Et si les marchés disaient "stop" à Patrick Drahi ?

Par Pierre Manière  |   |  473  mots
Patrick Drahi, le propriétaire d'Altice, la maison-mère de Numericable-SFR en France.
Sur cinq jours, les titres Altice et Numericable-SFR ont fondu respectivement de 12,5% et 7,9%. Jusqu’alors coqueluche des marchés, Patrick Drahi pourrait rencontrer une limite à un développement basé sur l'endettement, face à des investisseurs plus averse au risque qu'auparavant, selon une note d’analyste de Goldman Sachs.

Patrick Drahi va-t-il être contraint de freiner sa boulimie d'acquisitions ? Le propriétaire d'Altice, la maison-mère de Numericable-SFR était jusqu'ici considéré comme la coqueluche et le chouchou des banquiers et des investisseurs. Ceux-ci lui prêtaient volontiers les milliards de dollars nécessaires à ses coûteuses emplettes, parmi lesquelles SFR, Portugal Telecom, Suddenlink, et dernièrement l'américain Cablevision. Mais le vent est peut-être en train de tourner. Sur cinq jours, les titres Altice et Numericable-SFR ont en effet fondu respectivement de 12,5% et 7,89% à 18,72 euros et 41,28 euros.

Pourquoi ? Parce que les marchés affichent depuis peu une aversion au risque. Et dans ces conditions, il semble que la stratégie d'endettement d'Altice suscite moins de confiance qu'auparavant. En amont de ces baisses de cours, selon l'agence Reuters, la holding de Patrick Drahi a dû réduire, vendredi, le montant de son émission obligataire à haut rendement pour financer le rachat de Cablevision à 4,8 milliards de dollars. Or initialement, Altice espérait lever 6,3 milliards de dollars... En clair, cela devrait contraindre Patrick Drahi à relever le montant du prêt également envisagé pour financer le rachat du câblo-opérateur.

Des doutes sur les synergies

Ce nouveau contexte n'a pas été du goût des investisseurs. Dans une note publiée vendredi dernier baptisée « What's up with Altice ? » (« Que se passe-t-il avec Altice? »), la banque américaine Goldman Sachs explique que le groupe pâtit « des conditions plus difficiles sur le marché du crédit, qui reflètent en partie la hausse des risques de défaut des sociétés liées au secteur de l'énergie ». Et ce, après la chute du prix du pétrole et la dégringolade de Glencore, le géant du négoce des matières premières. Dans ce climat moribond, la banque d'affaires juge qu' « Altice a peut-être atteint les limites du marché de la dette pour financer ses fusions et acquisitions [...] en particulier concernant les actifs matures comme Cablevision ». En outre, Goldman Sachs, qui reste à l'achat sur Altice, estime que les marchés doutent peut-être de la capacité du groupe et de Cablevision à mettre en place les synergies annoncées.

Conscient de ce contexte tendu, Dexter Goei, le DG d'Altice, a déclaré mercredi dernier à l'agence Bloomberg que son groupe allait lever le pied sur ses achats. « Nous devons à nos investisseurs une pause dans le rythme de nos acquisitions, en particulier sur les grosses cibles », a-t-il lâché. D'après lui, cette « pause » pourrait durer « deux ans ». Elle permettrait au groupe de se consacrer à son désendettement, grâce à « l'accélération de la croissance du free cash flow ». Selon Dexter Goei, seule une opportunité d'achat sur Cox, le quatrième câblo-opérateur américain, pourrait faire dévier Altice de cette stratégie. Les marchés sont prévenus.