Mobile : les fréquences, un jackpot auquel l’Etat reste attaché

Par Pierre Manière  |   |  590  mots
Selon Pierre Louette, le chef de file de la Fédération française des télécoms, les « crocodiles du budget à Bercy » ne veulent pas renoncer à « la manne » du renouvellement de certaines licences d'utilisation de fréquences mobiles.
En contrepartie d’une accélération de la couverture mobile de la France, Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free souhaitent que l’État soit moins gourmand lors du renouvellement prochain de licences d’utilisation de fréquences mobiles. Mais pas facile, pour l’exécutif, de renoncer à cette manne, qui se chiffre en milliards d’euros.

Comme l'a indiqué La Tribune ce lundi, les négociations entre l'État et les opérateurs télécoms concernant l'accélération de la couverture mobile en France demeurent extrêmement tendues. Depuis des mois, un sujet est au cœur de ces pourparlers : le renouvellement de certaines licences d'utilisation de fréquences mobiles. Celles-ci sont indispensables aux Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free pour offrir leurs services aux abonnés. En contrepartie d'une accélération sensible de la couverture mobile - en particulier dans les territoires ruraux et de montagne -, les opérateurs militent pour que l'Etat prolonge la durée des licences qui arrivent à leur terme. Ou autrement dit, que l'exécutif ne lance pas dès que possible, comme il en a l'habitude, de nouvelles enchères pour l'utilisation de ce spectre afin de récupérer un maximum d'argent auprès des opérateurs.

Mais au sein du gouvernement, des voix s'élèvent contre un tel deal, qui priverait l'État d'un jackpot toujours bienvenu pour les finances publiques. C'est ce qu'a affirmé Pierre Louette, le chef de file de la Fédération française des télécoms (FFT), le lobby du secteur, ce mardi. A l'en croire, le ministère de l'Économie et des Finances ne veut pas se passer de ces redevances. Lors d'une conférence de presse, ce mardi, le patron de la FFT - par ailleurs DG délégué d'Orange - s'est montré pour le moins critique à l'égard de Bercy :

« Depuis le début, [la question du prolongement des licences, NDLR] est au cœur du deal. Mais plus le temps passe, plus les claquements de mâchoires des crocodiles du budget à Bercy se font entendre ! »

Une manne de 6,3 milliards d'euros

D'après lui, ces « crocodiles » sont chaque jour de moins en moins enclins à tirer un trait sur « la manne » des fréquences mobiles. Pourtant, « tout le monde a intérêt, de ce point de vue-là, à ce qu'on puisse conclure assez vite », poursuit le leader de la FFT. Avant d'affirmer que si Bercy ne met pas d'eau dans son vin, la possibilité que les négociations ne débouchent sur aucun accord n'est pas à écarter. « Il ne faut pas exclure qu'on ne puisse pas réussir à conclure un package dans le mobile », a bombardé Pierre Louette.

Si Bercy se montre aussi réticent à renoncer à la manne des fréquences, comme l'affirme Pierre Louette, c'est parce que celle-ci est particulièrement élevée. Lors de la conférence de presse de la FTT, le think tank Idate a rappelé que ces dernières années, les opérateurs télécoms français ont déboursé 6,3 milliards d'euros pour des fréquences 2,6 GHz, 800 MHz et 700 MHz, qui leur permettent d'apporter la 2G, la 3G et la 4G. A titre de comparaison, en Allemagne, les opérateurs n'ont déboursé pour ces mêmes fréquences « que » 4,9 milliards d'euros - même si les modalités des licences ne sont pas exactement les mêmes.

(Crédits: Idate)

L'énormité de ces redevances explique notamment pourquoi, après environ cinq mois de négociations, l'État et les opérateurs n'ont toujours pas trouvé un terrain d'entente. Quoi qu'il en soit, le gouvernement, qui a fait de la réduction de la fracture numérique une priorité, espère qu'un accord avec les industriels verra le jour d'ici Noël.