que le modèle d'activité qui a soutenu internet pendant deux décennies s'écroule", avertissait alors le patron de PageFair, Sean Bleachfield.

Dans une interview accordé début novembre aux Échos, Tim Schumacher, président et co-fondateur d'Adblock Plus, qui se revendique bloqueur de publicités le plus utilisé au monde, expliquait avoir pour but de faire adapter de "bonnes pratiques" - des publicités "comprenant seulement du texte ou bien des images statiques" selon ses propos -, rendant le marché "plus viable" sur le long terme. Il reconnaissait toutefois qu'"à première vue, à court terme, les bloqueurs de publicités détruisent des revenus".