Deep tech : pourquoi l'alliance entre l'Inria et la French Tech à Station F est utile

L'Inria s'installe à son tour à Station F, au sein de l'espace French Tech Central, pour développer les interactions entre le milieu de la recherche, très prolifique en innovations de rupture, et celui des entrepreneurs. L'objectif : favoriser les transferts de technologie pour renforcer la "deep tech" française.
Sylvain Rolland
La French Tech et l'Inria ont signé un partenariat pour rapprocher les chercheurs et les entrepreneurs à Station F.

La "deep tech" se rapproche de l'écosystème des startups. Lundi 19 février, la French Tech a présenté à Station F, le centre névralgique de l'innovation française créé par Xavier Niel, un nouveau partenaire : l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria).

Au sein de l'espace baptisé French Tech Central, qui regroupe l'ensemble des services publics mis à la disposition des startups, l'Inria sera chargé de "faire le pont" entre deux milieux qui, jusqu'à récemment, se regardaient en chien de faïence : celui des chercheurs, qui créent au sein des laboratoires de nombreuses innovations de rupture qui restent souvent dans les tiroirs, et celui des startups, qui tentent d'exploiter le potentiel des nouvelles technologies mais qui se concentrent trop sur les innovations d'usage à faible valeur ajoutée technologique.

| Lire aussi : La France prendra-t-elle le virage des « Deep Tech » ?

Créer des passerelles entre le labo et la startup

Le rapprochement entre l'Inria et la French Tech vise autant à créer le désir d'entreprendre chez les chercheurs, qu'à pousser les entrepreneurs à s'intéresser de plus près aux innovations de rupture qui n'attendent qu'à être exploitées. Pour créer ces passerelles, le bureau French Tech Central organisera chaque mois des "tech talks", c'est-à-dire, des démonstrations de technologies, à chaque fois sur un thème différent.

Ces "tech talks" ont pour mission de présenter les technologies issues des laboratoires de toute la recherche publique, afin de favoriser des partenariats avec les startups ainsi que des transferts de technologie. Grands groupes et entrepreneurs en herbe et confirmés y sont conviés pour découvrir l'état de l'art de la recherche publique française, l'une des plus renommées au monde. De leur côté, les chercheurs auront l'occasion de présenter leurs travaux et de se familiariser avec l'entrepreneuriat. De quoi créer des vocations, espèrent la French Tech et l'Inria. Le premier événement aura lieu le 27 février autour du consortium SOFA, une plateforme logicielle de simulation numérique en open source, qui a permis depuis dix ans la création de plusieurs startups.

En plus des "tech talks", deux collaborateurs de l'Inria ont posé leur valise à Station F. Leur mission est de guider les startups dans les méandres de la recherche publique.

"Nous nous sommes rendus compte que les startups n'ont pas facilement accès à la recherche. Beaucoup d'entrepreneurs [souvent issus des écoles de commerce, NDLR] ne savent pas à quelle porte taper pour améliorer technologiquement leur produit, ni même comment il faut parler à un chercheur", explique Isabelle Ryl, la directrice générale déléguée aux transferts technologiques de l'Inria.

Dotée d'un budget d'un million d'euros financé par l'Inria et l'Etat dans le cadre du Programme des Investissements d'Avenir (PIA), l'initiative peut certes paraître modeste, mais elle créé un "point de ralliement" réclamé de longue date par les acteurs de la "deep tech". Plutôt que de créer une "Station F des deep tech", comme le souhaitait dans nos colonnes Guillaume Vandenesh, le directeur général de l'ONG spécialisée Hello Tomorrow, la French Tech espère intégrer les "deep tech" à l'écosystème déjà en place à Station F, qui regroupe startups, grands groupes, puissance publique, incubateurs, accélérateurs et fonds d'investissement au sein d'un même lieu à Paris.

| Lire aussi : Station F, un mini-écosystème d'innovation dans la ville

Les "deep tech", secteur différenciant pour la France et l'Europe

L'initiative est logique à plus d'un titre. Tout d'abord, la Mission French Tech, lancée par Fleur Pellerin en novembre 2013, a été co-conçue par plusieurs anciens de l'Inria, de Bruno Sportisse (directeur du transfert et de l'innovation à l'Inria, proche de Fleur Pellerin) à David Monteau (ancien de la direction innovation de l'Inria devenu directeur de la Mission French Tech jusqu'en décembre 2017), jusqu'à la directrice actuelle de la communication, Marie Gallas-Amblard, également ancienne de l'Inria.

Surtout, l'Etat a bien identifié les "deep tech" comme le moyen pour la France et l'Europe de tirer leur épingle du jeu dans la course mondiale à l'innovation. En fin d'année dernière, la French Tech a même réorienté sa stratégie de communication à l'international autour de l'excellence française dans les technologies de rupture, sur la base de la richesse de son tissu d'ingénieurs et la qualité reconnue de la recherche publique. Pour le capital-risqueur Xavier Lazarus, co-fondateur du fonds Elaia Capital, les "deep tech" représentent une opportunité à ne pas rater pour le Vieux Continent:

"Il est admis que seuls les Américains savent imposer un nouvel usage partout dans le monde, et que seuls les Chinois ont la profondeur de marché suffisante pour créer des géants sur leur marché intérieur. En Europe, il faut innover là où on a une chance de réussir, en misant sur nos forces."

Pour cela, il est donc urgent de lever les freins aux transferts de technologie. Les acteurs du secteur estiment qu'un gros travail d'acculturation est nécessaire, à la fois du côté des startups mais aussi des grands groupes, qui collaborent trop peu avec les startups, et des chercheurs. Pour Corinne Borel, directrice générale déléguée à l'essaimage au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), il faut saisir le momentum:

"La prise de conscience des grands enjeux de demain et la convergence entre plusieurs technologies qui arrivent à maturité dans la microélectronique, le big data ou encore les nanotechnologies, permettent une accélération de l'innovation. C'est le moment de se rapprocher des startups car elles restent le meilleur moyen d'imposer rapidement une innovation de rupture sur le marché."

Sylvain Rolland

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