Orange, Free et Bouygues Telecom vont attaquer SFR en justice

Par Pierre Manière  |   |  535  mots
Patrick Drahi, le propriétaire d'Altice (SFR).
D’après nos informations, les trois rivaux de l’opérateur au carré rouge comptent tous demander des réparations au groupe de Patrick Drahi. Ils estiment que la prise de contrôle de SFR et de Virgin Mobile par le propriétaire d’Altice avant le feu vert de l’autorité de la concurrence, en 2014, a nui à leurs intérêts.

C'est un tir groupé. Orange, Bouygues Telecom et Free comptent saisir la justice pour obtenir des réparations de la part d'Altice et de SFR. Tous estiment que la prise de contrôle de l'opérateur au carré rouge et de Virgin Mobile par Patrick Drahi avant d'avoir obtenu le feu vert de l'Autorité de la concurrence leur a porté préjudice. Le 8 novembre dernier, l'institution a en effet sanctionné Altice, actuelle maison-mère de SFR, pour avoir, via Numericable, pris les rênes de l'opérateur au carré rouge et de Virgin Mobile, en 2014, avant d'avoir son aval. L'Autorité de la concurrence a alors infligé une amende de 80 millions d'euros au groupe de Patrick Drahi.

D'après nos informations, Free compte mobiliser son service juridique. Idem chez Bouygues. Du côté de la maison-mère de Bouygues Telecom, on nous l'assure : « On va demander aux tribunaux des réparations. » Même son de cloche chez Orange. « On va attaquer parce que ces pratiques ont été nombreuses, longues et ont pu perturber le marché », nous dit une source proche du dossier. « Ça touche au retail (marché de détail, ndlr), au wholesale (marché de gros, ndlr), à Virgin Mobile... C'est plus que ce à quoi on s'attendait. Donc ça va douiller », renchérit-elle.

De nombreuses infractions

Lors d'une conférence de presse, l'Autorité de la concurrence avait listé un grand nombre d'infractions de la part du groupe de Patrick Drahi. A plusieurs reprises, pendant que l'institution examinait le rachat, « Numericable va se comporter d'ores et déjà comme le propriétaire de SFR » en prenant nombre de décisions stratégiques, a souligné Isabelle de Silva, sa nouvelle patronne. Parmi elles, Altice a demandé à SFR de mettre un terme à des promotions sur des abonnements à la fibre. Le groupe de Patrick Drahi s'est également substitué à SFR pour contrôler Virgin Mobile. Autre comportement répréhensible épinglé par l'institution : la négociation et la préparation opérationnelle du lancement d'une nouvelle gamme d'offres très haut débit par SFR ("Box TV Fibre"), en utilisant le réseau câblé de Numericable.

Pour l'heure, Orange, Free et Bouygues Telecom ne sont pas en mesure d'en dire plus sur leurs futures actions en justice, et encore moins d'évoquer des montants. De fait, l'Autorité de la concurrence n'a pas encore publié la décision finale de cette affaire. Pour l'heure, celle-ci a été uniquement notifiée à SFR. L'opérateur dispose d'un délai pour préciser à l'autorité quels points relèvent, d'après lui, du secret des affaires. L'institution doit ensuite statuer et juger si ces demandes sont légitimes ou non. Ceci fait, elle publiera la décision complète sur son site, d'ici quelques semaines. C'est sur cette base de travail que les rivaux de SFR pourront élaborer leurs actions en justice.

Dans tous les cas, la facture de cette prise de contrôle anticipée de SFR par Numericable risque fort, in fine, de coûter beaucoup plus que 80 millions d'euros au groupe de Patrick Drahi. Interrogé sur les prochaines actions de ses rivaux français, Altice ne fait, pour l'instant, « pas de commentaire ».