Qui est Kat Borlongan, la (probable) nouvelle patronne de la Mission French Tech ?

Par Sylvain Rolland  |   |  1029  mots
Kat Borlongan, la probable nouvelle directrice de la Mission French Tech. (Crédits : DR)
Sauf rebondissement, le secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, devrait annoncer dans la deuxième quinzaine de mai la nomination de l’entrepreneure Kat Borlongan en tant que nouvelle directrice de la Mission French Tech. Une vraie surprise, autant pour la Mission French Tech que pour l'écosystème d'innovation français.

Personne ne s'attendait à ce "profil atypique". Y compris, d'après nos informations, au sein même de la Mission French Tech. Dans la deuxième quinzaine de mai, Mounir Mahjoubi, le secrétaire d'Etat au Numérique, annoncera la nouvelle feuille de route de la Mission French Tech, l'initiative gouvernementale chargée depuis fin 2013 de fédérer les startups tricolores et de promouvoir l'innovation made in France dans le monde. Il confirmera aussi le nom de sa nouvelle directrice, qui devrait être, d'après une information des Echos confirmée par La Tribune, l'entrepreneure Kat Borlongan, qui dirige actuellement l'agence de conseil Five by Five.

La French Tech face à son nécessaire pivot

La jeune trentenaire devrait succéder à David Monteau, co-fondateur et directeur de la French Tech de juillet 2013 à décembre 2017, qui a fini par succomber aux sirènes de l'entrepreneuriat et a rejoint la startup Skopai. La longue vacance entre le départ de David Monteau et l'arrivée de Kat Borlorgan s'explique par la longueur des procédures administratives et par la nécessité, pour le gouvernement, de repenser à la fois les missions, mais aussi la gouvernance de la Mission French Tech.

Et pour cause : depuis quelques mois, les critiques pleuvent sur l'utilité et l'efficacité de la French Tech, un outil sous-financé, gangréné par les querelles d'ordre politique, et considéré en sérieuse « perte de vitesse » par de plus en plus d'entrepreneurs. Si bien que les lobbys France Digitale et Terra Nova ont réclamé que la French Tech soit « libérée » de l'emprise de l'Etat et « rendue » à son écosystème (entrepreneurs, investisseurs, chercheurs), pour pouvoir mener des actions mieux financées et de plus grande envergure, ne plus être vue comme un organe public, et mieux répondre aux problématiques des startups, notamment l'hyper-croissance et l'internationalisation.

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Kat Borlongan, une spécialiste du conseil en stratégie

Peu connue dans l'écosystème d'innovation français, Kat Borlorgan est donc une vraie surprise pour diriger la Mission French Tech. Alors que l'écosystème attendait la promotion « d'un des leurs » (comprendre, un profil tech avec une expérience significative dans une startup, familier avec toutes les problématiques des jeunes pousses), Kat Borlorgan est certes une entrepreneure, mais elle évolue dans le domaine du conseil en stratégie.

Sa société, Five by Five, qu'elle a cofondée en 2013, est une agence spécialisée dans l'open innovation, ou innovation ouverte. Son credo est d'aider ses clients (grands groupes comme Google, Coca-Cola, Orange, PME et organisations comme la CNIL ou la Caisse des dépôts) à faciliter leur transformation numérique en les aidant à innover, notamment via des partenariats avec des startups, le recours à l'open data et à des API. « Si vous êtes une organisation intéressée par le business avec les startups, faites-vous une faveur : lâchez les consultants en costume-cravate qui écrivent des rapports derrière leur bureau, et faites un partenariat avec Five by Five », s'enthousiasme Fred Mazzella, le fondateur de BlaBlaCar, sur le site de l'entreprise.

Originaire des Philippines (elle parle couramment le dialecte tagalog en plus de l'anglais et du français), Kat Borlongan était déjà bien connue de la Mission French Tech. Son précédent directeur, David Monteau, avait choisi de s'allier avec Five by Five pour mener la première enquête sur les relations entre les startups et les grands groupes, publiée en novembre dernier. Il en ressortait un gros « peut mieux faire » adressé aux champions de l'économie française, coupables d'entretenir des relations cosmétiques avec les jeunes pousses au point de leur consacrer seulement 0,1% de leur budget « achats ».

« Les grands groupes sont des partenaires naturels et incarnent des débouchés essentiels pour les startups. Lever les freins actuels est un enjeu essentiel donc il est bon que la French Tech ait un pied dans chaque monde », estime le directeur innovation d'un grand groupe.

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Investie pour l'open data, mais « pas proche du monde de l'innovation »

Kat Borlongan n'est donc pas une ancienne startuppeuse, mais elle fait partie des experts qui gravitent autour des entreprises innovantes. Membre du programme d'accélération américain Techstars, elle pilote un programme d'innovation corporate. Elle est également mentor pour le French Tech Ticket, qui aide des entrepreneurs étrangers à s'installer en France. Entre octobre 2014 et septembre 2016, la jeune femme a aussi fait partie d'une équipe d'experts en marketing produit pour Google. Depuis 2015, elle est également « experte sur l'économie » au sein du Conseil économique social et environnemental (Cese).

Sa passion et sa connaissance pointue de l'open data l'ont également amenée à diriger le bureau parisien de la fondation Open Data Institute, qui promeut l'ouverture des données publiques aux citoyens et aux entreprises, et à conseiller pendant deux ans Etalab, le service de l'Etat en charge de l'ouverture des données publiques. Kat Borlongan dispose donc d'une connaissance de l'administration française qui pourrait lui être utile pour diriger la Mission French Tech, rattachée au ministère de l'Economie mais pilotée par le Secrétariat d'Etat au Numérique, qui dépend du Premier ministre.

Malgré ce CV garni, de nombreux entrepreneurs accueillent la perspective de sa nomination avec une certaine circonspection.

« L'ADN de la French Tech est très tech et business : jusqu'à présent, c'était fédérer, faire rayonner et aider les startups à se développer. Kat Borlongan incarne une modification de cet ADN. Son parcours est impressionnant mais elle n'a pas le côté business, elle n'est pas proche du monde de l'innovation français", s'interroge un fin connaisseur de la French Tech.

Le signal envoyé -une femme, jeune, issue de la diversité, experte des relations startups/grands groupes, dotée d'une vision éthique de l'innovation- demeure intéressant. Reste désormais à connaître sa feuille de route pour savoir comment elle pourra amener la French Tech à négocier le virage de son propre pivot pour conserver sa pertinence face à un écosystème qui se pose de plus en plus la question de son utilité.