#ReviensLéon : les expatriés ne se bousculent pas au portillon pour rentrer en France

Par Sylvain Rolland  |   |  1110  mots
Malgré les autocélébrations de rigueur, les résultats restent anecdotiques : seuls huit expatriés revenus en France grâce à #ReviensLéon.
Au bout de dix mois d’existence, seuls huit expatriés Français à l’étranger sont rentrés en France grâce à l’initiative #ReviensLéon. La plateforme mute donc pour attirer aussi les étrangers dans les startups françaises.

Le compte n'y est pas encore. Lors du lancement de #ReviensLéon, le 27 mai dernier, Frédéric Mazzella, le PDG de Blablacar et porte-drapeau de l'initiative, espérait attirer "au moins une dizaine" de Léon en un an. Des Leon ? Des expatriés français à l'étranger, qui aimeraient rentrer au bercail mais qui se découragent face à la complexité du retour. Pour eux, #ReviensLéon a créé une plateforme dotée d'une centaine d'emplois dans la crème des startups françaises en hyper-croissance, ainsi que des fiches pratiques pour organiser leur retour et gérer les galères administratives, et même, cerise sur le gâteau, une aide matérielle de la part d'entreprises partenaires, comme Michel et Augustin.

Quatorze pépites de la French Tech y postent des offres d'emplois, notamment Blablacar, Sigfox, Drivy, Lafourchette, Showroomprivé ou encore Capitaine Train. LVMH, pourtant une multinationale, s'est incrustée dans l'initiative en novembre pour redorer son image.

     | Lire : #ReviensLéon : quand les pépites de la French Tech font les yeux doux aux expat'

Huit retours dans quatre startups

Mais la mayonnaise ne prend pas aussi bien qu'espéré. Si bien que les organisateurs ont repoussé de trois mois l'étape du premier bilan. Lors du lancement, ils promettaient d'annoncer des retours dès le début du mois de janvier. Finalement, ce bilan s'est tenu vendredi 8 avril. Et malgré les autocélébrations de rigueur, les résultats restent anecdotiques : seuls huit expatriés revenus en France grâce à #ReviensLéon.

Parmi ces huit recrues, quatre ont été embauchées par la startup nantaise iAdvize, spécialisée dans le commerce conversationnel pour les entreprises. Deux autres sont chez l'opérateur télécom pour l'Internet des objets Sigfox, les deux derniers ont atterri chez Blablacar et Dataiku.

"Un délai plus important que prévu pour rentrer"

En revanche, les 230 annonces publiées sur le site ont engendré 5000 candidatures, "soit davantage que le nombre de clients de Blablacar la première année", a plaisanté Frédéric Mazzella. Le faible nombre de retours, plus symbolique qu'autre chose, s'explique en partie par le temps nécessaire pour rentrer. "Nous avions un peu sous-estimé ce délai entre la prise de décision et la prise de poste. Il faut postuler, attendre la réponse des RH, passer plusieurs entretiens, puis organiser son retour, qui est complexe surtout quand on a vécu longtemps à l'étranger", souligne l'entrepreneur-star de la French Tech.

Frédéric Mazzella se réjouit, en revanche, que tout se soit fait dans les trois derniers mois. "Cela montre que la machine met un peu de temps à démarrer, mais qu'elle est bien en marche et qu'on peut s'attendre à d'autres retours dans les mois à venir", pronostique-t-il.

Il est également possible que certains Léon aient échappé aux radars de la plateforme : ils auraient vu l'annonce sur le site mais auraient postulé par des chemins plus classiques. "Nous n'avions pas réalisé que Johanna Burgos, qui fait partie des huit retours, était une Léon jusqu'à ce qu'un journaliste de France 3, venu faire un reportage, lui demande comment elle avait postulé", sourit l'entrepreneur. "D'autres personnes sont peut-être dans ce cas", ajoute-t-il.

Muter en plateforme pour recruter des talents de toute nationalité

Les statistiques sur les 5.000 postulants de la plateforme indiquent toutefois que #ReviensLeon n'attire pas seulement les expatriés. Surprise, ils représentent même une minorité, si bien que la plateforme ne communique pas les chiffres sur sa cible originale. "Ces derniers mois, 50% des postulants sont des étrangers qui veulent travailler en France. Il y a aussi des Français installés en France qui utilisent la plateforme pour postuler", remarque une employée.

D'où la volonté de transformer #ReviensLeon en plateforme pour recruter des talents de toute nationalité. De quoi satisfaire l'appétit insatiable des startups en hyper-croissance membres du programme, confrontées à de réelles difficultés de recrutement et en demande de talents dotés d'expériences à l'international.

Pour cela, il faudra traduire le site au moins en anglais, ce qui sera fait cet été, selon Frédéric Mazzella. Un partenariat avec la French Tech est également sur la table, pour mettre en place un « dispositif adapté » à cette nouvelle mission, et que la plateforme dévoilera... plus tard.

Changer l'image de la France, une mission de longue haleine

Si les résultats concrets de l'initiative #ReviensLeon sont symboliques, le programme se dote aussi d'importants objectifs de communication. Depuis mai, les organisateurs ont multiplié les "roadshow", c'est-à-dire les grosses opérations de communication lors d'événements liés aux startups. En plus de plusieurs opérations à Paris, #ReviensLeon a chanté les louanges de l'entrepreneuriat à la française lors de la French Touch Conference, qui s'est tenue à New York en juin, puis à San Francisco, Londres, Dublin (pour le Web Summit) et enfin, au CES de Las Vegas, qui s'est tenu début janvier dernier. Le poids de Frédéric Mazzella a même permis aux huit premiers Léon de rencontrer François Hollande à l'Elysée, début mars.

Les huit premiers Léon sont ravis de l'expérience. "Les fiches pratiques de #ReviensLeon m'ont permis d'anticiper et de préparer les documents nécessaires pour les différents organismes, et j'ai pu bénéficier d'une mise en relation avec un expert EY via la cellule Léon", se réjouit Michael Hirbec, qui a passé onze ans en Irlande et deux ans en Espagne avant d'intégrer iAdvize.

Si tous soulignent à quel point leur vision de la France a changé depuis qu'ils sont rentrés, preuve du dynamisme de la French Tech, leur perception jusqu'alors indique tout le chemin qu'il reste à parcourir avant de vraiment gommer l'image de la France l'étranger. "A vrai dire, je n'avais pas franchement envie de rentrer, car je ne connaissais pas l'actualité bouillonnante de l'écosystème French Tech", confie Nicolas De Rosen, expatrié aux Etats-Unis et à Singapour pendant six ans avant de rejoindre iAdvize. "J'ignorais complètement le dynamisme de l'écosystème startup français", ajoute Emmanuel Julliot, également intégré chez iAdvize après un séjour d'un an et demi à Munich et à Shanghaï.

"Vu de l'étranger, la France renvoie une mauvaise image et j'étais moi-même convaincu qu'il n'y avait aucune opportunité", renchérit Alexis Le Rossignol, passé par le Mexique et l'Inde pendant huit ans. Ces témoignages révèlent bien que #ReviensLéon est une démarche salutaire, car elle change les préjugés... mais aussi qu'ils sont tenaces, et que sa mission sera de longue haleine.